"Je buvais, je ne savais pas m'arrêter"
Confidences de l'artiste Mbaye Ndiaye "Kam Ndick"
Problème : comment tailler bavette avec Mbaye Ndiaye, icône de la musique sérère, surpris il y a quelques années dans un virulent accrochage verbal avec Aïssatou Diop Fall (alors animatrice à Walf Tv), comment lui faire subir un confessionnal sans en faire les frais ? Question difficile à répondre. Pourtant ce matin-là, (lundi 25 février 2013), Mbaye Ndiaye est surpris dans son quartier de Hann. Silhouette encore plus empâtée, ventre rebondi, bajoues frémissantes, tignasse teinte en noir et sandales bon marché. Chez l’artiste, toujours la même fraîcheur de bizut qui lui a valu ses pas de danse caractéristiques et ses envolées lyriques rehaussées par les plaintes langoureuses de son riti. L’homme, talent pur, vendu il y a plus d’une quinzaine d’années au grand public par son album à succès, Kam ndick, avait épousé depuis les contrecoups d’une trajectoire sinueuse brodée d’inconstance et d’alcool-addict. Aujourd’hui, un vent neuf souffle sur Hann. Il porte en étendard un Mbaye Ndiaye qui s’affirme retapé et assagi, divorcé avec les inconséquences. En bandoulière une cassette qui mûrit. Mbaye Ndiaye veut, à l’image de l’année nouvelle, se recréer une autre histoire. Plus pure. Elle passe par un confessionnal que Le Quotidien a recueilli. A chaud.
Mbaye Ndiaye, il y a un sacré bout de temps qu’on ne vous a pas vu sur la scène musicale sénégalaise à tel point que les gens ont commencé à se poser des questions sur votre avenir. Qu’en est-il réellement ?
Je reconnais que cela fait longtemps que je me suis absenté mais ce n’est rien de grave. Cette absence est motivée par le fait que j’aime faire du travail de très bonne qualité et je prends mon temps pour cela. Je veux que chaque album que je produis soit un succès et que les mélomanes sachent que c’est un travail de très haute facture. C’est l’une des raisons fondamentales qui me poussent à m’éclipser pendant un temps. Certains sont même allés jusqu’à dire que j’ai abandonné la musique mais ce n’est pas le cas. Est-ce qu’une personne qui a raccroché avec la musique se produit à Sorano ? Je travaille au théâtre national Daniel Sorano où je suis embauché. Plus que jamais je suis dans la musique. D’ailleurs, je me suis bonifié en expérience. Le talent ne m’a pas quitté. Au contraire.
Donc vous êtes en train de mûrir quelque chose pour vos fans ?
Oui j’ai quelque chose pour mes fans. Sous peu, le produit sera sur le marché.
Qu’est-ce que c’est au juste ?
C’est un album. Il y a plusieurs ti-tres.
Peut-on avoir une idée de ce qui sera sa consistance ?
(Rires) Il est difficile de parler d’un enfant qui n’est pas encore né. Mais il y a déjà un single qui est sur le marché. Dans ce morceau, j’exhorte les gens à s’armer de patience et d’attendre que Macky Sall fasse des résultats parce qu’il fait du bon boulot. Si nous sommes pressés, nous ne pourrons pas pour autant le chasser de là. Mieux vaut prier pour lui et l’aider à avancer. De mon point de vue, il travaille bien, son équipe aussi. C’est mon conseil pour mes compatriotes. Il ne sert à rien de se hâter au risque de gâcher les choses. Dans ma chanson, j’ai dit que Macky Sall ne s’enrichit pas de la gestion du pays qui a besoin de lui. J’ai aussi dit que jamais Dieu n’a confié à un berger une pirogue et à un pêcheur un troupeau. Macky est à sa place, et Dieu a bien fait. C’est ce que j’ai dit dans la chanson. J’ai aussi chanté Youssou Ndour, Marième Faye, Tanor Dieng.
Cela sonne comme un appel du pied. Est-ce que Mbaye Ndiaye prépare son entrée en politique ?
Pourquoi cette question ?
Parce que dans le single vous chantez Macky Sall. Ce n’est peut-être pas gratuit ?
Ce n’est pas que je fonde des espoirs sur la politique. Mais je pense que si on a un moyen pour se faire entendre, il faut l’utiliser surtout quand c’est pour le bénéfice du Peuple. C’est juste cela. Il m’est arrivé de chanter pour les Présidents Abdou Diouf, Léopold Senghor, Abdoulaye Wade et ce n’était pas de la politique. C’est une occasion pour moi de donner mon opinion sur ceux qui nous dirigent. C’est juste cela. On ne peut pas être dans une pirogue et souhaiter le malheur de celui qui tient la barre. Sa perte serait la nôtre.
Parlons maintenant du produit à paraître. Qui en est le promoteur ?
C’est un de mes amis et moi-même qui avons conçu le produit. Il s’appelle Saliou Guèye et je l’appelle Zale. C’est un ami, un gars bien.
Depuis quand êtes-vous en train de préparer le produit ?
Il n’y a pas longtemps. Une cassette ne doit pas durer dans sa phase de conception quand on sait bien composer. Mais quand même je prends le temps de faire un travail sérieux pour en garantir le succès. De la même façon que j’écris les textes la nuit, de la même façon je m’attache à ce que tout soit parfait dans la composition musicale pour que les mélomanes apprécient positivement.
En dehors de la préparation de cette cassette, quelles sont vos activités ?
Je suis pensionnaire à Sorano. Je suis très présent dans la musique. Mais je veux avoir un promoteur qui m’assiste beaucoup. C’est cela mon plus grand handicap. Ce n’est pas une question de talent. Je ne pense pas que les gens disent que Mbaye Ndiaye est un piètre chanteur. Je n’ai pas quelqu’un pour m’aider véritablement et surtout faire ma promotion.
Est-ce que vous l’avez cherché ?
Oui et je n’ai de cesse de le faire. Il y a certes des gens qui me contactent mais la plupart sont de fieffés truands. Ils ont la parole facile et onctueuse, mais ce n’est que du vent.
Vous avez déjà vécu ce genre d’arnaque ?
Maintes fois. Je pourrai les citer tous, mais je n’en ferai rien parce que je veux leur laisser leur honneur. Ils promettent la lune, mais ce n’est que du vent finalement. Je suis embauché à Sorano et je rends grâce à Dieu. Soda Mama Fall est notre directrice et elle me soutient beaucoup. D’ailleurs dans un mois, l’ensemble lyrique traditionnel sortira une cassette.
Pourtant malgré votre talent, il y a une étiquette qui vous colle à la peau. Les gens pensent que, eu égard à votre talent, vous auriez du dépasser ce stade-là.
C’est ce que je vous disais tout à l’heure. Ceux qui ont fait du chemin, ils ont été soutenus. Mais si vous voulez faire carrière dans la musique sans soutien, vous n’irez nulle part parce que justement l’aide ça compte beaucoup. C’est ainsi que je vois les choses.
Mais vous aviez eu un bon départ avec la sortie de Kam ndick dans les années 1997…
C’est ce que je vous ai dit. Une autre personne qui ne sait pas ce que j’ai vécu vous raconterait des bobards, mais moi qui suis le principal concerné je sais de quoi je parle. Je vais vous dire une chose et je suis désolé de le dire : on n’aide pas les artistes sérères. C’est cela la réalité. Personne ne prétendra le contraire. Ces propos plairont à certains et pas à d’autres chez les Sérères. Ce n’est que maintenant que cela commence à changer un tant soit peu. Mais je ne parlerai pas de ces gens-là qui nous aident. Des artistes comme Yandé Codou qui a été sommet de la notoriété après le décès de Sen-ghor. Je la connaissais bien tout comme j’ai connu Senghor que j’ai d’ailleurs chanté dans ma jeunesse. Khady Diouf qui était à Sorano l’a toujours dit. Aucun Sérère ne l’a jamais aidée. La vie a changé et il faut que les Sérères s’entraident. Dans Kam ndick, je l’ai dit. Mais peut-être qu’il y a dans cet état des choses, le fait que le Sérère ait relégué la chanson et la lutte au rang de futilités. Il faut l’admettre, par le passé un chanteur ou un lutteur en pays sérère ne pouvait pas avoir une femme dans son village. Ils étaient considérés comme des voyous.
Revenez un peu sur le succès grisant de Kam ndick dans les années 97. Vous étiez alors à Sorano ?
J’étais à Sorano. Mais avant cela, je chantais au village.
Racontez-nous vos débuts.
J’étais très jeune quand je débutais et je savais battre du tam-tam. Mais c’est avant tout un don. Mon papa fut un grand chanteur. Il paraît que je n’ai pas la moitié de son talent. Il était un artiste de renom à Bakobof (Village du département de Fatick, Ndlr) et il s’accompagnait de griots. Il y a longtemps qu’il est décédé. C’était en 1967, mais j’ai quand même pu écouter certaines de ses chansons. Je n’ai pas appris à chanter. Cela m’est venu naturellement, même s’il m’arrivait de reprendre les chansons paternelles. Il m’arrivait aussi, une fois au lit, dans mon sommeil, de composer des chansons. En fait, je les rêvais et au réveil je les chantais allégrement. Souvent j’improvisais aussi parce que la culture sérère est vaste et riche. Je suis imprégné de notre culture, de même que celle de Mbadane, de Lat Thiokone. Vers l’Est aussi au pays de Yandé Codou, Coumba Ndiouck, Bousso Faye Toucar, j’ai appris des choses à leur contact. A l’Ouest aussi, j’ai rencontré Demba Yack Sarr et plein d’autres comme Khohane Sène. Cela m’a permis de diversifier mes chansons. J’avais une méthode. Quand un artiste de renom venait chanter dans notre village, j’appelais mes amis et je me débrouillais pour mémoriser tous les morceaux chantés jusqu’à l’aube. D’autres fois, j’attribuais à chacun d’eux une chanson spéciale, à charge pour lui de la retenir. Ainsi certains devaient en retenir une, d’autres deux. Quand je leur demande le lendemain de me les rappeler, ils devaient s’exécuter. Ainsi, je mémorisais tout le répertoire des artistes qui se produisaient.
Et dans le même temps vous étiez aussi à l’école ?
(Rires) J’ai été jusqu’en classe de Ce2. Le peu que je sais du français je l’ai appris par moi-même.
J’ai beaucoup de livres que j’aime lire. J’ai aussi des dictionnaires.
Pourquoi avoir arrêté les études en classe de Ce2 ?
Mon papa est décédé prématurément. Je n’avais pas de soutien alors je n’ai pas pu continuer mes études. Après je me suis consacré au travail de la terre parce que je suis paysan. Je cultivais la terre et je chantais aussi. J’étais là-bas avec ma maman, ma femme et mes frères et sœurs. Après l’hivernage, je venais à Dakar pour travailler.
Que faisiez-vous à Dakar ?
Je venais pour travailler.
Quel genre de travail ?
Je faisais dans la débrouille. Je faisais toutes sortes de travaux. Comme je n’étais embauché nulle part, je faisais les travaux que l’on me proposait. Je n’avais pas le choix jusqu’à ce que j’aie été recruté au théâtre Daniel Sorano.
Comment cela s’est-il fait ?
Ils sont venus me chercher chez moi parce que je chantais bien et je jouais bien au riti (instrument de musique traditionnel à corde).
Mais comment vous ont-ils connu ?
C’était dans les années 73 et M. Louis Diène Faye assurait ma production à l’époque. Il était à la Rts. En ce temps-là, j’étais très jeune. Comme je chantais bien, on passait mes chansons à la radio. En ce moment, il n’y avait que la Rts comme radio. C’est là que les responsables de Sorano m’ont entendu chanter. Alioune Badara Bèye est venu me chercher pour que je participe dans la pièce Le sacre du ceddo. Ensuite, il y a eu Nder en flammes, Lat Dior. C’était ans les années 84. Souleymane Ndiaye est venu me chercher à la maison vers midi.
Qu’avez-vous éprouvé sur le coup ?
J’étais content. (Rires) Il y avait de quoi. Quand Sorano vient vous chercher juste en vous écoutant chanter et jouer du riti, c’est un honneur. Ils sont venus avec beaucoup d’argent.
Combien ?
(Rires) Beaucoup d’argent. Je m’en tiens là. On a répété le film Le Sacre du ceddo et d’autres. C’est Alioune Badara Bèye qui m’avait totalement pris en charge ainsi que mes amis. J’étais venu avec un groupe et nous avons été bien installés. Après la répétition, deux mois plus tard nous avons joué Le sacre du ceddo à Sorano. A la fin de la prestation nous avons été payés et nous sommes retournés au village. Mais j’y avais pris goût et cela m’emballait beaucoup. C’est là que Boubacar Guiro, Dieu ait son âme, m’a fait demander, après une lettre de recommandation de Etienne Sarr. C’est le jour même que j’ai été embauché. Etienne Sarr m’a demandé de commencer le jour même et j’ai répondu qu’il fallait que j’aille au village prendre mes affaires. (Rires) Les gens se sont mis à rire en disant : «Mais qu’il est carré celui-là !» Fatou Talla m’a dit : «Tu cherchais du travail et on t’en trouve, mais voilà que tu rechignes à commencer.» (Rires)
Après Sorano, il y a eu le succès de votre première cassette. Je pense que mes prestations à Sorano plaisaient beaucoup. Pour résumer, je dirais que c’est Kabou Guèye qui m’a fait appeler un jour. C’est ainsi que la cassette a vu le jour vers la fin de l’année 96.
Comment cela est-il arrivé à point ?
Je suis un pur sérère. Je n’ai pas besoin d’autant de maturation pour venir à bout d’une production. Je n’ai aucun problème pour chanter. Je le fais d’instinct.
Il y a eu le succès au bout et Mbaye est devenu une star locale. Comment aviez-vous vécu cette montée en puissance ?
Je l’avais bien senti mais c’était la volonté de Dieu. J’étais content du succès. Même mon producteur n’était pas très rassuré. Il me disait qu’il tentait volontiers le coup. Je le rassurais en lui disant que si jamais il assurait la production de la cassette, les choses se passeraient bien. Il y avait des clichés comme quoi les Sérères n’achètent pas de cassettes. Les choses se sont passées autrement. Moi je ne doutais pas. On a passé la journée et on a tout confectionné.
Et il y a eu beaucoup d’argent après ?
La cassette a fait un tabac. Les gens étaient étonnés. Les Sérères étaient contents. Beaucoup parmi eux achetaient la cassette et une radio. D’autres acquéraient des cassettes qu’ils distribuaient à tour de bras. Ablaye Niane, le maire de Thiadiaye à l’époque (région de Fatick), en achetait par centaines. Il disait que c’est grâce à moi qu’il avait gagné les élections locales. Ce n’était pas grâce à moi, mais il le pensait. Il m’a beaucoup soutenu. Youssou Ndour aussi.
Le théâtre National Daniel Sorano où vous évoluez est réputé être un milieu de requins où tous les coups sont permis. Surtout ceux mystiques. Vous confirmez ?
J’avais déjà, par le passé, dit à un journaliste que les rumeurs sont souvent mensongères. Je ne peux pas m’avancer sur ce terrain de «ouï-dire» sans mentir. Jusqu’au moment où je vous parle, je n’ai jamais vu d’histoires de maraboutage là-bas parce que je ne l’ai jamais pratiqué et je ne l’ai jamais subi. S’il y a de la méchanceté là-bas, je n’en ai jamais été l’auteur encore moins la victime. S’il y a eu de la haine, je n’en ai pas été l’instigateur ni la victime aussi. Alors si je vous disais que tout cela existe à Sorano qu’est-ce que cela serait alors ? Un mensonge tout simplement ou de la calomnie. C’est ce que je peux dire. Pas plus. Je ne sais pas ce que vivent les autres parce que je ne suis pas constamment collé à leurs basques. Je n’ai subi aucun tort à Sorano. Je n’y crains pas. Il y a la paix entre nous. Je ne sais pas ce qu’il s’y passait au début mais en tout cas si jamais cela a existé, ce n’est plus le cas aujourd’hui et si cela n’a jamais existé, retenez que cela n’existe toujours pas.
C’est quand même étrange parce que juste après votre altercation avec Aïssatou Diop Fall, certains membres de votre famille avaient dit que si vous aviez réagi de la sorte c’est justement parce qu’on vous avait atteint mystiquement.
On ne peut pas empêcher les gens de gloser. La solution c’est de les laisser jaser. Mais personne ne m’a jamais rien fait. Je l’ai toujours dit dans les radios et télés. Si c’était le cas, je l’aurais su.
Pourtant, il se dit que si vous forciez sur la boisson c’est justement parce que mystiquement vous avez été atteint. D’où cette fâcheuse habitude.
Non ce n’est pas le cas. Je buvais, je le faisais carrément même si j’ai arrêté. Cela doit faire deux ans que j’ai arrêté la boisson.
C’était un choix délibéré ?
(Il s’exclame) Ah mais oui ! C’était délibéré et je buvais de mon plein gré. Qui a quelque chose à y redire ? C’était mon choix. Est-ce que c’est moi qui finit le stock de la Soboa (Société des brasseries ouest-africaines) ? Les buveurs sont légion dans ce pays. C’est quand j’ai perdu le plaisir de boire que j’ai arrêté le samedi 26 juin 2010. Cela me plaisait, maintenant non. Si j’ai un conseil à donner à ceux qui le font c’est de modérer la boisson. Sinon de laisser tomber carrément. Moi, je ne savais pas m’arrêter. Dès que je commence, c’est parti pour de bon, rien ne m’arrête. (Rires) Je le faisais de mon plein gré. Il y en a qui savent se maîtriser. Mais en tout état de cause, l’ivresse gâche beaucoup de choses. Ce n’est pas bien. Mais moi je n’ai pas de contrainte religieuse. Je suis autorisé à boire parce que je suis Chrétien, je m’appelle Pierre Ndiaye. Mais là j’ai arrêté.
La boisson a gâché votre vie ?
Elle ne m’a jamais rien gâché ! (Il se répète.) C’était un choix délibéré alors je n’ai pas de regrets. N’est-ce pas ? Elle ne m’a jamais rien gâché.
Mais votre altercation avec Aïssatou Diop Fall a intrigué beaucoup de gens. Que s’est-il réellement passé ce jour-là ?
Mais rien du tout. Il y a des choses que l’on ne peut pas expliquer. Cela ne vaut même pas la peine d’essayer de les expliquer. De toutes les façons les gens n’y croiront pas.
Quelles sont ces choses ?
Les gens ne comprendraient pas. Personne n’a eu tort. Et puis c’est du passé cela. Cela devait se produire. D’ailleurs, je ne veux plus en parler. (Rires)
Parlons un peu de votre privée. Vous êtes marié n’est-ce pas ?
J’ai une épouse. J’ai aussi des enfants.
Vous avez en tête d’épouser une seconde femme ?
Pas du tout, mais cela ne me déplairait pas, même si je suis Chrétien. (Rires)
On vous a surpris très à l’aise avec les gens de ce quartier. Comment vivez-vous ici ?
Je suis bien c’est tout (Rires). Si j’avais la grosse tête je ne serais pas comme cela. Je suis capable de m’obliger pour un petit enfant. Je n’ai pas de problèmes avec les gens. Je ne sais pas garder rancune. Mais je n’aime pas aussi la légèreté. Je suis chatouilleux sur ce point alors je réplique instantanément. C’est cela mon défaut. Je m’énerve vite et je suis prompt à la bagarre. C’est justement parce que je ne suis pas un tricheur. Mais cela ne va jamais loin. Je n’ai jamais fait du tort à autrui.
On a vu certains de vos titres qui étonnent. D’où vous vient votre inspiration ?
Pour Gaïnako (le berger) je dis souvent que c’est le bétail qui est allé vers le champ mais jamais le contraire. Personne n’a le droit de molester l’enfant ou la femme d’autrui. C’est cela le thème de cette chanson. S’il y a conflit entre le cultivateur et le berger il est facile de savoir qui a tort. Je suis cultivateur et j’ai assisté maintes fois à ce genre de querelles. Pour Khalé-bi (la jeune fille) c’était mon cas.
Vous avez été trompé ?
Ah oui. C’est une histoire douloureuse que j’ai vécue. Kabou Guèye en est témoin. Je faisais tout pour elle. Dans le clip, je n’ai pas tout dit. Si je l’avais fait, je passerais proprement pour un con. Mais cela devait se passer ainsi.
Vous étiez amoureux d’elle ?
Trop même ! (Rires) J’étais fou d’elle. Elle était belle, très belle. Sa robe aussi. Elle avait une belle taille. Ça oui.
Que s’est-il donc passé ?
Elle m’a arnaqué c’est ça la vérité. Mais sa maman ne me portait pas dans son cœur, ses petit-frères et sœurs aussi.
Et pourquoi ?
Est-ce que je le sais ? Peut-être qu’ils étaient mal éduqués. Il m’arrivait de sortir cent mille ou cent cinquante mille et donner cela à leur sœur pour qu’elle fasse ses achats. Il faut être méchant pour détester une personne comme ça.
Est-ce que la fille était amoureuse ?
Très amoureuse. Elle se battait même contre eux pour moi. Sa famille était Toucouleur. Cela m’a fait mal. Très mal. Elle avait finalement d’autres copains et me mentait en inventant toujours de mauvais prétextes pour les retrouver. C’était dur. Et moi j’attendais toujours. Un jour ses frères ont pété les plombs parce qu’ils nous avaient vus ensemble. Cela a fait un énorme boucan. J’ai vécu tout cela et c’était dur. Cela peut vous anéantir un homme. Quand je le chante, cela prête à rire, mais la réalité est un enfer. C’est pourquoi je recommande aux filles d’être sérieuses.
Vous avez aussi chanté Birame. Qui est-il ?
(Triste) Il était un de mes amis. Il est décédé. C’était un gars bien. Il avait très tôt réussi dans la vie. Il avait de l’argent, il était beau et surtout très bien. J’avais composé une chanson en son honneur et il l’appréciait beaucoup. Un jour, alors que je suis passé le voir, il m’a croisé au seuil de sa porte sans même me saluer. J’étais désemparé et en même temps j’avais mal. Je ne comprenais pas son attitude, lui qui était toujours heureux de me voir. J’étais si intrigué qu’une fois au village, alors que je discutais avec un grand praticien traditionnel dans la forêt, je lui exposais mon problème. Après réflexion, il me dit que si mon ami avait agi ainsi c’est parce qu’il était malade. Il le savait, mais il ne savait pas le mal dont il souffrait. Il me dit que c’était trop tard pour faire quelque chose pour lui. Moins de deux jours après, on m’annonçait le décès de Birame. J’étais totalement anéanti. Je n’ai jamais été aussi malheureux de ma vie. En même temps aussi j’avais peur. Voilà pourquoi j’ai introduit cette chanson dans mon premier album.