Idy finira-t-il par prendre le taureau par les cornes ?
Au jeu des petites phrases séditieuses à l’intérieur de la coalition Benno Bokk Yaakaar, on finira par se demander si Idy a le courage de ses idées.
Le maire de Thiès cherche son chemin. Comme un nouvel arrivant dans la capitale, Idrissa Seck semble perdu. Où mettre les pieds ? La question se pose au président de Rewmi, visiblement désorienté dans la coalition Benno Bokk Yaakaar (Bby). L’ancien Premier ministre veut bien rompre les amarres, mais il redoute d’en prendre l’initiative. Sa tactique consiste donc à agacer les apéristes. Et à les contraindre à le pousser dans le vide. Quasiment tout le monde dans le parti du président de la République réclame la rupture avec Rewmi.
Le dernier pétitionnaire n’est pas des moindres. Il s’agit du secrétaire général du gouvernement, Seydou Guèye. « Idrissa Seck n’a pas besoin qu’on lui dise de quitter la coalition Benno Bokk Yaakaar. Idrissa Seck doit tirer les conséquences de son comportement », tranche net M. Guèye qui présidait, ce week-end, en compagnie de Mansour Faye, la rentrée politique d’un nouveau militant de l’Apr à Saint-Louis. Fort de l’expérience, Idy croit pouvoir, comme du temps des libéraux, se faire exclure de Bby. Sa stratégie mise en branle depuis le 25 mars dernier ressemble bien à l’affaire de la lettre du Pr Carcassonne.
On se souvient du bras de fer de Mara avec les libéraux en fin 2010. Le conflit que l’ancien Premier ministre Idrissa Seck avait engagé avec le Parti démocratique sénégalais (Pds) partait d’une idée : faire imploser son parti. Comme aujourd’hui, Idrissa Seck parvient à déchaîner une vague de réprobations à son encontre. Et dans la chaude ambiance du comité directeur appelé, à la permanence Omar Lamine Badji, à se (re)pencher sur la question Idy, les libéraux examinent son « crime » gravissime : déclarer irrecevable la candidature de Wade à la Présidentielle de 2012.
Là, le président du groupe parlementaire libéral et démocratique Doudou Wade lâche, dans sa passion des jours de combat, une petite phrase : « le ver est dans le fruit ». Idy tient le bon bout. Même si les premiers actes de la confrontation au sein du Pds passaient pour calamiteux. Au palais de la République, une sorte de référendum sur la candidature du patron du Sopi avait littéralement broyé le « rêve » de Mara. Pire, selon la presse, le président Wade s’était même payé des piques d’humour, en demandant à Idrissa Seck d’aller se reposer.
Idy n’abdique pas. Il veut faire exploser le Pds. Et en recueillir les pans les plus décisifs, pour la conquête du pouvoir et du Pds. L’acte 1 de sa stratégie est l’affaire du Pr Guy Carcassonne. Enfilant les habits du droit, le « fils » attaque la candidature du « père ». Il demande et obtient une réunion du comité directeur au palais présidentiel. Réduit en minorité, Idy n’accuse pas le coup.
Parce que la plupart des gladiateurs de cette réunion ont un handicap. Ils sont loin d’être les dépositaires d’un pan de l’histoire du Pds des années de braise. Il en est ainsi du Dr Aliou Sow, arrivé « tardivement » au parti. Tout comme Me Abdoulaye Babou, qui attend encore d’être membre du comité directeur. Lui qui a crié sur tous les toits, à propos de la recevabilité de la candidature de Wade, être prêt à en découdre.
Objectif ? L’exclure du parti. C’est une aubaine pour Idrissa Seck. De l’intérieur même, s’engage l’acte 2, une bagarre entre le fruit et le ver. C’est le cas à Kaolack avec la naissance du mouvement pour la reconquête de Kaolack AK Pds.
Son coordonnateur, le président de la Fédération des chauffeurs et transporteurs libéraux, Sidy Diop, monte au créneau. « Après une décennie de divergences insensées, de manque d’organisation et autres crises internes, notre parti doit rebondir sur de nouvelles pistes (…). C’est une honte pour notre formation de défendre la candidature du frère secrétaire général national », s’indigne-t-il.
A Louga, Dakar, Thiès, Saint-Louis, Kébemer, les libéraux rivalisent de positionnements. Le Pds est alors pris dans une sorte de tourmente. Le directeur de campagne de Wade, le Premier ministre Me Souleymane Ndéné Ndiaye, nommé très tôt, est distrait dans son déploiement. Occupé aux tâches du gouvernement, aux attaques de l’opposition et au Festival mondial des arts nègres, Me Ndiaye parle rarement de la Présidentielle de 2012. Il en laisse, pour l’heure, le soin aux seconds couteaux et aux mille et un mouvements travaillant tous à l’élection de Wade.
Le scénario rappelle les derniers jours du Parti socialiste (Ps), marqués par une flambée de mouvements de soutien. Et cela donne l’impression d’un Pds qui s’emploie à répéter l’histoire. Dernier né des mouvements : celui d’Abdoulaye Diop, Dg du Conseil sénégalais des chargeurs (Cosec). Sa structure, « Déloo ndjoukal Gorgui », en français « remercier le Vieux », mobilise à Sédhiou, tribune pour quelque cinq ministres qui flagellent l’ex-numéro 2 du Pds.
Comme pour répliquer au mouvement né à Kaolack, le ministre d’Etat, ministre des Forces armées, Bécaye Diop, tonne à l’endroit d’Idrissa Seck : « Tu ne peux pas trahir Wade et espérer le soutien des leaders de la Casamance et de la région de Tamba et Kédougou. La candidature de Idy est un non-débat, le Comité directeur a déjà choisi le candidat du Pds ». Le concert d’attaques et de contre-attaques au sein même du Pds s’enrichit de temps en temps d’épisodes du genre l’« Affaire du Dr Mame Marie Faye ». La machine de guerre libérale est obligée de se multiplier pour faire face. Au même moment, Idrissa Seck peaufine sa stratégie, voyage, reçoit des allégeances comme celles des Mbacké-Mbacké.
Et tout ceci en tant que militant du Pds. C’est ce type de climat qui arrange le leader de Rewmi. Mais désormais, il devra faire preuve de patience. Car, Macky aurait confié lors de son voyage à Nouakchott, lors de la déclaration d’Idrissa Seck, qu’il ne prendrait jamais l’initiative d’exclure le maire de Thiès du gouvernement. Voilà qui expose le patron de Rewmi aux déclarations les plus maladroites du genre « réunir la famille libérale y compris Macky Sall ». Comment, en effet, comprendre que les apéristes, engagés dans un combat mortel contre les libéraux au sujet des biens mal acquis, puissent, par une baguette magique, sceller leur réconciliation ? Le fossé entre libéraux et apéristes s’est tellement aggravé que les retrouvailles semblent durablement hypothéquées.
Rien que le contentieux avec Karim Wade et Bara Gaye est suffisamment compliqué pour donner de la place à un subit arrangement. Avant ce pied-de-nez, Idy avait sévèrement attaqué la convocation de l’épouse de Bara Gaye par la Dic, estimant que c’était de la barbarie. Il vient de semer la pagaille dans la coalition en annonçant l’initiative de « ses » députés de proposer à l’Assemblée nationale l’abrogation de la « Loi Sada Ndiaye ». La coalition Macky 2012, furieuse, qualifie l’ex-Premier ministre de ‘’Satan du paysage politique’’ et a demandé même l’exclusion du maire de Thiès de la mouvance présidentielle pour sa sédition, selon le journal Enquête.
« La question agitée par Idrissa Seck a des soubassements démagogiques. L’objectif du maire de Thiès est de semer la zizanie au sein de Benno Bokk Yakaar et de distiller des contradictions entre Macky 2012 et Benno Siggil Senegal », a déclaré le porte-parole de Macky2012, Moustapha Fall Che. Aussi, M. Fall n’a-t-il pas hésité à le qualifier de « Satan » du landerneau politique. Idy finira-t-il par prendre le taureau par les cornes ? A l’image de son militant, ex-chef de cabinet d’Oumar Guèye, ministre de l’Hydraulique, qui a rendu le tablier pour faire corps avec le maire de Thiès.