KEÏTAGATE SOUS WADE
QUELLE INSTITUTION N'A PAS EU À L'ÉPOQUE SON SCANDALE ?
Si l’affaire de la drogue qui secoue la République était avérée, elle ne devrait surprendre personne. Les douze ans de gouvernance libérale ont montré jusqu’à quel point nos dirigeants étaient audacieux. La traque des biens mal acquis a démontré le niveau d’ingéniosité des délinquants à col blanc.
Depuis que cette affaire a été déclenchée par la Cour de répression de l’enrichisse- ment illicite (Crei), on ne cesse de se tenir la tête, tant la tempête était intenable. La trace des milliards dérobés a conduit à d’incroyables paradis sur terre.
Mais le tonnerre se trouve dans le self-service auquel les présumés coupables se sont livrés. Les convoqués sont parfois d’illustres inconnus du grand public. Ils se sont servis parce qu’ils avaient une proximité professionnelle ou militante avec les vrais responsables. Quelque chose comme un laisser-aller généralisé s’était installé dans le pays, autorisant toutes les dérives. Jusque dans le maquis du Mfdc, on a joué avec l’argent public. De prétendus rebelles sont convoyés à Dakar, reçus au Palais ; où ils jurent, la main sur le cœur, avoir renoncé aux armes. Et le brillant « négociateur » auteur de cette reddition, est grassement rétribué.
Au même moment, des mines tuent, des villageois sont à la lisière de la frontière avec la Gambie ou la Guinée Bissau, se débattant contre une chienne de vie. Tous étaient conscients que Wade avait perdu le contrôle des affaires, il fallait donc se servir vite avant que les chiens de garde ne soient lâchés. Le mal de la police ne surprend donc guère.
Au contraire ! L’affaire Cheikhna Keïta devrait conduire à se demander si d’autres secteurs aussi respectés ne sont pas trempés. Quelle institution n’a pas eu son « keïtagate » avec Wade ? Sans doute très peu, ou personne.
Le plus banal sous Wade est cette affaire de corruption d’Alex Segura. Et pour s’en défendre, Wade « accuse » son aide de camp, le colonel Bara Cissokho... Autant dire que dans cette affaire, le porte-parole du gouvernement, Abdou Latif Coulibaly, était dans un angle mort. « C’est Keïta ou c’est Keïta ! », comme pour paraphraser les Ivoiriens à la veille de leur mortelle Présidentielle.
Quel gouvernement sérieux aurait dit à la face du monde que sa police est en musique parfaite avec les narcotrafiquants ? En tout cas pas le gouvernement de Macky Sall, dont on dit que les caisses sont vides et que pour les renflouer on ne compte que sur l’image de démocratie modèle et la sanctuarisation de la bonne gouvernance. Voilà pourquoi, dans cette affaire, Keïta est lui aussi dans un cercle de feu. Il peut se contenter de la sympathie ambiante de l’opinion.