"L'ÉTAT SERA OBLIGÉ DE CÉDER"
IBOU SANÉ, ENSEIGNANT EN SCIENCE POLITIQUE À UGB
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Qu'est-ce qui explique la frilosité de l’État face au meeting annoncé de l’opposition ?
L’État n'est pas frileux, car il détient un certain nombre de renseignements sur la vie de la Nation. Contrairement à ce que les gens pensent, l’État est redoutable et redouté. Donc si on s'inscrit dans cette logique, il va de soi que les rapports de forces sont en sa faveur. En démocratie, un pouvoir gouverne et une opposition s'oppose. Mais le propre de la démocratie est d'être sujet au contrôle et à la critique. L'opposition a le droit de critiquer et de manifester son mécontentement. Tout dépend de la forme, soit un sit-in soit une marche. Il appartient à l'Etat d'apprécier les voies et moyens à partir desquels les citoyens peuvent jouir de ce droit.
Quelles seraient les conséquences politiques d’une interdiction ?
Je ne souhaite pas qu'on arrive à une confrontation. Le propre de la démocratie, c'est le dialogue. Nous sommes dans un pays de droit et de libertés. Mais trop de liberté tue la liberté. Les Sénégalais semblent croire qu'ils ont une démocratie mûre, majeure, la meilleure sur terre. Non ! Il n’y a pas deux démocraties identiques dans le monde. Elle s'adosse toujours à certaines réalités culturelles. Nous avons l'arbre à palabres où on règle nos problèmes autour d'un consensus. Je pense que l'opposition ne doit pas bomber le torse, le pouvoir non plus. Il faut que les instances de médiation et de régulation interviennent pour calmer les ardeurs. Dans tous les cas, l'Etat sera obligé de céder.
Les gens du pouvoir ont toujours dénoncé les interdictions de marche du temps où ils étaient opposants. Pourquoi ce changement de posture ?
Je pense que l'on doit avoir une société civile forte. Malheureusement elle ne l'est pas assez car elle aurait pu jouer un rôle d'intermédiaire. Qui joue ce rôle aujourd'hui ? C'est Sidy Lamine Niasse qui s'impose en médiateur alors que ce n'est pas son rôle. Il appartient à la société civile et aux organisations de droits de l'Homme de tenir ce rôle. Certaines instances de régulation comme le pouvoir religieux font des irruptions, mais cette fois-ci, elles ne sont pas intervenues, à l'image de Abdoul Aziz Sy Dabakh en son temps.