HONORABLES DÉPUTÉS, CE CODE, FAITES-EN UN SUPPOSITOIRE !
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C’est décidément devenu une obsession chez eux. Nos députés, qui figurent sans doute parmi les parlementaires les plus incultes de la planète — et que l’opinion nationale assimile majoritairement à des paresseux grassement payés à ne rien faire —, ces députés, donc, ne ratent aucune occasion pour s’en prendre aux journalistes. Ces applaudisseurs professionnels ont encore saisi le vote du Budget du ministère de la Communication, le week-end dernier, pour s’adonner à leur exercice favori.
Et alors que le sujet n’était même pas à l’ordre du jour, et que nul ne leur a rien demandé, ils ont déclaré — du moins un échantillon représentatif de ces messieurs-dames sortis du néant et qui y retourneront après leur mandat — qu’ils ne vont pas voter le nouveau Code de la presse. A la bonne heure ! Car qui leur a demandé de voter ce Code dont ils ne retiennent de toute façon, parmi les nombreuses dispositions qu’il contient, que celles relatives à la dépénalisation — plus exactement le désemprisonnement—, des délits de presse ?
Pour eux, voter ce texte, ce serait donner un blanc-seing, une licence, un permis de tuer à ces irresponsables, ces pyromanes, ces boutefeux que seraient les journalistes. Ce serait leur permettre de brûler ce pays, de violer l’intimité des braves gens, d’attenter à la vie privée et aux bonnes moeurs, de jeter en pâture d’honnêtes citoyens qui n’auraient rien à se reprocher etc.
Les journalistes étant des nullards, des gens qui n’ont choisi ce métier que « parce qu’ils ont échoué partout ailleurs » (comme l’a ânonné une distinguée députée), leur donner l’assurance que leurs propos, leurs écrits ou leurs images ne les mèneront plus en prison, ce serait prendre le risque d’embraser ce pays. Contre une perspective aussi apocalyptique, ces braves députés sont donc prêts à payer de leur personne, à faire barrage de leur corps pour qu’un tel texte ne soit jamais voté. Le droit du peuple à l’information ? Ne leur en parlez surtout pas, sauf s’il s’agit de permettre aux télévisions de retransmettre leurs pitreries à eux députés dans toutes les chaumières du pays et même à l’étranger par le biais du satellite.
En quatre mois, c’est la deuxième fois que les députés de la majorité s’attaquent ainsi bille en tête à la profession. Il y a quelques, nous soulignions (lire ci-contre) que le fait que ce soit la première vice-présidente de l’Assemblée nationale, et donc la plus haute responsable de l’APR (Alliance Pour la République) à l’Assemblée nationale, qui déclare qu’elle était contre le vote de ce projet de loi relatif au nouveau Code de la presse n’était pas innocent.
Et voilà que le président du groupe parlementaire de Benno Bokk Yaakaar dans cette même chambre d’enregistrement, l’honorable Moustapha Diakhaté, en ajoute une louche en disant qu’il n’y aura jamais de dépénalisation des délits de presse. Ça tombe bien, puisque beaucoup de journalistes n’ont jamais demandé cela et sont, pour ce fait, contre ce nouveau Code.
Au « Témoin », en tout cas, nous sommes foncièrement opposés à cette dépénalisation comme le montre d’ailleurs cet article que nous reproduisons ci-contre après l’avoir publié dans une de nos éditions au mois d’août dernier. Le papier de notre collaborateur Aly Samba Ndiaye abonde lui aussi dans le même sens. Par conséquent, ce nouveau Code de la presse, eh bien, nos honorables députés peuvent se le mettre là où on pense !