"J’AI TRÈS MAL POUR MON PAYS"
DEMBA BA
Il n’était certes pas de l’expédition en Guinée équatoriale, mais Demba Bâ se dit attristé par l’élimination du Sénégal au 1er tour de la CAN-2015. Aussi, appelle-t-il les dirigeants du football à une évaluation profonde de cette contreperformance des Lions. L’attaquant de Besiktas, actuel meilleur buteur africain en Europe, n’en pointe pas moins du doigt la fédération.
Demba, qu’avez-vous ressenti après l’élimination du Sénégal ?
De la tristesse, pas autre chose. J’étais là tranquille chez moi en train de suivre le déroulement de la compétition. Après avoir suivi toutes les équipes jouer leur premier match, je me suis dit qu’il n’y avait pas une autre issue, pour nous, que de jouer la finale. avec le potentiel que l’équipe avait, je me dis qu’on n’aurait pas d’excuse. d’où ma tristesse d’être resté à la maison. Mais je connais le potentiel de cette équipe et celui des joueurs qui la composent. C’est vraiment difficile surtout pour le peuple sénégalais qui a conscience des qualités de ses joueurs. Mais, malheureusement, ces derniers ne gagnent jamais rien.
Qu’est-ce qui, selon vous, explique cette contreperformance ?
Il est clair qu’on avait un déficit de managers de qualité déjà. Ça c’est sûr. et surtout aussi d’expérience parce que dans des compétitions de ce genre, il faut de l’expérience. Malheureusement cela nous a manqué.
Auriez-vous réglé le problème du Sénégal si vous étiez dans le groupe ?
Je n’aurais sans doute pas réglé le problème du sénégal. Ce serait de la prétention de ma part de le dire, mais j’aurais apporté mon expérience et ma qualité. Ce n’est pas un joueur qui peut régler le problème de toute une équipe et de tout un pays, c’est toujours le collectif qui fait la différence. Je pense qu’il faut bien évaluer cette élimination du sénégal. Malheureusement, ce n’est pas la première fois que cela nous arrive. aujourd’hui, on peut dire que les joueurs sont mauvais, qu’ils ne mouillent pas le maillot, mais, je crois que le vrai problème, il faut aller le voir ailleurs.
Après l’élimination, Papiss cissé a un peu fustigé la communication d’Alain giresse. Etes vous surpris par ces révélations ?
Non, ça ne me surprend pas. après, en pleine compétition, les joueurs ne peuvent pas parler. Ils sont sélectionnés, ils ne pourront pas dire ce qu’ils ont envie de dire de peur de se retrouver sur le banc de touche pendant toute la compétition. Mais, s’il y a clash entre certains joueurs et le sélectionneur, je ne suis pas surpris.
Etes-vous d’avis que le Sénégal a manqué sa qualification à cause des changements intervenus entre le premier et le second match ?
On a utilisé une tactique lors des 45 premières minutes qui n’a pas fonctionné. Le ghana était au dessus de nous, ils nous ont dominés. a la mi-temps, on a changé de tactique et ça s’est très bien passé avec au bout une victoire. On l’a gardé au deuxième match, ça n’a pas été si mal que ça face à l’afrique du sud, malgré tout. et pour le match le plus important, on repart avec le système par lequel on a été le plus mauvais de la compétition : c’est cette défense à trois. C’est vraiment dommage.
Sur quoi vous êtes-vous fondé pour dire que giresse n’était pas l’homme de la situation ?
Vous savez, je suis l’un des doyens de cette équipe. et j’ai côtoyé presque quatre entraîneurs en sélection tous différents les uns des autres. ensuite, j’ai côtoyé de grands entraîneurs en club, comme Jose Mourinho, comme rafael Benitez. et là j’arrive à voir qu’un entraîneur fait gagner un match grâce à sa clairvoyance. et alain giresse n’a malheureusement pas ça. Mais vous savez, le plus important, ce n’est pas un entraîneur bon ou mauvais même si ce dernier doit apporter sa touche. Mais c’est une histoire d’hommes. C’est aussi valable pour les joueurs que pour l’entraîneur. Parce que la carrière va finir et en ce moment là, on saura ceux qui sont de vrais hommes.
Pensez-vous qu’Alain giresse est seul responsable de cette débâcle ?
Il y a un autre problème différent du problème managérial qui détermine le caractère de giresse. quand on a été à Bata, il y a des choses qui se sont mal passées. et avant ça, il y avait 2008 aussi. et chaque fois, c’est le même problème et après on parle des entraîneurs même s’ils sont les premiers responsables. Il faut voir ailleurs. Franchement, je pense qu’il faut que le sénégal avance.
Alain giresse a quand même réalisé quelque chose pour le Sénégal, c’est visible au ranking FIFA…
C’est vrai qu’on peut reprocher tout à giresse parce qu’il a montré ses limites dans le management et la vie de son groupe, mais au moins il faut reconnaître que, depuis qu’il est là, qu’il y a eu des améliorations. Par exemple les conditions d’hébergement ont été meilleures sous giresse que sous tous les autres. C’est le seul point positif que je retiens. tout le reste est noir.
Pensez-vous que la fédération doit aller jusqu’au bout de son mandat ?
Si aujourd’hui Me augustin senghor n’a pas la capacité de faire avancer cette sélection qu’il parte. s’il pense qu’il a la capacité de la faire avancer qu’il reste mais tout en prouvant qu’il veut vraiment s’investir pour le football et mettre de côté des considérations qu’on ne maîtrise pas. en même temps qu’il change de fusil d’épaule. Ça fait presque six ans qu’ils sont en place, je n’ai pas vu d’évolution à part cet éternel recommencement. Le sénégal a plus que jamais besoin de personnes compétentes mais pas de charlatans comme on en voit tout le temps dans l’équipe fédérale. Ça peut faire rigoler, mais ça fait vraiment mal de voir toutes ces têtes faire leur grimace.
Quelle a été la réaction de Moussa Sow à son retour de la cAN ?
Ah, il était très déçu. Ce n’est pas facile, c’est compliqué. Bon, nous, on lui a bien remonté le moral mais je vous dis que tous les joueurs ont eu mal de cette élimination parce qu’il y avait de la place…
Il paraît que Moussa Sow était aussi au clash avec le sélectionneur…
(Il coupe). C’est totalement faux ça. C’est une information erronée ça. Moussa, en aucun moment, n’a parlé au coach, comme les gens l’ont dit dans la presse. Ça, ce n’est pas Moussa ça.
Etes-vous confiant en l’avenir de l’équipe du Sénégal ?
Bien sûr, maintenant, comme je le dis, il faut avancer. Mais, si les gens n’ont pas la capacité et la compétence, il faut qu’ils arrêtent parce que le football sénégalais ne doit pas rester à ce niveau. il faut qu’ils fassent des autocritiques en se demandant si réellement, ils ont la capacité de faire avancer le football sénégalais et s’ils ont aussi le niveau. il ne faut pas s’accrocher à tout prix parce qu’il y a d’autres aussi qui ont envie de faire leurs preuves. Mais toutes ces personnes fausses qui gravitent autour de l’équipe nationale, qui pensent qu’elles peuvent la faire avancer, qui sont plus lentes qu’une tortue, doivent partir. il faudrait que nos dirigeants aient la modestie de dire qu’ils n’ont pas la capacité de gérer aux destinées de notre football. Ça, c’est pour le bien du sénégal.
Avec le départ de giresse êtesvous prêt à revêtir le maillot sénégalais ?
Ce n’est pas assez sûr. tout dépendra de ce qui sera mis en place. Le nouveau staff qui arrivera. J’ai fait beaucoup de sacrifices pour cette équipe nationale. J’aurais bien voulu donner tout ce que j’ai pour mon pays mais quand on arrive en équipe nationale, il y a des problèmes qu’on rencontre et qu’on ne connait même pas en club. Maintenant, j’ai envie de prendre du plaisir en rendant heureuse toute la population du sénégal. si cela est possible, je n’hésiterai pas, mais si je vois que les choses n’avancent pas j’arrêterai.
Avram Grant, l’entraîneur israélien du ghana se dit surpris de ne pas vous voir à la CAN et aimerait vous voir porter à nouveau le maillot du Sénégal…
(Il coupe). Vous savez, Avram grant est le coach qui m’a fait découvrir la Premier League. Lui, au moins, il me connaît très bien. C’est pour cela qu’il m’estime beaucoup et j’ai moi aussi beaucoup d’estime pour lui. C’est vrai qu’il a été surpris de ne pas me voir sur la liste du sénégal, mais je pense qu’il n’était pas le seul. L’afrique tout entière a été surprise aussi. J’ai vraiment envie de défendre les couleurs du sénégal et pour cela, il faut qu’on me donne des armes pour me battre. si on me donne un petit couteau, je ne peux pas aller en guerre avec. Il faut qu’on me donne une vraie arme pour aller défendre les couleurs de mon pays.
Qu’avez-vous envie de dire aux supporters sénégalais qui sont déçus de l’élimination précoce de leur équipe nationale ?
J’ai supporté l’équipe nationale comme tous les 14 millions de sénégalais. Malheureusement, ça n’a pas été au bout. J’ai quand même été très fier des joueurs. Je suis vraiment content du parcours qu’ils ont fait parce que le parcours ce n’est pas seulement les trois matchs de la phase finale de la Coupe d’afrique, c’est depuis les qualifications. J’étais vraiment fier malheureusement, je suis triste parce qu’on ne remportera pas de titre cette année. Mais j’aimerais aussi leur dire qu’ils peuvent garder espoir en cette équipe nationale, mais pourvu que les choses changent. Mais tant qu’il n’y a rien qui change ce sera difficile pour le sénégal de faire quelque chose dans les grandes compétitions.