"JE FAIS UN MÉLANGE DE POÉSIE DE SLAM !"
MERRY BÈYE, AUTEUR DE "LE TRAIN DE LA VIE"
Son recueil de poèmes, « Le train de la vie », a fait le buzz. Plume généreuse et prometteuse, Merry Bèye est une séduisante demoiselle. Histoire de la sortir de sa coquille, Le Témoin s’est exercé avec elle à un entretien sur certains sujets abordés dans son recueil.
Le Témoin - Pour une aussi belle demoiselle, vous semblez vous amuser avec les mots de la mort ; pourquoi ?
Belle c’est vous qui le dites déjà… Mais si je me permets de jouer avec les mots sur la mort, c’est pour la rendre moins terrible si je puis dire. La mort est assimilée à une fin, et c’est l’occasion de toujours pleurer la personne. Elle occasionne la souffrance. Dans ce recueil, quand j’use de mes mots pour parler de la mort, ce n’est pas pour m’amuser, c’est plutôt pour la rendre familière, faire en sorte qu’elle nous soit proche et qu’elle ne nous fasse plus autant souffrir... La mort est une fin de cycle, juste une fin de cycle et le début d’un autre.
Cet univers morbide traverse votre recueil, vous n’en avez pas peur ?
Dire que l’univers du « Train de la vie » est morbide, je ne suis pas d’accord. Il est plutôt mélancolique oui, mais morbide ! Je ne dépeins pas la mort, je parle des personnes que j’ai perdues. Je parle de tristesse, mais je parle aussi d’espoir, d’amour, de la vie et je rends hommage à des personnes qui m’ont marquée : mon père, ma mère, mon marabout Serigne Touba Mbacké, Mame Abdou Aziz Sy Dabakh etc.
De l’amour aussi, vous semblez en faire une abstraction…
L’amour, en faire une abstraction, c’est simplement refuser de vivre la vie. Je ne fais pas une abstraction de l’amour, j’en ai tellement peur que je l’appréhende plutôt. L’amour nourrit notre cœur, on ne peut pas en faire une abstraction.
Et pourtant il ne semble pas exister, selon vous ?
Oh, que si, sinon j’en aurais pas parlé dans le recueil ! Ce que je dis c’est que l’amour parfait n’existe pas. L’amour comme on nous le montre dans les films ou les dessins animés n’existe pas. Mais il existe bel et bien.
Mais est-ce que vous le retrouvez quand vous vous réfugiez dans la religion ?
La religion n’est pas un refuge pour moi. C’est une maison qui m’habite continuellement. Et l’amour dans la religion c’est comme si on faisait une métaphore en disant la mer et le poisson. La religion est amour, l’amour est la religion… C’est d’ailleurs le seul vrai, pur et parfait amour qui existe, celui de Dieu envers nous les pécheurs devant l’éternel.
Quand vous écrivez : « De te faire l’octroi / de cette chose que tu désires par-dessus tout ». On sent que vous avez peur de vous donner…
Il est difficile de se donner quand on n’a pas l’assurance d’avoir le bon retour ou le retour qu’il faut. Ce que je dis par là, c’est qu’on ne peut pas demander plus à l’autre alors que l’on ne s’investit pas pareillement. C’est du donnant - donnant et c’est cela qui fait la beauté d’une relation. L’abandon de l’un pour l’autre et vice versa. Ce qui est difficile, et c’est ce que je dis dans cette phrase, c’est le fait de pouvoir arriver à cet abandon sans être déçu par le vis-à-vis.
Merry, une écorchée vive de l’amour alors…
(Rires) Non, Merry une écorchée vive des épreuves de la vie … tout simplement.
Vous doutez aussi de l’amitié…
Oui, je doute beaucoup de l’amitié. A la base, je suis une personne très méfiante, alors, je doute de tout. Mais j’avoue qu’en parlant d’amitié, je doute surtout de l’amitié entre filles qui, pour moi, n’est qu’un voile d’hypocrisie. Je crois en l’amitié entre garçons et filles, d’ailleurs mes vrais amis sont des garçons.
Tout serait de l’hypocrisie, à vous en croire…
Une merveilleuse mascarade servie au monde et à l’entourage plutôt. Certains diront que je suis sévère dans mon jugement. Mais c’est mon humble avis. La plupart vivent une hypocrisie ou une mise en scène de leur vie où les amis ou pseudo-amis sont les spectateurs.
Dégoutée alors de l’humain et de la marche du monde ?
Non, je ne suis pas dégoutée de l’humain, je suis moi-même humaine, je ne peux décemment pas être dégoutée de ma propre race. Par contre, je suis triste quand je vois certaines choses qui sont principalement du fait de l’homme.
Finalement, en quoi croyez-vous ?
Je crois en Dieu et à mon marabout Serigne Touba, je crois à l’amour paradoxalement même si j’en ai peur. Je crois à la mort parce que c’est un fait réel, je crois aussi aux valeurs que mes parents m’ont inculquées.
Et on emprunte le train de la vie pour n’y rencontrer que désespoir…
Non, c’est quand même dur comme analyse. Ce recueil n’est pas noir et glauque. Je refuse qu’on l’étiquette ainsi. On emprunte le train de la vie pour ressentir les émotions d’une vie remplie, pour aimer, pour apprendre à maitriser sa souffrance et à donner beaucoup de soi sans rien attendre en retour.
Est-ce que « Les contemplations » de Hugo n’ont pas été votre livre de chevet. Votre recueil fleure bon sa poésie…
J’ai lu et relu « Les contemplations » d’Hugo, normal c’est mon poète préféré, mais je n’ai pas le même style que lui. Moi, je fais du « poétric slam » qui est un mélange de poésie et de slam. C’est nouveau, et c’est moi qui l’ai sorti ; j’en suis fière, nous sommes le pont entre la poésie et le slam, et nous ne souhaitons sûrement pas copier le style de grands poètes comme Hugo l’a été.
Vous peignez de façon négative Faidherbe, ça veut dire que vous devez avoir un haut le cœur de le voir perché à Saint- Louis ?
Faidherbe fait partie du passé, le voir perché à Saint- Louis ne me fait rien. Il a vécu un temps où je n’étais pas là, mais j’ai appris l’histoire de mon pays. Il y a forcément des choses qu’on aime ou pas, des personnages historiques qu’on aime ou pas.
Pour qui donc et pourquoi écrivez-vous ?
J’écris pour aider les autres à bien se sentir, j’écris pour la paix de mon âme, j’écris pour partager ce tumulte d’émotions et de sentiments qui est là.