IL FALLAIT QU’UN TALIBÉ MEURE ENCORE
C’est bien de pousser des cris d’orfraie, c’est bien aussi de condamner ces soi-disant marabouts et de dénoncer en même temps l’attitude de l’Etat qui fait preuve d’une inertie déconcertante. Mais il faut aussi pointer du doigt les chefs religieux
Il y a seulement quelques semaines, on criait au scandale, relativement au calvaire des enfants talibés dans les rues de Dakar et un peu partout à l’intérieur du pays. C’est comme si on pensait si bien dire, puisque cette semaine qui s’achève a vu la mort d’un jeune talibé, battu à mort par son maître esclave, à Yeumbeul. Une mort qui a plongé le Sénégal dans la consternation à la lecture des réactions des uns et des autres dans les médias.
C’est bien de pousser des cris d’orfraie, c’est bien aussi de condamner ces soi-disant marabouts et de dénoncer en même temps l’attitude de l’Etat qui fait preuve d’une inertie déconcertante. Mais il faut aussi pointer du doigt les chefs religieux qui ne font rien pour combattre le phénomène de la mendicité sous toutes ses formes au Sénégal.
On ne peut ne pas citer ces dignitaires religieux au regard de leurs positions à propos de la réforme envisagée des daaras. Certains d’entre eux s’y sont farouchement opposés alors que cette réforme est la panacée aux yeux de beaucoup de défenseurs des droits des enfants.
Pourtant, ces chefs religieux savent bien que ce n’est pas le supplice infligé à ces pauvres jeunes innocents qui fera forcément d’eux de grands érudits. Beaucoup d’entre eux ont des daaras, réputés parce que réunissant toutes les conditions d’un bon apprentissage du Coran.
Mais ce qui se passe à Dakar et dans certaines parties du pays est tout sauf un apprentissage du Coran. C’est une exploitation éhontée de jeunes mineurs qui, en plus d’être abandonnés par des parents irresponsables, sont tombés sur des esclavagistes sans aucune once d’humanisme en eux. Comble de malheur, celui qui détient la force publique, à savoir l’Etat, fait preuve d’une faiblesse et d’un mutisme qui indisposent tout être humain respectueux des droits de l’Homme.
Cette énième affaire de mort de jeune talibé, suite à des violences physiques, pose à nouveau sur la table le problème des conditions d’existence de ces enfants dans les daaras. Ils dorment par plusieurs dizaines dans des chambres, ne se soignent pas quand ils sont malades et sont obligés de marcher dans tout Dakar pour réunir la dépense quotidienne du maître geôlier.
Ces terribles conditions de vie étaient à l’origine de la mort de 9 talibés à la Médina. Des morts que certainement beaucoup d’entre nous ont déjà oubliés, après les avoirs mis sous le compte de la volonté divine.
Le sort qu’on fait subir les enfants au Sénégal au nom de la religion musulmane n’existe dans aucun pays du monde. Il est temps de rompre d’avec cette habitude hypocrite qui consiste à les bourrer d’argent, de riz et autres sucre ou lait, pensant qu’on recevra en retour une grâce divine. On encourage et la mendicité des talibés et la propension des maîtres esclaves à jeter les enfants dans les rues sans avoir de comptes à rendre à personne.
Le jeune talibé qui est mort de sévices à Yeumbeul devrait nous mobiliser tous en tant qu’être humain tout court. Voilà mille et une raisons qui devraient nous pousser dans les rues pour exiger la suppression des daaras qui ne réunissent pas les normes.
Plus aucun talibé ne devrait être dans les rues. A défaut d’être dans les salles de classe où on peut bien apprendre le Coran, ils devraient être auprès de leurs parents. Tout parent qui ne respecterait pas ces mesures devrait pouvoir faire l’objet de poursuites judiciaires. Un Etat de droit, ce n’est pas seulement sur les lèvres, c’est également dans la pratique.