Grigris, la vie d'Adéle
LES DEUX REPRESENTANTS DE L'AFRIQUE A CANNES
La 66e édition du Festival de Cannes se tiendra du 15 au 26 mai 2013. Deux cinéastes africains ont vu leur film figurer sur la liste des sélectionnés. Mahamat-Saleh Haroun pour « Grigris » et le tunisien Abdellatif Kechiche pour "La Vie d'Adèle".
Djaoro Youssouf, comédien fétiche du réalisateur tchadien Mahamat –Saleh Haroun et avec qui il était depuis « Abouna » (2002) en connivence, ne montera pas cette fois-ci les fameuses marches de Cannes comme il l’avait fait en 2010 avec « Un Homme qui crie » prix spécial du Jury. Il ne figure pas au générique de « Grisgris », le dernier film de Haroun. Devoir du fils à l’égard du père qui finit par entraver les ambitions du fils. Le film de Haroun pose-là une douloureuse question.
Dans le synopsis qui résume l’histoire du film, on lit que le personnage principal, le comédien burkinabè Souleymane Démé est un jeune paralytique, frappé durant l’enfance par la poliomyélite. Lui qui rêve de devenir danseur, mais les efforts pour y parvenir sont entravés par la maladie de son oncle. Il doit travailler pour des trafiquants d’essence afin de le sauver. Mahamat Saleh qui dresse le portrait de ce jeune homme met en lumière une certaine jeunesse délaissée qui se bat pour se construire un avenir.
Le tournage du film qui a bénéficié d’une subvention de 300 000 € (196 500 000 cfa) au titre de l’appui aux secteurs culturels des Acp-UE avait débuté fin octobre 2012 au Tchad. Les autres lieux choisis par le réalisateur étaient le Burkina Faso et le Cameroun. Au nombre des partenaires au financement du film, figurent Waza Images (Cameroun), Abissia Productions (Burkina Faso), Pili Films (France), Goï Goï Productions (Tchad) et Entre Chien et loup (Belgique).
Les cinéphiles africains ont été nombreux à découvrir tardivement Mahamat Haroun Saleh qui en 2010 avec son film « Un homme qui crie », avait obtenu le prix du jury du festival de Cannes et le prix Robert-Bresson à la Mostra de Venise.
Le film s’était hissé à la deuxième place en 2011 au Festival panafricain de Ouagadougou en remportant l’étalon de Yennenga. Mahamat Saleh qui en est à son sixième long métrage, avait auparavant réalisé six autres courts métrages. La percée internationale de « Un homme qui crie » avait fait prendre conscience à l’état tchadien de ce que le cinéma pouvait rapporter à un pays en termes de visibilité et d’image positive. Le Tchad avait saisi la perche pour assoir un arsenal juridique favorable à l’émergence du septième art, en réhabilitant la salle de cinéma le Normandie, inaugurée le 8 janvier 2011.
Une salle qui avait connu une fermeture de trente ans. Bye Bye Africa qui avait reçu en 1999 à Venise le prix du premier film, racontait de façon poignante la disparition du cinéma au Tchad, que symbolisait, avec la fermeture du Normandie. Le sacre de Haroun à Cannes avait permis le vote d’une loi qui permettait de prélever une somme sur le coût de chaque communication avec les téléphones portables, pour alimenter un fond de soutien au cinéma et à l’audiovisuel. Le projet de création d’une école en 2013 avait été envisagée. Une création d’école que devait piloter Mahamat Haroun Saleh.
Haroun commence à être un habitué de la Croisette pour y être revenu à trois reprises en qualité de réalisateur et membre du jury. Fait il partie de ces cinéastes qui d’année en année, reviennent et dont Thierry Frémaux, en répondant à une question disait que « « Les grands metteurs en scène font les grands films », raison pour laquelle ils reviennent régulièrement à Cannes. Gri-gris qui signifie en wolof talisman, portera t-il chance à Mahamat Haroun Saleh pour l'affirmation des cinémas du continent ? Il n'est pas interdit de réchauffer l chapelet.