IL EST PARTI, LE BON SAMARITAIN !
HOMMAGE À MODOU NGOM
Il est des hommes qui, au cours de leur vie généralement courte sur cette terre, ne sèment que la bonté, la fidélité, la loyauté, ne cultivent que la loyauté et la piété.
Des hommes qui, aussi, ne prêchent que la bonne parole. Malheureusement, ces anges sur terre ne récoltent bien souvent que trahisons, félonie, déceptions si bien que Dieu décide finalement de les rappeler à ses côtés pour les soustraire à la méchanceté de leurs semblables. Ces êtres justes et bons, discrets et humbles, serviables et effacés, Modou Ngom en faisait partie, assurément. Je l’ai connu en 1979, il y a donc 35 ans, sur les bancs du Cesti.
Depuis lors, il n’a jamais changé à mon endroit et a fait preuve de la même constance dans l’amitié, la même franche camaraderie, le même soutien désintéressé et, plus tard, du même dévouement au service public et à l’intérêt général. Fonctionnaire dans l’âme et par conviction, il a toujours été alors qu’il aurait pu réussir dans le privé de par sa compétence et sa parfaite connaissance des problèmes de la presse dont il a été un des acteurs majeurs, pour ne pas dire l’acteur majeur, au cours de ces deux dernières décennies.
Directeur de la Communication pendant de longues années, il a pris une part décisive à l’élaboration de la plupart des textes qui régissent la profession aujourd’hui. En plus d’avoir participé à la mise en œuvre de la fameuse subvention annuelle à la presse dont il présidait le comité de répartition durant tout le temps où il a été le directeur de la Communication, il a aussi été la cheville ouvrière de l’organisation des fameuses Assises de la presse tenues à Mbour en 2001 alors que M. Mamadou Diop Decroix était le ministre de la Communication.
De même, alors que la Commission nationale de la carte d’identité de presse était en léthargie, il avait contribué à sa résurrection et fait en sorte qu’elle soit dirigée par des journalistes alors qu’auparavant, depuis sa mise sur pied, cet organe avait toujours à sa tête, on ne sait trop pourquoi d’ailleurs, par des magistrats. Comme si les journalistes étaient des irresponsables ou d’éternels enfants !
Modou Ngom a aussi été, avec le regretté Alpha Abdallah Sall, défunt secrétaire général du Synpics (Syndicat des professionnels de l’Information et de la Communication du Sénégal), à la base des démarches et choix architecturaux ayant débouché sur la construction de la superbe maison de la Presse qui se dresse majestueusement sur la Corniche, en face de l’océan.
Durant ces années-là, à la fin du « règne » du président Diouf et au début de celui de son successeur, Me Abdoulaye Wade, alors que les relations entre éditeurs et journalistes étaient passablement tendues, la bonne entente que nous avions su développer, Alpha, Modou Ngom et moi, avait permis de faire obtenir bien des acquis à la profession. Cette complicité était telle que la plupart des décisions étaient prises au téléphone puisqu’on se comprenait au quart de tour.
Homme de paix, médiateur de l’ombre, personnage consensuel, Modou Ngom savait ramener à de meilleurs sentiments les patrons de presse les plus irascibles, ceux qui ont donné du fil à retordre non seulement à tous les pouvoirs politiques mais aussi à leurs propres confrères. En cas de situation désespérée, il lui suffisait d’aller parler aux personnes concernées pour les convaincre de mettre de l’eau dans leur vin.
C’était un don de Dieu chez lui, on ne pouvait pas lui dire non tellement il savait se faire convaincant. Et, surtout, tellement il était doux et bon, ce qui fait que, chose très rare, il était respecté par tous les confrères. C’est que l’homme avait su rester simple et proche de ses racines paysannes si bien que tout ce qu’il avait, c’est à dire très peu, il l’investissait dans son village.
Malgré cette bonté, pourtant, la vie a été cruelle pour lui. Alors qu’il n’y avait pas meilleur directeur de la Communication que lui, M. Bacar Dia, alors ministre, l’avait limogé pour mettre à sa place une stagiaire ! Authentique… Alors pourtant qu’il ne manquait pas des professionnels chevronnés dans le ministère ou ailleurs pour occuper valablement le poste. Etant entendu que, de toute façon, nul n’est censé s’éterniser à des fonctions étatiques.
Le coup était rude mais Modou avait fait contre mauvaise fortune bon cœur et continué à servir son pays. Plus tard, il avait été pressenti pour diriger le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel, Wade n’était pas contre mais des gens sont allés lui raconter que Modou était un militant du parti Socialiste, ce qui était faux évidemment. Ils en avaient profité pour positionner une dame avec les filles de laquelle ils avaient des liens…
Enfin, c’est peu dire que le défunt a peu apprécié le fait d’avoir été écarté de la dernière équipe du CNRA (Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel). Et ce alors qu’il était la pièce maîtresse de l’équipe sortante… L’homme est un loup pour l’homme, a-t-on dit. S’agissant de Modou Ngom, souhaitons qu’en échange de toutes ces places qu’on lui a refusées sur cette terre de toutes les trahisons et vilenies, le Seigneur saura lui en donner une à sa droite, là où il dispose ses meilleures créatures. S’Il le fait, Modou l’aura largement mérité, lui qui a semé tant de bien sur terre et a été si mal payé de retour.
A sa veuve, la brave et fidèle Coumba, à ses enfants, dont David mais surtout Thioro qu’il m’avait confiée et qui travaille depuis de nombreuses années ici au « Témoin », à ses parents du village, à son beau-père, M. Niang, qui fut le responsable de la médiathèque du Cesti, à tous ses confrères et amis, nous présentons nos condoléances attristées. Que la terre de Yoff où il repose désormais lui soit légère.