"JE N’AI AUCUNE ENVIE QUE L’ON SE PRÉCIPITE POUR LE RENVOYER CHEZ LUI"
MACKY SALL SUR LE RETOUR DU JEUNE GUINÉEN DANS SON PAYS
Le chef de l’Etat n’est pas sur la même longueur d’onde que la plupart des Sénégalais qui réclament avec insistance le rapatriement immédiat dans son pays du jeune ressortissant guinéen atteint et guéri du virus Ebola. Pour Macky Sall qui s’exprime dans le journal français «L’Express», son retour sera préparé avec minutie et prendra tout le temps nécessaire.
Guéri miraculeusement du virus Ebola, Mamadou Aliou Diallo, cet étudiant Guinéen qui manifeste quelques réticences à quitter le sol sénégalais pour son pays, a toutes les raisons de se rassurer. Il ne sera pas expédié dans le premier vol pour Conakry comme le réclament des nombreux Sénégalais qui vivent sous la psychose de la fièvre hémorragique du virus Ebola.
En effet, dans un entretien accordé à nos confrères français de «L’Express», Macky Sall soutient qu’il n’y a pas lieu de se précipiter pour renvoyer le jeune Guinéen chez lui. Privilégiant d’abord la question de sa sécurité et de son acheminement, le président de la République déclare : «En concertation avec les autorités de Conakry, nous étudions les voies et moyens d’un retour correct. Cela posé, il ne sera pas rapatrié dans l’immédiat».
En dépit de la guérison du seul cas (importé, faut-il le rappeler) enregistré depuis l’apparition de l’épidémie qui touche la Guinée, la Sierra Léone et le Libéria, le chef de l’Etat refuse de faire dans le triomphalisme, et pour cause. «Aucun pays n’est à l’abri dans un contexte de migrations et de voyages transfrontaliers», explique le Président Sall qui précise, cependant, qu’un dispositif de riposte fondé sur une prise en charge immédiate de tout cas suspect a été mis en oeuvre. Mieux, le Sénégal s’emploie à renforcer son dispositif sanitaire et à faire bon usage des moyens de communication.
Pour mieux réussir sa campagne de prévention contre le virus qui a déjà fait plus de 2000 victimes dans les trois pays touchés (Libéria, Sierra Léone et Guinée), l’Etat du Sénégal a requis le concours des autorités religieuses et coutumières. En plus de diffuser des messages de prévention, ces dernières vont aider à dissiper les phobies consistant à considérer comme cas suspect tout individu qui tousse. «Aujourd’hui, il suffit que quelqu’un tousse pour que l’on entende : «c’est Ebola !», indique pour le regretter Macky Sall qui rappelle une fois de plus que le Sénégal est prêt.
Réaffirmant la décision de son gouvernement d’ouvrir bientôt un corridor humanitaire dans le pays pour permettre aux médecins, agents de l’Organisation mondiale de la santé (Oms) et du Programme alimentaire mondial (Pam) d’accéder aux pays affectés, le Président Sall a déploré l’ostracisme dont se plaignent certains commerçants guinéens. «Je condamne fermement tout comportement visant à ostraciser une communauté. Ce n'est pas parce que le cas détecté chez nous vient de ce pays que tous les Guinéens doivent être considérés comme porteurs potentiels du virus. J'en appelle donc au respect du prochain », martèle-t-il avant d’appeler à décloisonner les régions touchées au nom d’une véritable solidarité internationale.
«Ebola a été terrifiant, comme le choléra, voilà un demi-siècle. Les gens ont peur de l'inconnu. Certains pays se sont donc barricadés. Le Cap-Vert, le Rwanda ou le Cameroun ont fermé leurs frontières aux citoyens sénégalais. Ebola a déclenché une panique planétaire, plus que de raison d'ailleurs. Mais une fois le vent de panique passé, nous devons tous reprendre nos esprits et développer un système de résilience. Je lance donc un appel en faveur d'une véritable solidarité internationale», plaide le chef de l’Etat Macky Sall.