HARO SUR LES ÉCURIES EN PLEINE RUE
Après les divagations de vaches dans ses rues et les charrettes empruntant l’autoroute, Dakar se distingue par une autre incongruité, en paysage urbain : les écuries de chevaux implantées le long de certaines artères.
C’est ainsi que sur toute la bordure de l’avenue séparant la cité Soprim des Parcelles assainies, on peut dénombrer, la nuit, une quinzaine de chevaux, broutant tranquillement du foin dans des pneus usagés servant de réceptacle. Le phénomène est devenu si banal que personne ne s’en émeut plus, malgré l’odeur des déjections et l’atteinte que cela porte à l’environnement.
Tout autour, s’affairent des cochers rustres, l’insulte à la bouche à la moindre remarque contrariante. Le jour, ils s’activent à livrer le matériel acheté par les clients dans les nombreuses quincailleries qui longent cette avenue très passante. Tout se passe comme si le cadre de vie n’est pas une préoccupation des autorités locales car on ne peut comprendre qu’elles laissent libre cours à ces nuisances.
Dans la législation sénégalaise, il est dit que le maire est responsable de la salubrité dans sa commune. Mais, on a comme l’impression que cette compétence est simplement perçue à travers le ramassage des ordures ménagères ou le déguerpissement des marchands ambulants.
Sinon, comment comprendre qu’on puisse laisser à ces occupants la latitude de transformer les bordures de cette avenue en écuries sans aucune réaction de la municipalité ?
Et l’on peut aisément imaginer dans quel état cette voie si passante peut se trouver pendant l’hivernage ! Où sont les services municipaux chargés de veiller au respect et à la protection du cadre de vie ?
Dans nos villes africaines, très souvent, il est fait très peu cas de l’environnement dans lequel nous vivons, attribuant à tort cette préoccupation à un luxe pour pays riche ou développé. Ce qui est une grosse erreur car l’environnement influe beaucoup sur notre santé et l’assainir entre même dans la politique sanitaire de l’Etat d’autant plus que des études ont montré une morbidité obéissant fortement à une géographie de l’insalubrité.
Et dans le cas qui nous intéresse, il ne s’agit point d’une question de pauvreté mais de l’application des textes à travers une volonté exprimée sur le terrain. Voilà, dans notre pays, tout est bien légiféré mais, c’est comme si l’homo senegalensis est rétif à l’application de ses propres textes de loi.
Cette situation aboutit au fait qu’une minorité impose à la majorité une mauvaise conduite qui finit, à la longue, par devenir la norme. Les autorités ne réagissant que par à-coups, histoire de justifier leur existence. Mais sur la durée, les contrevenants aux règles d’un cadre de vie sain gagnent.
Dans nos villes où tout n’est que béton, on étouffe à cause de l’insuffisance des espaces verts et de loisirs. Si en plus de cela, nous devrions vivre au milieu des chevaux et des vaches et de surcroit dans une grande ville comme Dakar !
Nous avons beaucoup d’associations constituées pour la défense de ceci ou de cela, mais très peu font parler d’elles en portant une lutte sans concession pour un environnement sain. Touchez au prix de l’électricité, de l’eau ou d’une denrée de première nécessité, elles se font entendre.
Curieusement, l’implantation sauvage d’espaces marchands, des séances de tams-tams ou de chants religieux avec haut-parleurs en jours ouvrables jusque tard dans la nuit, très peu en parlent. Cette situation s’explique certainement par une compréhension peut-être biaisée de la défense de l’environnement, qui a tendance à la restreindre à une question de lutte contre la déforestation.
Mais si notre pays veut émerger, comme il en a l’ambition, il devra prendre en compte le souci de plus en plus grandissant des citoyens de vivre dans un environnement sain et agréable.