GRAND-DAKAR OU LA SUBSTANCE REPRESENTATIVE DE LA VILLE DE DAKAR
QUARTIER MYTHIQUE DE LA CAPITALE DU SENEGAL
S’il y a un quartier de la capitale sénégalaise qui a plusieurs facettes, c’est bien Grand-Dakar. Ce quartier est, disons, la substance représentative de la ville de Dakar. Il est non seulement vaste, mais il englobe aussi la quasi-totalité des différentes zones de la commune de Dakar, de Liberté 6, en passant par Yarakh jusqu'à Keur Massar, Hlm, Biscuiterie… C’est, en effet, à cause du découpage politique en 1996 qu’il y a eu ses différentes communes. Malgré cela, Grand-Dakar reste la plus vaste commune de Dakar. Voilà un bref survol de l’histoire de Grand-Grand
Situé sur une aire d’un Km carré, le quartier Grand-Dakar se situe entre l’Avenue Bourguiba, le Jet d’eau jusqu’à Niary Tally en passant par le boulevard Dial Diop, l’Ena et le siège du Parti socialiste. C’est un quartier populeux, mais aussi populaire niché au coeur de Dakar. Ce quartier a beaucoup évolué au fil des années. D’un village traditionnel avec des baraques comme seul luxe, Grand-Dakar est devenu un quartier moderne, très réputé, avec de grands édifices.
66 ans d’existence
Selon le communicateur traditionnel Abdoul Aziz Gningue, et non moins animateur à Manoré Fm et agent de la mairie également, il y avait Dakar-Plateau avant la naissance de Grand-Dakar. Ce natif de Grand-Dakar trace l’historique de son quartier : «Je suis né et j’ai grandi à Grand- Dakar. Si j’ai pu acquérir quelques connaissances sur ce quartier, c’est grâce aux vieux sages du coin, tels que El Hadji Ndiaga
Fall, président des communicateurs traditionnels de Grand-Dakar, El Hadji Mansour Mbaye, El Hadji Ousseynou Mbaye, El Hadji Pape Samb…». «Grand-Dakar a été créé le 13 octobre 1949 par le président Lamine Guèye. En ce moment-là, Dakar s’arrêtait au niveau de ‘Kip coco’, sis au niveau de Gibraltar et Colobane. D’autres disent que ça s’arrêtait au niveau de la Médina. Mais, Médina et ‘Kip coco’ sont proches», note Abdoul Aziz Gningue, avant de faire savoir qu’à cette époque, c’est Lamine Guèye qui était maire de Dakar.
De Dakar-Plateau à Grand-Dakar
«Dakar a eu plusieurs maires. Le premier était un Français, il se nommait Jean Alexandre. C’était en 1887. Après lui, il y a eu après Fernand Marsat de 1898 à 1908, puis Blaise Diagne de 1920 à 1934, ensuite Armand-Pierre Angrand de 1934 à 1939, aussi Alfred Goux de 1943 à 1945. Lamine Guèye a suivi de 1945 à 1961. Après ça a été Joseph Gomis de 1961 à 1964, ensuite le Docteur Samba Guèye de 1964 à 1978, puis Lamine Diack 1978 à 1979, avant Amadou Clédor Sall de 1979 1984 et Mamadou Diop de 1984 2002. Enfin, Pape Diop de 2002 à 2009. Et Khalifa Sall depuis 2009. Mais ce qui est important de noter, c’est que le premier Sénégalais qui a été maire de Dakar avant que Grand-Dakar ne soit créé, se nommait Blaise Diagne», renseigne- t-il.
Sur ce, il rappelle que le dernier maire de Dakar Français s’appelait Alfred Goux. C’est après lui que le président Lamine Guèye est venu en 1945. Concernant Lamine Diack, il n’a été maire qu’un peu plus d’une année, parce qu’il avait un conflit avec Léopold Sédar Senghor. C’était dans les années 1978-1979. Mamadou Diop est celui qui a le plus duré à la mairie de Dakar. Car il a été maire de 1984 à 2002. Poursuivant ses explications, M. Gningue atteste que «c’est le gouverneur Labart qui a créé Grand-Dakar en donnant des terrains à nos grands-parents». «Parce que Dakar était le lieu de refuge de presque tout le monde. La Grande mosquée fut construite entre 1953 et 1954. C’est El Hadji Matar Dieng qui était le premier imam. À l’époque, même feu Mame Abdou Aziz Dabakh venait souvent à la Grande mosquée pour faire ses prières du vendredi. La première église fut construite dans les années 1955», informe le vieux. Revenant sur l’origine du nom de Grand- Dakar, M. Gningue de souligner qu’il existait que Dakar. «Dakar s’arrêtait entre Médina, ‘Kip coco’ et Gibraltar. Mais le président Lamine Guèye avait ordonné en ce tempslà qu’on élargisse les lieux pour pouvoir accueillir plus de monde. C’est pourquoi, aujourd’hui, on peut dire que Point E, Fass, entre autres quartiers, font partie de Grand- Dakar. Grand-Dakar est grand, c’est très vaste. Le Grand-Dakar originel s’arrête au niveau de Liberté 6. Même les Hlm font partie de Grand-Dakar. C’est, d’ailleurs, la raison pour laquelle on l’appelle Grand-Dakar», raconte le communicateur traditionnel.*
1500 francs ou deux paires de pagnes pour se procurer une maison à Grand-Dakar
D’un âge très avancé, le vieux El Hadji Ndiaga Fall, qui réside à Grand-Dakar depuis sa création, de confirmer que c’est feu Lamine Guèye qui s’est battu, avec l’aide d’un administrateur, pour acheter le site avant de l’octroyer aux habitants. Et, fait savoir le vieux, c’est le gouverneur de
l’époque qui l’a morcelé. Sur les raisons qui ont poussé le gouverneur a posé cet acte, il explique : «C’est parce qu’à l’époque, il y avait des gens qui quittaient leur village pour venir s’installer à Dakar. La capitale était devenue saturée. Les gens ne pouvaient plus se contenir à Fass ou encore à la Médina. C’était un peu difficile, parce que nous ne connaissions que les «jolies baraques» en bois et c’était un bel village.
Les maisons étaient vendues à 1500 francs Cfa ou deux paires de pagnes. Ce qui équivalait aux 1500 francs». Nostalgique, le vieil homme ajoute : «Je m’en souviens très bien. On disait à Lamine Guèye qu’ici c’était un village et qu’on ne pouvait pas s’y installer. Et, pour nous convaincre, il nous disait qu’un fou n’a pas besoin de maison, mais des gens normaux enont besoin. Il avait même dit qu’il faut rester ici, car tôt au tard cet endroit sera un Grand Dakar».
«Et il avait raison, puisque Grand-Dakar, à part Fass qui porte le nom de Cheikh Ahmed Tidiane Chérif de Maroc, est l’aîné de toutes les communes. Hlm, Keur Massar, Liberté 6, entre autres, sont tous issus de ses flancs», affirme le vieux El Hadji Ndiaga Fall.
La politique, un problème de Grand-Dakar
Cependant, malgré les potentialités de la ville, Grand-Dakar est confronté à un problème qui n’est rien d’autre que la politique. Oui ! La politique. Car, explique El Hadji Ndiaga Fall, «après l’indépendance du Sénégal, nous avons eu un seul député, il s’appelait Gorgui Diallo. A part lui, on n’a pas de député-maire pour lui faire part de nos problèmes. Et pourtant, vu tout ce qu’englobe cette ville, nous avons des hommes, des jeunes cadres qui peuvent être des ministres, des présidents de la République… Mais Grand-Dakar n’a jamais bénéficié de cela à cause des problèmes politiques».
El Hadji Ndiaga Fall de poursuivre : «Le premier administrateur de la commune de Grand-Dakar c’est Ahmadou Mbackiou Faye qui a été élu en 1996. C’est pourquoi, les gens qui travaillent à l’administration à l’époque de Lamine Guèye, on les amenait à Zone A appelée zone Administrative. Pointe E, c’est le point des Européens. En 2002, il y a eu une délégation spéciale à la mairie. Et actuellement, c’est Jean Baptiste Diouf qui est le maire. Et dans l’histoire politique de Grand-Dakar, il est le seul à avoir deux mandats»
Grand-Dakar, un quartier à l’image ternie par son passé
Jadis quartier très prisé, Grand-Dakar a perdu de son attrait au fil des années. Une conséquence de sa réputation. Car, Grand-Dakar s’est vu coller une image de zone de drogue, de repaire de bandits et de voleurs. Une réputation qui a terni l’image du quartier
Le quartier de Grand-Dakar a un passé hideux, dont il a du mal à se départir. Stigmatisé, ce quartier populaire de Dakar est vu comme un lieu où règne un banditisme notoire. Un fait confirmé par Abdoul Aziz Gningue, communicateur traditionnel, natif dudit quartier.
«Les gens ont une mauvaise image de Grand- Dakar, parce que le quartier était réputé pour être un lieu très fréquenté par les vendeurs de drogue. Tous les vendeurs de drogue se retrouvaient à Taïba, un des quartiers de la commune. Ces délinquants venaient de Thiaroye et d’autres localités. C’est pourquoi, les gens ont peur de Grand- Dakar», révèle-t-il. Mais, selon lui, tout ceci appartient au passé.
A l’en croire, depuis qu’un poste de police a été installé dans le quartier, les habitants ont retrouvé la paix. «Il n’y a plus d’agresseurs à Grand-Dakar, tout simplement parce que le commissaire Bass Dièye, qui avait été affecté ici, connaissait bien le milieu et maîtrisait bien ce secteur», expliquet-il, avant de renseigner qu’à l’époque, à Grand-Dakar, il y avait de grands bandits qui semaient la terreur dans la ville.
«Boy Djinné», le grand bandit de Grand-Dakar
«Certains d’entre eux ne sont plus de ce monde. D’autres par contre se sont reconvertis et sont devenus, aujourd’hui, d’honnêtes citoyens. Par respect pour leur famille, je préfère taire leur nom. Mais le grand bandit du secteur qui a hanté le sommeil des populations était feu ‘Boy Djinné’, une véritable terreur. C’est pourquoi, quand il est décédé, un ‘Maïga’ l’a éventré et les ‘Laobés’, tout joyeux, dansaient et chantaient en disant que ‘Boy Djinné maiyii’ (Boy Djinné est mort)», se souvient Abdoul Aziz Gningue. «’Boy Djinné’ était un dangereux agresseur.
Il menait la vie dure aux populations, surtout aux Peuls. Je ne me souviens plus de l’année exacte, mais c’était dans les périodes de ‘Set-setal’ dans les quartiers, donc les années 90 qu’il est mort», narre-t-il. Aussi, notre interlocuteur de faire savoir qu’il y avait un grand vendeur de drogue à Grand-Dakar qui avait un puissant réseau. Ce vendeur de drogue est décédé aujourd’hui. Mais, renseigne-t-il, grâce à son
commerce, il était devenu très riche. «Beaucoup d’artistes venaient le voir pour se procurer des drogues qu’il vendaient. Le ‘marron’ et le ‘kaly’, deux types de drogue qui étaient les préférés des clients, c’est lui qui en contrôlait le réseau de distribution», se souvient Abdoul Aziz Gningue.
Cependant, s’agissant de la prostitution qui a régné pendant un certain temps dans Grand-Dakar, le communicateur traditionnel de dire : «Pour la prostitution, je n’en suis pas trop sûr. Mais il y avait des bars clandos où on vendait de l’alcool».
Grand-Dakar, fief de grands artistes
Malgré le fait que Grand-Dakar soit un quartier très fréquenté par de grands délinquants, ce quartier est aussi le fief de beaucoup d’artistes qui y ont fait leurs premiers pas dans le showbiz. Parmi eux, on peut citer Fatou Guéwel Diouf, Coumba Gawlo Seck, Soda Mama Fall, Alioune Mbaye Nder, Salam Diallo, entre autres. «Tous les grands artistes qui ont un nom aujourd’hui sont passés par là», fait savoir le communicateur traditionnel. A la question de savoir s’ils sont reconnaissants envers leur quartier, il soutient, après un court moment de réflexion : «Un jour, dans une interview, j’ai souligné le fait que Pape Diouf a l’habitude de dire qu’il est l’enfant chéri de Guinaw-Rail. Or, il est né à Niarry-Tally qu’il quittait souvent pour aller en répétion au ‘Lemzo Diamono’. Pape Diouf m’a répondu que la manière dont les habitants de Guinaw- Rail l’ont soutenu, il ne l’a pas senti chez ceux de Niarry-Tally. C’est pour vous dire que c’est la solidarité la force de la banlieue. ‘Daniouy sot’ (ils prennent un parti pris)». Sur ce, toujours dans la même lancée, il ajoute : «Les secteurs comme Médina, Grand-Dakar n’ont pas cet esprit de solidarité. Les gens ne s’entraident pas. Personne ne soutient personne. Vous savez, Yousou Ndour, sa réussite, il la doit à sa persévérance, à sa hargne et à la volonté divine. Les gens de Médina ne l’ont pas, en vérité, soutenu