KHALIFA SALL NE PLAISANTE PAS
L'OPERATION DE DESENCOMBREMENT DE DAKAR CONTINUE
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L’opération de déguerpissement lancée par la ville de Dakar se poursuit. Hier, ce sont les concessionnaires de véhicules situés au rond-point du Centre de formation professionnelle et technique Sénégal-Japon qui ont été sommés de «dégager». Certains ont vu leurs installations complètement rasées, d’autres leurs véhicules amenés à la fourrière.
Hier dès les premières heures de la matinée, les vendeurs de véhicules installés au rond-point de la Vdn non loin du Centre formation professionnelle et technique (Cfpt) Sénégal-Japon ont reçu la visite des bulldozers et autres engins démolisseurs. Une action qui s’inscrit dans le cadre de la vaste opération déguerpissement initiée par la Ville de Dakar. Plusieurs pick-up de la gendarmerie remplis d’éléments sanglés dans des tuniques anti-emeute. Toutes les issues allant de la Vdn aux 2 voies de liberté 6 ont été fermées à la circulation. Juste à côté, les deux parkings concernés sont imposants de par leurs véhicules derniers modèles stationnés. Ce sont les parkings des concessionnaires Mor Diop alias Bro et Mondial Auto.
Devant son parking où sont exposés des véhicules flambant neufs, Bro taille bavette avec ses amis, surpris par les «visiteurs indésirables de la mairie». Posture de lutteur, lunettes bien ajustées, arborant un T-Shirt qui moule sa forte corpulence, Bro peste : «Moi je suis Sénégalais, je ne suis pas un Malien ni un Nigérien. Je n’ai que cet endroit, par conséquent je ne vais pas bouger ; je resterai là à attendre les autorités. Si elles viennent et qu’elles veulent détruire qu’elles le fassent. Je suis là depuis plus de 10 ans, j’ai l’autorisation du gouverneur de l’époque».
Affichant toute son amertume, il bat en brèche l’argument selon lequel les constructions de leurs parkings provoquent les inondations. «Ils disent qu’il y a un problème d’inondation et qu’ils veulent refaire le canal, mais il n’y a jamais eu d’inondation ici et on a bien assaini nos constructions. Le préfet et les autorités nous imposent leur diktat, ils n’ont qu’à faire ce qu’ils veulent. Je n’ai pas d’autres lieux pour garer tous ces véhicules. S’ils veulent bousiller notre outil de travail, qu’ils ne gênent pas, il n’y a pas de problème, Dieu est le plus fort», assène-t-il avec un brin de désappointement.
Avant même qu’il termine, un officier de gendarmerie fait son apparition et demande le propriétaire d’un véhicule garé devant le parking au bord de la route. Bro, d’un air menaçant, réplique, «c’est pour quoi faire?». Mine grave et renfrognée, le gendarme lâche : « on travaille!». «Les véhicules sont à l’intérieur», indique le concessionnaire. Le gendarme poursuit, «je parle de ce véhicule, il est à qui?». Voulant écourter la discussion, le concessionnaire martèle provocateur : «ce véhicule ne vous gêne pas… il appartient au président de la République si tu veux». Les esprits s’échauffent et le gendarme rebrousse chemin.
Plusieurs millions d’investissement à l’eau
Juste à côté, se trouve le groupe ‘’Mondial auto’’ qui est aussi sommé de déguerpir. Les gendarmes reçoivent l’ordre d’immobiliser tous les véhicules du groupe. Là aussi, même rengaine du côté des propriétaires. Pour le gérant principal de Mondial Auto, cet espace leur a été attribué sur autorisation de la collectivité locale et de l’autorité administrative depuis 2000. «Avant notre installation, il n’y avait que des herbes et des ordures sur cette place. On l’a mise en valeur en investissant à hauteur de centaines de millions. Tous les responsables du groupe sont d’anciens émigrés qui vivaient en occident, mais qui ont décidé de revenir investir parce qu’ils aiment leur pays», explique le gérant de Mondial Auto sous le vrombissement des bulldozers.
«Avec ce chômage, on doit chercher à augmenter les emplois et non les diminuer»
Installés à l’ombre d’un arbre avec ses amis, il continue de pester de plus belle : «On n’est pas contre le désengorgement, mais il faut que ce soit réfléchi parce que c’est dans ces parkings que beaucoup de pères de famille gagnent leur pain quotidien. Si cela continue comme ça dans ce pays, on va retourner en Europe ou aux Etats unis, car on n’importe plus de véhicules depuis plus de trois mois. Et ce sont les employés qui vont en pâtir. Avec ce chômage, on doit chercher à augmenter les emplois et non les diminuer».
A 14 heures, les responsables de la mairie présents donnent l’ordre aux conducteurs d’engins de levage de faire monter les voitures du parking sur un container pour la fourrière. Les esprits s’échauffent, les concessionnaires rouspètent, ne comprenant pas cette attitude. «S’ils veulent nous déguerpir, ils n’ont qu’à nous laisser le temps de déplacer nos véhicules. Pourquoi les amener à la fourrière. Personne ne peut plus travailler tranquillement au Sénégal! C’est pour cette raison que beaucoup de jeunes se sont reconvertis en agresseurs!», ragent-ils en chœur. Les gendarmes descendent de leurs véhicules, s’arment et se positionnent pour parer à toute velléité de riposte.
La fourrière mise à contribution
L’engin fait monter deux véhicules tout neufs sur le container en plus d’une camionnette et direction la fourrière de Grand Yoff. Les concessionnaires n’ont que leurs yeux pour voir la mise en fourrière de leurs véhicules.
Toutefois, quelques minutes plus tard, les forces de l’ordre reçoivent des instructions autorisant les propriétaires à déplacer eux-mêmes tous les véhicules qui peuvent l’être. Ce fut le branle-bas chez Bro et ‘’Mondial Auto’’ pour sauver le maximum de voitures de la fourrière.
Auparavant, le bâtiment flambant neuf, ‘’Babel carrelage’’ a été détruit par les tracteurs. Le gérant, Pascal était lui aussi écœuré par les autorités qui les ont sommés de sortir les bagages à la va-vite, avant la destruction de l’édifice le même jour, alors qu’ils n’étaient informés que depuis mercredi soir.