LÉTHARGIE
Les Algériens vont aux urnes ce matin et qu’importe ce qu’ils auront décidé, le président sortant Abdel Aziz Bouteflika sera réélu sans surprise dès le premier tour pour un troisième mandat.
Les caciques du régime n’ont pas opéré une modification constitutionnelle sur mesure pour qu’il puisse briguer un autre mandat et le laisser perdre.
Son principal adversaire, Ali Benfils et les autres, savent mieux que quiconque que les conditions d’une alternance à la présidence sont loin d’être garanties et néanmoins, ils jouent le jeu et vont comme ils l’ont déjà entamé, crier à la fraude et finir par se ranger en attendant le prochain scrutin.
Sans doute qu’ils pensent aussi un jour accéder à la présidence et perpétuer le même système. Sinon comment comprendre que l’on puisse croire qu’à 77 ans et des ennuis de santé si chroniques que ses prises de parole soient un événement, le président Bouteflika puisse symboliser l’avenir pour les jeunes algériens nés après la lutte de libération pour l’indépendance, plus tournés vers un monde fédéré par l’internet qu’un passé devenu mythique.
L’Algérie a toujours été un enjeu parce que l’un des plus riches pays d’Afrique en ressources minières et énergétiques aux portes de l’Europe. Colonie de peuplement de la France, il a mené une douloureuse guerre de libération nationale (1954-1962) pour obtenir son indépendance et qui expliquerait, sans doute, que ses institutions soient assimilées, comme dans beaucoup de pays colonisés, aux héros de l’indépendance.
A la première crise politique avec le coup d’Etat de Houari Boumediene contre Ahmed Ben Bella (1965), a suivi une belle accalmie jusqu’aux troubles socio- politiques de 1988, conséquences des chocs pétroliers et qui mèneront à l’ouverture démocratique pour lâcher du lest.
Une brèche ouverte pour le Front islamique du salut (Fis) l’un des mouvements de masse les plus élaborés autour de la religion islamique qui recueille autour du social tous les laissés pour compte du système.
Le Front remporte le premier tour des élections (aux locales en 1990 et aux législatives en 1991) et face à la perspective du totalitarisme islamiste, l’armée met fin au processus et le président Chadli Bendjedid démissionne.
Il laisse le pouvoir à un haut conseil d’état sous la conduite de Mohamed Boudiaf, un autre chef historique du Front de libération nationale (Fln). Quelques mois à peine, ce dernier est assassiné (29 juin 1992) déclenchant une guerre civile qui a déchiré le pays une décennie durant.
La première élection pluraliste (16 novembre 1994), après cette décennie noire, se tient sous Liamine Zéroual qui remporte le vote avant qu’il ne démissionne aussi avant la fin de son mandat.
Abdel Aziz Bouteflika, sur incitation des militaires, se présente comme candidat libre aux élections anticipées et devient président. Il a été sans conteste l’homme de la stabilité et de la réconciliation pour avoir initié la concorde civile pour amnistier et intégrer les extrémistes islamistes.
Il est compréhensible que, face aux incertitudes du lendemain, les tenants du système puissent jouer la carte Bouteflika jusqu’au bout. C’est aussi parce que, plus d’un demi-siècle après les indépendances africaines, l’on continue encore à croire plus aux hommes qu’aux institutions que l’Algérie et sans doute demain un autre pays s’adonnera a cette flagrante gymnastique institutionnelle pour maintenir un homme, faute d’une alternative rassurante de continuité de l’Etat et de ses institutions.
On ne le répétera jamais assez, à la suite du président Barack Obama, que l’Afrique a plus besoin d’institutions solides que d’hommes solides et la leçon mérite d’être retenue pour libérer les talents et les vocations.