''J’AI PRIS AVEC BEAUCOUP DE PHILOSOPHIE TOUT CE QUI A ÉTÉ DIT SUR MOI''
OMAR PENE, LEAD VOCAL DU SUPER DIAMANO
Absent de la scène musicale de- puis un an pour raison de santé, Omar Pène, lead-vocal du groupe Super Diamano, est de retour au Sénégal depuis quelques jours, au grand bonheur de ses fans. Dans cet entretien avec « Le Soleil », il revient sur les raisons de ce break, les rumeurs sur sa disparition ainsi que sa prochaine sortie prévue le 30 août, au Grand Théâtre national. L’artiste a également donné son point de vue sur la situation sociopolitique du pays.
Comment se porte Omar Pène, aujourd’hui, après toutes les rumeurs qui ont couru sur son état de santé ?
Je rends grâce à Dieu. Aujourd’hui, je me porte très bien après un an d’absence. Je prends, avec beaucoup de philosophie, les rumeurs qui ont même fait état de ma disparition. Ce n’est pas la première fois que j’entends ce genre de choses me concernant.
Cela a heurté la conscience de beaucoup de gens qui me sont très proches. Ils étaient inquiets parce qu’ils n’étaient pas avec moi et ne savaient ce qui se passait réellement. Je me soignais et, pour moi, c’était cela la priorité. Je me disais que le jour où je serai en mesure de parler aux gens et de reprendre mes activités, ceux qui ont véhiculé ces rumeurs trouveront, peut-être, autre chose à dire.
Pendant tout ce temps, vous étiez en retrait par rapport à la scène musicale ?
Absolument. En quarante ans passés dans la musique, je n’ai jamais fait de break. Un cumul de fatigue ainsi que les nombreux voyages à l’étranger ont porté un coup on a décelé, chez moi un diabète. Tout cela concourt à ce que je prenne éventuellement du recul et essaye de me faire soigner. C’était exactement ça.
Durant tout ce temps, avez-vous muri des projets musicaux en rapport à votre carrière ?
Oui. Parallèlement à cela, j’ai quand à ma santé. Et en prenant de l’âge, même travaillé à mon album acoustique sur le plan international. Comme Hervé (réalisateur du prochain album international d’Omar Pène) était en France, chaque fois que j’avais du temps libre, on se retrouvait pour travailler un peu. Je n’étais vraiment pas coupé de mon métier.
Mais, pour moi, la priorité était déjà de me soigner parce que j’en avais franchement besoin. Toute autre chose qui se disait était du n’importe quoi ! Le plus important : je suis de retour et je suis content de retrouver mon pays.
Vous estimez avoir pris cette situation avec beaucoup de philosophie. Intérieurement, comment Omar Pène a vécu cette période ?
Comme j’étais avec mon épouse, mon fils et mes petits-enfants, j’étais occupé à autre chose. J’avais ma famille à mes côtés et j’étais en contact permanent avec mes collaborateurs qui étaient à Dakar. On n’a pas voulu faire des démentis.
Personnellement, je ne voulais pas intervenir sur quoi que ce soit. J’ai voulu laisser les gens dire ce qu’ils veulent parce que j’avais d’autres préoccupations.
Les fans peuvent donc se rassurer...
Ah, mais bien sûr ! D’ailleurs, c’est pour cela que je suis là. Je pense qu’on a l’opportunité de faire une prestation le 30 août prochain, au Grand Théâtre national. Le 03 août dernier, j’étais à Paris où j’ai animé un concert. J’ai repris mes activités. Les fans sont venus me voir dès mon retour. Ils se sont rendu compte que je leur suis revenu en chair et os.
Aujourd’hui, quel est votre état d’esprit ?
Je suis quelqu’un qui ne démissionne pas dans la vie car j’ai accumulé beaucoup d’expérience grâce à mon parcours, ma vie tout court. J’ai vécu des tas de choses durant mon adolescence.
Toutes choses qui font que je prends la vie avec beaucoup de philosophie. C’est difficile de se démettre des rumeurs quand on est un homme public. On raconte du n’importe quoi sur les gens et il faut faire avec.
Maintenant, vous avez appris à encaisser pas mal de choses ?
Absolument ! J’en ai vu pas mal... Mais, pour quelqu’un qui a fréquenté l’école de la rue, c’est presque une habitude. L’école de la rue m’a forgé et a fait de moi l’homme que je suis. Je n’ai pas appris à baisser les bras, j’ai toujours fait preuve d’un optimiste même si ça fait rire certaines personnes...
Durant cette période, est-ce qu’il y a eu des artistes qui sont venus vous voir ?
Beaucoup de mes collègues, Thione Seck, Ismaïla Lô, Baba Maal, les rappeurs, se sont manifestés. Et ça a été des moments forts pour moi. Cela prouve que nous formons une famille.
Ce soutien m’a encouragé à ne pas baisser les bras et, ensuite, de me dire qu’un jour, tout ce beau monde allait se retrouver comme cela a été le cas autour de moi lors de la célébration de mes quarante ans de musique.
Par rapport à votre retour le 30 août prochain, à quoi le public peut-il s’attendre en termes de prestation ?
Ce sera un peu la fête de la musique. J’ai lancé un appel à tous les chanteurs qui veulent venir faire la fête. Le but recherché, c’est de réunir tout ce beau monde et de faire plaisir au public.
Ensuite, on va revisiter le répertoire du Super Diamano parce que ça fait déjà un an depuis que je suis absent de la scène.
Que répondez-vous à ce qui disent que le groupe Super Diamano connait une crise ?
C’est un orchestre qui existe toujours. Le 30 août sera une occasion de répondre à certaines personnes qui se posent un certain nombre de questions. Le Super Diamano est un groupe qui ne meurt jamais. Nous allons montrer aux gens que, quoi qu’on puisse dire, il est possible de se réaliser dans un milieu et à travers un concept bien déterminé.
Même si, quelque part, il y a la concurrence, il faudra la gérer avec beaucoup de tact. Nous vivons dans un pays où les gens ont besoin d’être solidaires pour avancer. Comme le disait Bob Marley : la culture peut beaucoup aider. Elle peut donner des idées à nos chers politiciens.
Comment entrevoyez-vous l’avenir de la musique d’ici les cinq voire dix prochaines années ?
La crise frappe le secteur. Avec le tout numérique, ça devient de plus en plus difficile. Les disques ne se vendent plus. Les maisons de disques disparaissent. Aujourd’hui, pour s’en sortir, il faut toute une gymnastique.
En plus, les œuvres des artistes sont piratées. Les festivals réservés à la musique sont relativement faibles. Dans un pays comme le nôtre, où les gens adorent la musique, il n’y a que le Festival de Jazz de Saint-Louis, le Festival Africa Fête et le Festival Banlieue Rythmes.
Pour faire la promotion de la musique, il faut chercher ailleurs. Actuellement, c’est un peu la galère pour les artistes. Seule la scène peut faire marcher la musique et il y en a moins aujourd’hui. Ne s’en sortent que ceux qui ont un pied sur l’international.
Parlant de piratage, comment voyez- vous l’avènement de la Nouvelle Société de Gestion collective des droits d’auteurs ?
On attend de voir ce que cela va donner. Pour éradiquer le piratage, ce n’est pas demain la veille, franchement ! Ce- pendant, il faut essayer de protéger, le mieux possible, les artistes et leurs œuvres ; les protéger comme cela se fait dans les autres pays.
J’estime qu’il est également important de voir comment protéger les artistes et leurs familles, trouver des fonds pour les soigner quand ils sont malades. Toutefois, cela nécessite une bonne organisation.
En plus, il y a de bonnes volontés qui sont là et qui peuvent aider si on les écoute. Le plus important, c’est qu’il faut que nous arrivions à parler d’une seule voix. C’est à ce niveau que se pose le problème !
SON CARNET DE SOUVENIRS
''Etre musicien, à l’époque, était synonyme de voyou''
LE BOUBOU DE YOUSSOU
- « On n’a pas l’habitude d’étaler nos relations dans la presse tellement qu’il y avait une certaine rivalité entre le Super Diamano et le Super Etoile !Youssou Ndour et moi, nous nous sommes connus en 1973 alors que nous nous rendions à Saint-Louis pour le concert d’un musicien qui s’appelait Mba. A l’époque, il n’y avait pas beaucoup d’orchestres. On était dans un bus « drunk » blanc avec les Soleya Mama, le Xalam, le Number One... Moi, j’étais au « Kadd Orchestra » et Youssou Ndour dans un groupe qui s’appelait le « Diamano ». Nous étions assis côte-à -côte parce qu’étant les plus petits. J’avais 16 et lui, il devait avoir 13 ou 14 ans. C’est ce jour que nous nous sommes connu pour la première fois. Par la suite, il s’est passé quelque chose : dans le bus, nous mangions et que j’ai sali mon boubou. Au concert, il m’a prêté un de ses boubous pour que je puisse jouer avec, parce qu’il en avait deux ! (Rires) C’est ce moment très fort qui nous a liés. »
RIVALITE AVEC LE SUPER ETOILE
– « Depuis cet évènement qui a eu lieu à Saint-Louis, You et moi, nous nous fréquentions quand nous en avions l’occasion. Souvent, quand j’étais à Grand-Dakar, il passait me voir. Nous avons toujours eu ce genre de relations basées sur le respect. Un lien que nous avons su garder au moment où nos fans se regardaient en chiens de faïence parce qu’il y avait une dualité énorme entre les deux groupes. Youssou et moi, nous avons su garder beaucoup de hauteur et avons pris nos distances par rapport à toute rivalité malsaine. C’est ce qui nous a permis de maintenir nos relations jusqu’à présent. Avant de partir en France, il a été le premier à venir me voir à la clinique où j’étais interné à Dakar. Par la suite, il n’arrêtait pas d’appeler pour s’enquérir de l’état de ma santé...
LE COMBAT D’UNE GENERATION
– « Aujourd’hui, nous pouvons nous féliciter de l’engouement que la musique a suscité. Pour notre génération, c’était très difficile. Etre musicien à cette époque était synonyme de voyou. On nous disait : « Allez chercher du travail ! Vous ne réussirez jamais dans la musique ». C’est toute une génération, que ce soit Youssou Ndour, Thione Seck, Baba Maal, Ismaïla Lô, qui a travaillé pour que le musicien soit respecté».
DU BRUIT DANS LA MUSIQUE
- « Toutefois, on peut remarquer aussi que, quelque part, il y a de plus en plus beaucoup plus de bruits dans la musique. Aujourd’hui, les gens ne prennent pas le temps de beaucoup travailler.
Pour le désir de sortir un single, on arrive à faire du n’importe quoi. Au lieu d’adoucir les mœurs, on tympanise les gens. Il faut quand même se ressaisir, prendre son temps et bien travailler. Sur l’international, aujourd’hui, la musique sénégalaise est connue et respectée. Il y a des artistes qui sortent maintenant et qui font les grandes scènes et les grands festivals. Mais, au niveau local, il y a encore du travail à faire. »
L’ACOUSTIQUE ET L’AFRO FEELING
- « Avec l’expérience, on a envie de faire autre chose, d’essayer de travailler avec d’autres musiciens qui ne sont pas Sénégalais. J’ai l’habitude de le dire : la musique n’a pas de frontière. On peut jouer avec un Chinois, un Japonais, un Français ou un Américain. Il y a aussi ce qu’on appelle la « World music». Même si je ne suis pas trop d’accord avec ce concept, il est aujourd’hui bien aimé. Je crois que pour être dans ce milieu, il faut toujours faire avec une musique aussi dépouillée que possible. Ceci donne l’occasion au chanteur de bien chanter mais également de mettre en avant sa voix. La voix du chanteur est mise dans de très bonnes conditions parce que c’est ce qui est recherché.
Actuellement, sur le plan international, on ne parle pas de groupe ; c’est le nom du chanteur qui est mis en avant, peu importe celui qui est derrière lui. Il est donc important de jouer une musique qui met en valeur la voix. Et c’est ce qui est problématique aujourd’hui dans la musique sénégalaise : Ca joue dans tous les sens et les chanteurs, on ne les entend presque pas ! »
SON REGARD SUR L’ACTU
Crise universitaire : ''Aider Macky Sall à trouver une solution durable''
L’EMERGENCE EST POSSIBLE
- Nous sommes dans une situation où il faut que les gens s’entraident. Nous avons un président élu sur la base d’un programme. On peut donc s’attendre à ce qu’il puisse réaliser quelque chose. Et surtout que c’est quelqu’un qui a de l’ambition pour son pays ! Il y a deux concepts qui m’ont plu. Il s’agit du Plan Sénégal émergent (Pse) et de « Yonnu Yokkuté ». C’est une façon de dire qu’il est possible de prendre le chemin de l’émergence.
J’ai été en Afrique du Sud qui est un pays émergent, si jamais le Sénégal pouvait ressembler à ce pays, j’applaudirais...Il faut être ambitieux dans la vie. Si les Américains sont partis sur la lune, c’est parce qu’ils y ont cru. Nous, nous sommes là à applaudir parce qu’il y a des gens qui font des exploits et nous nous disons que nous ne pouvons le faire. J’estime que ça suffit !
Je pense qu’il faut y croire et se dire que c’est possible qu’on puisse quand même, dans dix ans, parler du Sénégal autrement. Il faut faire en sorte que les Sénégalais puissent vivre décemment, que les travailleurs aient de bons salaires, que les étudiants ne fassent plus la grève.
UNE SOLUTION POUR L'UNIVERSITE
- « Il y a des problèmes, il faut trouver des solutions. Qu’est-ce c’est que l’université ? Pourquoi y emmène-t-on les jeunes ? Je pense que c’est pour former des cadres. Et si réellement on n’arrive pas à le faire, demain, on risque d’avoir un problème de relève parce que ce sont ces jeunes qui sont appelés à gérer le pays dans l’avenir. Je ne dis pas qu’ils ont tout le temps raison, mais les mettre dans des conditions où ils pourraient étudier, ce serait une bonne chose.Tout le monde sait qu’à l’université, il y a des problèmes avec des amphithéâtres bondés et c’est difficile d’avoir la tête à étudier dans certaines conditions. Pour faire face à ce problème, il faut qu’il y ait une synergie de tous les acteurs, que les gens se sentent tous responsables. Le Sénégal appartient à tout le monde. Nous n’avons pas suffisamment de ressources naturelles comme certains pays mais nous avons une bonne ressource humaine. Si on s’y met, ce pays pourra se développer. Comme l’a dit le président de la République : on ne peut passer tout notre temps à tendre la main, il faut trouver autre chose. C’est un discours qui me plait beaucoup et j’y adhère fortement. »
AIDER LE PRESIDENT
- « J’ai appris que le président Sall est en train de rencontrer tous les acteurs. Il faut l’aider dans ce sens afin qu’il puisse trouver une solution durable à cette crise. Vu le surnombre noté à l’Ucad, je pense que ce serait bon de penser à construire de nouvelles universités.Les gens doivent avoir confiances aux autorités universitaires. Il faut également que les étudiants sachent que pour avoir la sympathie de l’opinion, ils doivent arrêter de faire des casses. Par ailleurs, je demeure convaincu qu’aujourd’hui, la seule autorité qui peut régler ce problème, c’est le président de la République et il est en train de le faire. Ce n’est pas seulement avec Macky Sall que l’université connaît ce genre problème. Cela fait très longtemps que ce genre de situation demeure. »