''HISSENE HABRE NE SERA JAMAIS CONDAMNE À MORT''
SIDIKI KABA, MINISTRE DE LA JUSTICE
La cérémonie d’installation des juges des Chambres africaines extraordinaires (Cae) d’assises s’est tenue, hier, au palais de justice de Dakar. Occasion saisie par le ministre de la Justice du Sénégal, Sidiki Kaba d’affirmer qu’ «avec certitude si d’aventure un jugement de condamnation intervient, l’ex-Président tchadien, Hissiène Habré ne sera jamais condamné à une peine de mort parce que le Sénégal a aboli ladite peine».
C’est fait. Les juges des Chambres africaines extraordinaires (Cae) ont été installés, hier. La cérémonie officielle s’est déroulée à la salle 4 du tribunal hors classe de Dakar. «Ce jour est un moment d’espoir pour toutes les victimes du monde en quête de justice », a d’emblée, déclaré le ministre de la Justice, Garde des Sceaux du Sénégal, Sidiki Kaba, qui a présidé la rencontre.
Selon lui, le Sénégal a décidé de répondre à l’appel de l’Union africaine pour juger Hissène Habré au nom de l’Afrique. « C’était le déshonneur de l’Afrique. Le contexte, c’est d’assister à l’humiliation, d’exporter les enfants de l’Afrique pour les juger ailleurs et certaines déjà répondaient à la justice internationale en passant par Charles Taylor, Laurent Gbagbo et Jean-Pierre Bemba», explique-t-il.
Ainsi, note le ministre, ce sera un procès historique qui va montrer que l’Afrique a la capacité de juger ses propres enfants impliqués dans des crimes graves. « Ainsi l’honneur de l’Afrique sera sauf et le Sénégal veillera à ce qu’il n’ait pas un déshonneur judiciaire», a-t-il promis.
Aux juges, il espère « qu’ils rendront la justice en se fondant sur l’éthique, l’intégrité, la rigueur et compétence morale». Parce que, souligne-t-il, «la décision rendue sera scrutée par tout le monde et étudier dans les universités». Donc, elle devra refléter la technicité et la compétence.
Le procès démarre en juin
Actuellement, la procédure est dans la phase de jugement. Sur ce, les juges des Cae ont d’ici deux mois pour s’imprégner du dossier. «Nous allons entrer dans la phase active des poursuites car le procès va se tenir au mois de juin», indique Sidiki Kaba.
Sur la base illégale de nomination de ces juges dénoncés par les avocats d’Hissène Habré, le ministre dira : « ils sont dans leur droit et ils sont dans leur rôle. Ce qui est certain est que tout ce que nous faisons est dans la légalité et en même temps aussi tout ce que nous faisons est conforme à la convention que le Sénégal a eu à signer avec l’Union Africaine».
A l’en croire, il y a avait un débat, à savoir « est-ce qu’il fallait laisser partir Hissène Habré en Belgique ou il fallait le juger ici ? ». D’un autre côté, poursuit-t-il, « il faudrait dire que c’est un procès historique que l’on engage.
Le Sénégal et 42 Etats africains ont ratifié la convention contre la torture de 1984. Cela veut dire que l’Afrique est contre la torture parce que c’est une atteinte grave à l’intégrité physique de l’homme. Et, il faut retenir surtout que cette convention prévoit un mécanisme de compétences universelles».
M. Kaba ajoute : «Lequel permet au juge national de juger les auteurs des crimes commis à l’étranger sur des victimes étrangères. C’est une innovation majeure qui montre la volonté de la communauté nationale de lutter contre l’impunité des crimes internationaux notamment les crimes contre la torture qui est attentatoire à la dignité humaine».
Boycott des avocats de la défense et refus de comparution de Habré
Sur le boycott des conseils de la défense, le ministre de la Justice se veut formel. « Ils sont dans leur rôle et leur droit. Il n’est pas dans mon ressort d’imposer à des avocats de venir participer à un procès. C’est leur choix de défense».
Mieux, il soutient que dans tous les grands procès qui ont eu lieu, il y a eu toujours un déni des juridictions qui ont été érigées pour les juger. «C’est souvent la position de défense qui a été adoptée par des personnes impliquées dans ces crimes internationaux. Ils sont présumés innocents.
Mais, ce qui est certain, est que cette juridiction est ouverte. Ceux qui voudraient donc se défendre, ils doivent le faire. Si vous avez une vérité, exposez au monde que je n’ai rien à voir avec ce dont, on m’accuse. C’est une opportunité, il faut la saisir».
A l’endroit de l’ex-Président Tchadien qui refuse de comparaître, Sidiki Kaba renseigne « que la loi prévoit que lorsque vous ne comparaissez pas que vous pouvez être amené de force devant les juges. Il appartiendra aux juges de constater que vous ne voulez pas répondre aux questions qui sont posées mais il faut noter que le procès restera contradictoire et c’est ça qui est important».
Par ailleurs, le ministre fait remarquer qu’ «avec certitude si d’aventure un jugement de condamnation intervient, il ne sera jamais condamné à une peine de mort parce que le Sénégal a aboli la peine de mort. Mais sera-t-il déjà condamné ? Ça c’est autre chose».
Composition des Cae
Selon le Garde des sceaux, les choix des juges sont faits à la suite d’un appel d’offre international qui a été épluché. «On a essayé de dégager le meilleur profil de juges qui vont donc prendre en charge le dossier.
Et je suis sûr qu’ils le feront avec la compétence requise mais avec l’intégrité et l’éthique nécessaire lorsqu’on doit engager un tel procès», dit-il. Ainsi, du Burkina Faso, ancien juge au Tribunal pénal international pour le Rwanda (Tpir), comme Président de la Chambre africaine extraordinaire d’Assises au sein des juridictions sénégalaises.
Il aura à ses côtés Amady Diouf et Moustapha Ba, tous deux sénégalais, comme juges assesseurs, et Pape Ousmane Diallo, aussi du Sénégal, comme juge suppléant. Le parquet général est dirigé par le procureur général Mbacké Fall. Ce dernier est assisté par des adjoints sénégalais que sont Youssapha Diallo, Anta Ndiaye Diop et Moustapha Ka.
Le greffe sera assuré par Madame Cissé. Pour rappel, «Hissène Habré est de la torture pendant son ré- gime, de 1982 à 1990». Et, après une campagne de 22 ans menée par les victimes, «les Cae ont été établies au sein des juridictions sénégalaises en février 2013 afin de poursuivre les crimes le plus graves commis durant son régime.
Les Chambres ont Habré en juillet 2013 de crimes contre l’humanité, torture et crimes de guerre et l’ont placé en détention provisoire ». A signaler que Le 25 mars 2015, une Cour criminelle au Tchad a 20 agents de sécurité du régime de Hissène Habré pour torture et assassinat.