MULTIPLE PHOTOSIL ÉTAIT UNE FOIS "LE TÉMOIN"… HEBDO !
Sauf événement exceptionnel qui ferait que, la semaine prochaine, nous soyons obligés de sortir une édition, ce numéro que vous tenez entre les mains est le dernier du "Témoin" en tant qu’hebdomadaire.
En effet, après 24 ans et cinq mois de périodicité hebdomadaire, ce journal va devenir quotidien le 29 septembre prochain, si Dieu le veut. Vingt-cinq ans, c’est une génération dans la vie des hommes. Et de fait, les bébés qui étaient nés en 1990 ont pour la plupart fini leurs études supérieures- s’ils n’ont pas passé leur temps à faire la grève à l’UCAD ou dans nos autres universités !- aujourd’hui et sont entrés dans la vie active pour ceux d’entre eux qui ont échappé à l’enrôlement dans notre grande armée des chômeurs.
À l’époque, en avril 1990, lorsque "Le Témoin" voyait le jour, il n’y avait dans le paysage médiatique (si on met de côté Le Politicien et Promotion) que trois journaux privés, tous hebdomadaires. Il s’agissait de Sud Hebdo, Wal fadjri Hebdo, ces deux titres étant devenus par la suite quotidiens au milieu des années 90, et Le Cafard libéré, aujourd’hui disparu. "Le Témoin" était le quatrième hebdomadaire, c’est lui qui complétait ce qu’on appela alors "les quatre mousquetaires" de la presse sénégalaise.
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis et le paysage médiatique sénégalais a connu un développement fulgurant, spectaculaire, époustouflant. Il n’a plus rien à voir avec celui sahélien, rabougri et rachitique du début des années 90 ! Aujourd’hui, avec une vingtaine de quotidiens, plus de 15 télévisions, 200 radios, sans compter des sites Internet dont on ne connaît même pas le nombre, ce paysage est devenu une jungle sans pitié où les plus forts dévorent les plus faibles !
Inutile de dire que, dans un tel contexte, la voix d’un hebdomadaire ne se fait guère entendre pas plus d’ailleurs qu’un tel format n’intéresse plus les annonceurs qui n’ont les yeux de Chimène que pour les télévisions et, dans une moindre mesure, les quotidiens. Pour le "Témoin", il fallait changer de périodicité, grandir ou mourir. Nous avons choisi d’évoluer. Après 1177 numéros et après avoir juré d’être le Dernier des Mohicans des hebdos, nous nous voyons contraints, la mort dans l’âme, de changer de périodicité et d’aller nous bousculer avec les quotidiens.
Ce en espérant faire sentir notre petite différence, en adaptant ce style à nul autre pareil qu’a été celui du "Témoin" pendant un quart de siècle, au format quotidien. Nous souhaitons réussir cette mutation et montrer qu’un autre quotidien est possible, et qu’il y a toujours une place à prendre dans ce créneau très encombré. En 25 ans, le "Témoin" a contribué à écrire un pan important de l’histoire du Sénégal contemporain et nous nous honorons d’avoir apporté notre modeste pierre à l’enracinement de la démocratie dans notre pays ainsi qu’à la création d’un contexte de liberté.
En effet, bien des choses qui sont écrites, dites ou montrées dans les médias aujourd’hui, n’étaient pas évidentes au début et même tout au long des années 90. Bien au contraire ! Il nous en a coûté des procès, des attaques, y compris physiques, des tentatives de strangulation, des menaces, des anathèmes, des excommunications et tant d’autres moyens de pression pour faire taire notre insolence, notre irrévérence, notre impertinence. Par la suite, malgré les puissants moyens de la concurrence, nous avons plié mais n’avons jamais rompu.
Mais bon, on espère qu’un jour les historiens écriront l’histoire du "Témoin" et que des livres seront consacrés à son exaltante aventure. Cet édito n’a pas pour but d’écrire l’histoire du "Témoin" ou de retracer sa formidable saga qui l’aura vu marquer les dix dernières années du régime du président Abdou Diouf, traverser les 12 ans de règne de Wade dont le moins que l’on puisse dire est qu’il n’était pas notre grand ami, et cheminer deux ans avec son successeur, le président Macky Sall. Nous espérons bien survivre à ce dernier, si le bon Dieu nous prête vie et continuer de paraître quand il ne sera plus là. Nous, ou nos successeurs.
A tous ceux qui nous ont accompagnés au cours de ces 25 glorieuses années, nous disons donc un grand merci et espérons qu’ils ne lâcheront pas le quotidien que nous allons publier désormais. A tous nos fidèles lecteurs morts au cours de ce quart de siècle, nous adressons un salut amical dans l’au-delà et prions pour leur repos éternel. A l’espèce en voie de disparition que constituent les lecteurs des journaux papier, nous disons : tenez bon, ne vous laissez pas subjuguer par les mirages de l’Internet. Et à tout le monde, nous donnons rendez-vous le 29 septembre au matin pour un nouveau départ…