IL Y A UN MANQUE DE CAPACITES HUMAINES ET INSTITUTIONNELLES POUR LUTTER CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX
Dakar, 15 juil (APS) - La première phase des évaluations mutuelles des pays membres du Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA) a mis en exergue le "manque de capacités humaines et institutionnelles" des acteurs engagés dans la lutte contre le recyclage de capitaux illicites a-t-on appris auprès de cette institution spécialisée de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).
Cette situation est à l’origine d’un nombre insuffisant d’investigations dont seulement "quelques cas" ont abouti à des poursuites par ailleurs menées "avec lenteur et inefficacité", indique le GIABA, dans son rapport annuel 2012 dont une partie est consacrée à la première série d’évaluations mutuelles de ses Etats membres.
"La première phase des évaluations conjointes a révélé un bas niveau de conformité avec les normes internationales en matière de LBC/FT (lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme). Cela était causé par des contraintes liées aux capacités des Etats membres", selon la même source.
Ce processus, considéré comme un élément clé du travail du GIABA, a commencé en 2006 et pris fin en 2012. Il s’agit d’un exercice multilatéral d’évaluation par les pairs pour mesurer le niveau de conformité de chaque Etat membre avec les normes internationales de la LBC/FT, notamment les recommandations du Groupe d’action financière (GAFI) sur le blanchiment de capitaux et les neuf recommandations spéciales sur le financement du terrorisme (GAFI 40+9).
Le GAFI a été créé en 1989 par les pays membres du G7. Il s’est imposé comme l’organisme intergouvernemental de référence dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Le travail du GAFI consiste à créer des normes non impératives, se présentant comme des lignes de conduite que les gouvernements doivent suivre, afin de promouvoir la lutte contre le blanchiment de capitaux. Ces normes sont regroupées sous la forme de 40 recommandations.
A la suite des attentats du 11 septembre 2001, le GAFI a émis les 9 recommandations spéciales, complémentaires aux 40 recommandations, qui ont pour but de prévenir et de lutter contre le financement du terrorisme.
"Durant cette première phase (de l’évaluation mutuelles des pays membres du GIABA), il a constaté que les Etats membres avaient des structures institutionnelles fragiles et des cadres juridiques inappropriés. Le manque de capacités humaines et institutionnelles des acteurs impliqués dans la LBC/FT constitue également un grand handicap dans la mise en œuvre des mesures de la LBC/FT", note le rapport de l’institution spécialisée commune aux 15 pays membres de la CEDEAO.
"Ces défis ont impacté négativement sur le nombre d’investigations, de poursuites et de condamnations portant sur des faits de BC et de FT. Les investigations et les poursuites concernant les quelques cas menés par les Etats membres ont été souvent exécutées avec lenteur et inefficacité", ajoute-t-il.
"Le faible niveau de coopération et de coordination parmi les autorités compétentes concernées en matière de LBC/FT et le manque de gestion des données avaient également été identifiés comme obstacle majeur à la mise en œuvre des mesures de LBC/FT", rapporte le même document.
"En outre, poursuit le rapport, une revue générale de l’état de mise en œuvre des normes du GAFI dans la région a identifié la non-criminalisation de toutes les catégories de délits sous-jacents, et une criminalisation inappropriée du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme comme étant la faiblesse principale dans les régimes LBC/FT de la plupart des Etats membres du GIABA".
"L’absence d’une CENTIF (Cellule nationale de traitement de l'information financière) pleinement fonctionnelle ainsi qu’une faible compréhension de ce qui constitue une opération suspecte a également contribué à la faiblesse du niveau d’application des normes", signale le rapport, non sans faire observer qu’au sein de la zone UEMOA, la mise en œuvre de certaines recommandations du GAFI est régie par des lois supranationales.
"En conséquence, la révision des lois supranationales est nécessaire pour que les Etats membres de l’UEMOA puissent améliorer leurs régimes LBC/FT. En outre, il a été noté que les Etats membres semblent se focaliser davantage sur la conformité technique, au lieu de se focaliser sur l’efficacité du cadre de la LBC/FT", fait valoir la même source.
Les équipes d’évaluation sont composées d’experts dans le domaine du droit, de la finance, et de la répression criminelle, principalement issus des Etats membres du GIABA.
Dans le cadre d’un exercice d’évaluation mutuelle, les assesseurs collectent des informations sur le régime de LBC/FT d’un pays pour identifier ensuite les domaines nécessitant des améliorations. Ils font également des recommandations portant sur les mesures que les pays doivent prendre pour améliorer leur niveau de conformité avec la LBC/FT.
Le GIABA, créé en 2000, est composé des Etats membres de la CEDEAO, à savoir le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Cap-Vert, la Gambie, le Ghana, la République de Guinée, la Guinée-Bissau, le Liberia, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Léone et le Togo. La République de Sao Tomé et Principe est le seul membre du GIABA hors de la CEDEAO.