Horizon obscur
DEFICIT D’INVESTISSEMENT ET DE GOUVERNANCE DE LA SAR
Devant la situation que vit la Société africaine de raffinage(Sar), ses cadres réunis en amicale, se sont décidés à «raffiner» eux-mêmes, les difficultés auxquelles est confrontée l’entreprise. En procédant hier vendredi à Dakar, à l’ouverture des Journées de réflexion initiée par l’Amicale des cadres(Acs), le PCA de la Sar, Aymérou Ngingue, a campé le décor : « Déficit d’investissement et de gouvernance».
Peut-on parler de la crise énergétique au Sénégal sans parler de la raffinerie ? En posant ainsi la question, Mme Maïmouna Diop Diagne, Chef Service Administration Vente de la SAR, pose la problématique du rôle stratégique de la Société africaine de raffinage(Sar) en rapport avec la situation en déliquescence qu’elle traverse depuis quelques années maintenant. Acteur principal dans l’approvisionnement du pays en produits pétroliers à travers un cadre règlementaire lui confiant cette mission de service public, associée à une gestion privée, « tout cela devient de plus en plus difficile et nous Sariens, nous sommes rendus compte que nous sommes obligés, pour sortir de cette crise, de faire notre propre diagnostic et de proposer des pistes de solutions à l’Etat», confie Mme Diop Diagne, entre deux interventions au cours du lancement, hier vendredi, des Journées de réflexion initiées par l’Amicale des cadres de la Sar(ACS), associés avec les syndicats et autres délégués du personnel. Une rencontre à huis clos qui devra déboucher sur une « potion » à même de concilier service public et rentabilité de l’entreprise. Une gageure, autant dire, dans l’état actuel des choses.
Cet état des choses, c’est un déficit chronique d’investissement de la raffinerie qui existe depuis 1963 et qui « n’a pas bénéficié d’investissements d’envergure depuis 1994 », ainsi que l’a rappelé le Président du Conseil d’administration, Aymérou Ngingue, à l’ouverture des dites journées. M. Ngingue de renchérir : « Une raffinerie a besoin d’être modernisée et pour cela elle a besoin d’investissements.»
Ce qui se passe
Sous ce rapport, même les cadres de la Sar s’interrogent : «Où est le partenaire stratégique, qu’est-ce qui se passe ?»
Il se passe que plus de deux ans après l'arrivée de Saudi Bin Laden aux commandes avec toutes les promesses et engagements, l'avenir de la Société africaine de raffinage(SAR) se joue toujours avec, en toile de fond, des difficultés financières mais surtout, un management qui se dépouille dans ce qui ressemble à un « sauve qui peut » plutôt inquiétant.
Placée au coeur de la politique énergétique du Sénégal, la Société africaine de raffinage (SAR) ou plus précisément sa situation, pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponse.
Ce qui se passe, faut-il le répéter, c’est que près de trois ans après l’arrivée du groupe Saudi Bin Laden qui n'a jamais mis que 7 milliards de FCfa pour disposer de 34% du capital, on parle toujours de difficultés financières à la Sar et aucun investissement. Il semblerait d’ailleurs que le partenaire conditionnerait les investissements au paiement de la dette de la Sar dont il serait intéressant de connaitre aujourd’hui la situation. Mais là aussi, c’est le statu quo. Tout au moins sait-on que les partenaires financiers comme Ecobank ou UBA sont à l’affut pour rentrer dans les fonds qu’ils ont récemment avancés (194 milliards en 2010 et 45 milliards en 2011).
Par ailleurs, s’il est vrai qu’ « Il y a eu des problèmes au niveau de la gouvernance de la SAR et qu’entre 2006 et maintenant il y a plus de 100 milliards qui ont été mis dans la SAR mais ces 100 milliards là réfléchissions pour voir comment ils ont été utilisés'', selon le PCA de la Sar, il est tout aussi vrai que la réflexion devrait plus porter sur l’avenir immédiat de la raffinerie dont le besoin de souffle nouveau ne peut plus attendre.
Or, les besoins d’investissements sont davantage impérieux pour remettre à flot une raffinerie qui est aujourd’hui en sous-capacité, produisant tout au plus 500 à 700 000 tonnes de finis pour un marché domestique de 1,8 million de tonnes. Et dire que l’objectif était de passer à 3 millions de tonnes si l’ambitieux Programme d’extension et de modernisation de la Sar, le fameux PEMS, était mis en œuvre. Or, jusqu’ici, personne n’est en mesure de dire ce qu’il en est de ce PEMS encore moins du pré-pems.
Irresponsabilité !
L’arrivée du Groupe saoudien dans la Sar, en mars 2010, s’inscrivait dans le cadre de la politique de développement des infrastructures du Sénégal dont l’objectif est de « doter le pays d’un outil industriel stratégique, moderne, performant et capable de soutenir son émergence économique».
Si le partenaire n’est pas en mesure de respecter ses engagements pourquoi est-ce qu’il est encore là et surtout, pourquoi l’Etat observe-t-il cette léthargie ? C’est tout simplement de l’irresponsabilité quand on sait qu’à force de jouer avec le court terme, la Sar risque tout bonnement de… tourner court. Plus d’assistance technique depuis le mois de mai 2012, date à laquelle le contrat d’assistance technique jusque-là assurée par la compagnie Total qui détient 20% dans le capital de la Sar, est arrivé à terme sans que celui-ci n’ait été renouvelé ni révisé. Statu quo ! C’est quand même le lieu de rappeler que l’Etat qui avait pris l’option ferme de réduire, au profit du privé, sa participation au capital à un minimum de 10%, y conserve toujours 46%.
Il va sans dire que dans de telles conditions, aucun investisseur sérieux ne se risquerait à mettre ses billes dans la Sar. On fait quoi ?
L’Amicale des Cadres de la Société Africaine de Raffinage le dira peut-être.