HISSEIN HABRE SE DEFOULE SUR LA COUR
AMENE DE FORCE A LA BARRE

La reprise du procès, hier, de Hissein Habré, n’a pas été de tout repos, du fait de la radicalisation de l’ancien Président tchadien qui s’est défoulé sur la Cour, après qu’il a été amené de force à la barre. Après 45 jours de suspension, le procès de l’ancien Président tchadien, Hissein Habré, a repris, hier, au Palais de justice de Dakar, sous les chapeaux de roue.
L’audience a été électrique, après que le prédécesseur d'Idriss Deby à la tête du Tchad a été amené de force au tribunal par des Éléments pénitentiaires d’intervention (Epi).
Ces derniers ont, ensuite, eu, la lourde tâche de maintenir Hissein Habré sur une chaise devant son refus de faire face aux juges des Chambres africaines extraordinaires (Cae) qu’il dit ne pas reconnaître.
Déchaîné, l'ancien homme fort de N'Djamena a refusé de comparaître devant la juridiction spéciale chargée de le juger pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et torture.
Du coup, le président de la Cour, Gberdao Gustave Kam, a annoncé une suspension de l’audience afin de faire constater le refus de comparution de l’accusé par un huissier, chargé, par ailleurs, de faire revenir l’accusé sur sa décision.
Mais, c’était sans compter avec la détermination de Hissein Habré qui clamait ne pas reconnaître cette juridiction. Il a envoyé balader l’huissier qui était obligé de revenir rendre compte aux juges.
Habré au greffier : «Taisez-vous»
Face à cette situation, le président de la Cour, après concertation avec ses assesseurs, a demandé au parquet de prendre les dispositions nécessaires, avec les forces de l’ordre, pour faire comparaître de force l’accusé.
Cette instruction a été respectée à la lettre, car quatre Epi, tous encagoulés, se sont chargés de porter l’ancien Président tchadien, comme «un bébé», avant de le déposer sur une chaise devant la barre. Une scène qui a mis les souteneurs de Hissein Habré dans tous leurs états.
Bon nombre d’entre eux se sont levés pour manifester leur mécontentement. Mais, ils seront vite maîtrisés par les gendarmes qui ont procédé à l’expulsion de certains d’entre eux, malgré leur résistance.
Une scène qui a suscité l’ire de beaucoup d’avocats qui étaient présents. Ces derniers ont finalement vidé la salle.
«Je suis outré par ce que j’ai vu. C’est du jamais vu», a lancé Me Théophile.
Avant d’ajouter : «Je ne suis ni pour les victimes ni pour Habré, mais la scène que j’ai vue est désolante, ça ne devrait pas se passer comme ça, à mon sens. C’est vraiment triste».
Mais, Hissein Habré était loin d’abdiquer. Déterminé à troubler l’audience, il a tonné à l’endroit des juges : «Vous êtes une juridiction illégale, hors-la-loi».
En guise de réplique, le président de la Cour lui lance : «Force appartient toujours à la loi».
Revenant à la charge, Habré de s’en prendre au greffier qui était en pleine lecture de l’ordonnance de renvoi : «Taisez-vous».
Et d’enfoncer le clou : «Mensonge, mensonge, mensonge».
Ce n’est que plusieurs minutes plus tard, que le greffier a pu, enfin, poursuivre tranquillement la lecture de l’ordonnance de renvoi. Ce, après que Hissein Habré s’est calmé.
ME FRANÇOIS SERRES, AVOCAT DE L'ANCIEN CHEF D'ETAT TCHADIEN : «Je crains que le Président Habré meure en pleine audience»
L’usage de la force pour contraindre Hissein Habré à comparaître fait craindre le pire à Me François Serres, un des conseils de l’ancien président de la République du Tchad.
La comparution, hier, par la force de Hissein Habré, a mis son conseil, Me François Serres, dans tous ses états.
«On est dans une situation de violence absolue contre laquelle je voudrais réagir avec beaucoup d’indignation. Le président Kam, aujourd’hui, a menti, en prétendant que le Président Habré a été amené de son plein gré au tribunal et qu’il ne comprenait pas pourquoi il ne voulait pas venir dans la salle. C’est un mensonge, car il a été amené de force, brutalisé et malmené. Et je n’ai jamais vu, dans une juridiction digne de ce nom, qu’on n'amène par la force quelqu’un devant une juridiction», a asséné Me Serres.
Avant de s'indigner davantage : «Et la situation continue, car il y a trois personnes qui maintiennent Habré dans une chaise. Et je crois que les avocats commis d’office sont complices de cette situation. Ils ont dit qu’ils s’en remettaient à la décision de la Cour».
Hors de lui, l'avocat de l'ancien président de la République du Tchad de lancer : «Je crains que le Président Habré meure en pleine audience, car il a eu deux accidents cardiaques».
Selon Me François Serres, «les trois avocats commis d’office sont les salariés d’Idriss Deby et les avocats de la Cour. Ils n’ont plus le droit de porter la robe».
«Le Conseil de l’Ordre a été très clair, ils ne peuvent pas défendre contre la volonté de l’accusé. Habré nous a confirmé, hier (avant-hier), que nous sommes toujours ses avocats, et nous allons continuer à ne pas comparaître. Nous nous sommes constitués lors de l’audience préliminaire, nul ne peut dire que nous ne nous sommes pas constitués. Le code dit que la constitution se fait lors de l’audience préliminaire, et cela a été respecté, et le président ne peut pas ignorer cela. Le fait de ne pas comparaître fait partie de notre système de défense», conclut Me Serres.