IRRÉGULARITÉS ET INFRACTIONS
RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES SUR LA GESTION DE L'ARTP
La Cour des comptes vient de publier son rapport public 2013 qui fait état de la mauvaise gestion des sociétés et des agences nationales du Sénégal. Elle épingle l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) pour diverses irrégularités et infractions.
Le rapport public 2013 de la Cour des comptes a épinglé l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) pour mauvaise gestion. En effet, le document dénonce une situation juridique avec une modification irrégulière de la composition du Conseil de régulation, une nomination au Collège de régulation de membres n’ayant pas le profil de compétence requis, un non-respect de la formalité préalable de déclaration de patrimoine.
Selon la Cour, dans le Conseil de régulation de l’Artp, «par décret n° 2010-1540 du 29 novembre 2010, il a été mis fin aux mandats de Khadidiatou Fadel Faye, ingénieur en télécommunications, et de Abdou Khadre Ndiaye, conseiller en organisation, alors qu’ils ont été nommés pour une durée de 3 ans par le décret n° 2010-406 du 30 mars 2010». Ainsi, la Cour des comptes qualifie ce remplacement d’illégal au regard de l’article 47 de la loi n° 2001-15 du 27 décembre 2001 portant Code des Télécommunications, modifié par la loi n° 2006-02 du 04 janvier 2006 qui prévoit qu’il ne peut être mis fin aux fonctions de membres du Conseil de régulation «avant expiration de leur mandat, qu’en cas d’empêchement constaté par le Conseil d’Etat ou de manquement grave sur décision du Président de la République».
Guirassy fait perdre 8 milliards à l’Artp
La Cour des Comptes reproche aussi à l’Artp d’avoir abandonné des créances sur la société de téléphonie «Expresso Sénégal», par délibération du 09 janvier 2012, concernant les factures 2009, 2010 et 2011 relatives aux redevances de faisceaux hertziens (Fh) arrêtées à 8 012 003 232 de francs Cfa et l’exonération du paiement des redevances de faisceaux hertziens (Fh) dues au titre des années 2012 et 2013.
Selon elle, «la délibération du Collège prescrivant l’abandon des créances de la Société Expresso Sénégal reste surprenante, aussi bien dans ses motivations que dans la décision finale». Aussi, «l’examen du dossier relatif à cette question montre que l’abandon de créances découle d’injonctions écrites de Moustapha Guirassy, ministre de la Communication, des Télécommunications et des Tics, adressées à Ndongo Diao, Directeur général de l’Artp, par lettre n° 00187/MicomTel/Dc/Cab/Ct du 14 décembre 2011. Dans cette correspondance, le ministre, sur instruction du Président de la République, Abdoulaye Wade, invite le Directeur général à prendre toutes les dispositions utiles, pour l’octroi d’une exemption de redevances des fréquences Fh en faveur de la société Expresso Sénégal et d’accorder à cette société, une période de grâce comme ce fut le cas pour les autres opérateurs que sont Sonatel et Sentel/Tigo».
Par ailleurs, précise le rapport, cet abandon de créances peut être assimilé, sur le plan fiscal, à des distributions de revenus de valeurs mobilières pour la détermination de l’impôt sur le revenu conformément aux articles 51 et 53 de la loi n° 2004-12 du 6 février 2004 portant Code général des Impôts. Sous cet angle, l’Artp est passible du paiement de cet impôt estimé à 10% du montant de l’abandon de créances.
Violation du Code des marchés publics
L’Artp a été également épinglée pour violation du Code des marchés publics concernant le projet de la Radio télévision africaine (Rta). En effet, dans le préambule du contrat d’études architecturales et techniques pour la réalisation de la Rta, il est dit que «l’Artp n’étant pas le bénéficiaire direct, le présent contrat est soumis au régime dérogatoire prévu à l’article 3 du décret n°2010-1188 du 13 septembre 2010 modifiant et complétant le décret n° 2007-545 du 25 avril 2007 portant Code des Marchés publics. Le texte susvisé soustrait les marchés de la Présidence et de ses annexes du champ d’application du Code des marchés publics et du contrôle des organes prévus à cet effet». La Cour a relevé que l’article 3 ainsi visé n’intègre pas la Présidence et ses annexes dans les dérogations prévues. Par conséquent, en signant ce contrat sur cette base, le Directeur général de l’Artp a violé la réglementation en vigueur.
Acquisition illégale d’immeubles
La Cour reproche également à l’Artp d’avoir acquis 2 immeubles de façon illégale. Concernant l’acquisition du 1erimmeuble, le document de renseigner que «l’Artp, sous l’autorisation du président de la République d’alors par décret n° 2011-648 du 23 mai 2011, a acheté un immeuble devant servir de siège. Or, l’Artp, étant une autorité administrative indépendante, doit pouvoir acquérir tout bien sans requérir une quelconque autorisation du Président de la République». De plus, la Cour a constaté que l’Artp ne détient ni l’original du protocole d’accord portant promesse de vente tenant lieu de contrat, ni celui de l’acte notarié intitulé «vente en état futur d’achèvement d’un immeuble».
Par rapport à l’acquisition du 2e immeuble, la Cour de faire savoir que «l’Artp a contracté avec Papa Cheikh Amadou Amar, administrateur de société, en vue de l’acquisition d’un immeuble R+4 à usage de bureaux, au prix de 4 700 000 000 de francs Cfa avec une date prévisionnelle de livraison fixée au 1er juillet 2012. Et selon la Cour, pour cet immeuble dont les travaux n’étaient pas livrés à date échue, l’Artp n’a pas appliqué une telle disposition. Ainsi, aucune pénalité pour retard n’a été perçue».
La Cour des Comptes, a par ailleurs critiqué la gestion du Fonds de développement du service universel des télécommunications (Fdsut), en relevant une absence d’un Comité de direction, d’une comptabilité distincte de celle de l’Artp et un non-ordonnancement des opérations de recettes et de dépenses.
Régulation postale : parent pauvre au niveau de l’Artp
Par rapport à la régulation postale, la Cour des comptes révèle que l’Artp s’intéresse plus à la régulation des télécommunications qui génère plus de ressources financières. Elle soulève aussi l’absence d’une convention de concession et de licences d’exploitation en faveur des opérateurs privés et un défaut d’adoption de la lettre de politique sectorielle. De même, il est constaté le non-paiement des redevances par les stations radios et les télévisions.
Recommandations de la Cour
Entre autres, la Cour des comptes a recommandé à l’Artp, plus particulièrement au Dg, de ne financer aucune opération n’entrant pas dans les missions de l’Agence. De respecter scrupuleusement les règles et procédures de passation des marchés publics, de faire respecter par les cocontractants de l’Artp toutes les clauses contractuelles les liant à l’Agence. Au Conseil, il est demandé de prendre toutes les dispositions utiles pour que les immeubles acquis par l’Artp soient livrés, sans délai où, à défaut, d’utiliser toute voie de droit opportune, pour veiller à préserver les intérêts de l’Artp dans toutes les transactions immobilières.
Egalement, elle demande au Collège de régulation et au Dg de n’engager les ressources publiques que dans le strict respect de la réglementation en vigueur. Et de veiller à se conformer aux dispositions du décret fixant les modalités de développement du service universel des télécommunications ainsi que les règles d’organisation et de fonctionnement du Fonds de développement du service universel des Télécommunications (Fdsut).
Elle demande, par ailleurs, au Premier ministre de faire prendre toute mesure opportune en vue de conformer le décret instituant une taxe parafiscale dénommée Contribution au développement du service universel des télécommunications et du secteur de l’Energie (Codete) à l’esprit et à la lettre du Code des télécommunications, notamment en révisant la répartition des contributions collectées. Au Dg, il est recommandé de n’utiliser les ressources du Fdsut que dans le cadre des activités du service universel et suivant les décisions du Comité de direction du Fdsut et de faire tenir une comptabilité séparée du Fdsut.