"Il y a beaucoup de leaders africains qui ont la trouille"
PIETER JAN KLEIWEG DE ZWAAN, AMBASSADEUR DES PAYS-BAS AU SENEGAL
Depuis un certain nombre d’années les Pays bas ont toujours eu une reine, qu’est-ce que l’intronisation du Roi Willem Alexander représente-elle pour vous ?
C’est un évènement vraiment très spécial pour nous parce que la Reine Beatrix qui a été intronisée en 1980 a abdiqué en faveur de son fils Willem Alexander qui a à peu près mon âge, il a quarante cinq ans. Et c’est la première fois depuis 1890 que nous avons un roi. Cela fait donc 123 ans que nous avons de nouveau un roi aux Pays bas. Ce qui est intéressant aussi c’est que l’épouse du nouveau roi, la désormais reine Maxima, était ici à Dakar il y a moins de deux ans dans le cadre de la micro finance, secteur dans lequel elle est très active. En tant que banquière, elle a eu beaucoup de contacts au Sénégal dans ce cadre.
Par ailleurs, cette royauté est une monarchie constitutionnelle ce qui veut dire que le roi a un pouvoir surtout symbolique un peu comme beaucoup de royautés en Europe occidentale. Mais, comme il l’a déjà dit, le sujet de l’eau lui est très cher d’autant plus que c’est un grand expert dans le domaine de la gestion de l’eau.
Quel bilan tirez-vous de la coopération entre les Pays bas et le Sénégal depuis le Président Senghor à nos jours?
Elle est excellente, la coopération entre nos deux pays. Au demeurant nous sommes le dixième pays à avoir reconnu l’indépendance du Sénégal. Nous sommes un grand partenaire économique du Sénégal et outre la pomme de terre et l’oignon, beaucoup de produits pétroliers importés ici viennent des Pays Bas. Quelques grandes entreprises néerlandaises sont installées au Sénégal, c’est le cas de Vivo Energy (à moitié néerlandaise) ; Philips ; des boîtes d’ingénieurs et quelques compagnies agricoles, en plus d’un programme de développement d’une envergure moins importante parce qu’il faut savoir que sur le plan environnemental on va se retirer pour des raisons de politique intérieure. Notre marine marchande est également très active au Sénégal. En gros, des liens étroits unissent nos deux pays.
Parlons politique avec les questions de gouvernance qui font l’actualité au Sénégal et notamment la traque des biens mal acquis, quel est votre sentiment en tant que bailleur dans le cadre du processus concernant le procès de Habré ?
Je suis arrivé au Sénégal en août 2012 et je suis impressionné par le débat à ce sujet au Sénégal. Sur les deux sujets que vous évoquez je voudrais souligner le courage de ce gouvernement d’avoir pris le problème du procès Habré à bras le corps. C’était un problème qui pourrissait depuis des années en Afrique et si ce genre de problème n’était pas réglé, autrefois, c’était la Cour pénale internationale qui l’aurait probablement fait. Mais le Sénégal a dit non, on va résoudre ce problème en Afrique et on va commencer ce procès ici. Le Président Macky Sall l’a dit il l’a fait. C’est pour ça que nous soutenons aussi cette dynamique notamment à raison de 600 millions de FCfa soi un million d’euros. Car pour un pays comme le Sénégal cela coûte cher mais les décisions courageuses sont prises ici. Sur le deuxième sujet concernant la traque des biens mal acquis, je dirais que c’est d’autant plus courageux de la part du gouvernement sénégalais qu’aujourd’hui, il y a beaucoup de leaders africains qui, en ce moment, ont la trouille parce que si cela se passe bien ici et bien sûr il faut que cela se passe bien et de manière légale, ce sera un début et je suis convaincu que cela va se faire parce que le Sénégal n’est pas la Gambie. Et les sénégalais devraient applaudir car en tout cas sur ces deux sujets-là, vous avez un gouvernement très responsable. D’autant plus que ce genre de choses n’est jamais facile et n’arrive jamais gratuitement et le fait qu’il y ait de la résistance veut dire que le gouvernement est sur le bon chemin.