L’ÉCONOMIE DU MONDE EN 2014
REDÉMARRAGE DU TRAIN DE LA CROISSANCE
2013 vient de s'achever. Tous les économistes et analystes de la planète s'ingénient à faire des calculs pour déterminer les tendances qui vont caractériser 2014. Une année que l'on peut d'ores et déjà qualifier de prometteuse. Pour la première fois depuis le début de la crise financière, la croissance mondiale semble vraiment repartir. Cette fois-ci, le démarrage semble plus assuré. Le commerce mondial accélère depuis la fin de l’été, à la fois du côté des pays émergents et du côté des pays avancés. Tour d'horizon des principales perspectives économiques.
L’AFRIQUE : UN CONTINENT EN PLEIN ESSOR ÉCONOMIQUE
Le continent est toujours marqué par les stigmates de la pauvreté et de la vulnérabilité. Sa croissance doit être encore plus dynamique pour, d’une part, amorcer durablement un cercle vertueux permettant au continent de sortir du sous-développement et, d’autre part, transformer la structure de son économie. Malgré tout, la donne du contient évolue rapidement et radicalement au point de devenir un débouché et un partenaire incontournable pour les économies du Sud.
Les revenus médians des foyers africains ont progressé de 19% en 2011 et la classe moyenne africaine devrait croître de 25% d'ici à 2020, selon une étude du Crédit Suisse, qui précise que seules l'Inde et l'Amérique Latine, ont obtenu de meilleures performances au cours de la même période. Les raisons de cette évolution ont récemment été détaillées dans un rapport de la Banque Mondiale.
Selon cette étude, le décollage économique de l'Afrique s’explique par quatre facteurs principaux : premièrement, le continent est en train d'opérer sa transition démographique avec une population jeune, dont l'espérance de vie augmente. Deuxièmement, l'urbanisation en cours du continent est une des conditions, sur le long-terme, de l'industrialisation du continent. Troisièmement, l'accès aux nouvelles technologies explose en Afrique à un rythme beaucoup plus élevé qu'ailleurs (en dix ans, le continent est par exemple passé de 0,7% à 70% d'utilisateurs de téléphones portables). Quatrièmement, la gouvernance s'est significativement améliorée au cours des dernières années comme en atteste l'attrait grandissant des marchés financiers internationaux pour les dettes souveraines africaines.
Autant d'éléments qui indiquent que si l'Afrique continue sur cette voie, la plupart de ses pays seront à revenus moyens en 2030. Une réalité que les Occidentaux peinent à percevoir, mais dont les émergents saisissent toute la portée : la structure de l’économie de l'Afrique en 2013 ressemble beaucoup à celle de la Chine ou de l'Inde dans les années 1980 et 1990.
Ce n'est pas un hasard si les investissements directs étrangers à destination du continent ont augmenté de 50% depuis 2005 (notamment en provenance des Brics) et que la banque JP Morgan vient récemment d'intégrer les bons du Trésor nigérian dans son index des marchés émergents. Face à la morosité en Europe et aux États-Unis, les marchés ont confiance dans le décollage de l'Afrique !
Une réalité d'autant plus réelle que l'élévation du niveau de vie des Brics ouvre des possibilités immenses pour l'Afrique en matière de développement industriel. Pour que les Brics continuent de se développer, ils ont besoin de l'émergence de l'Afrique et de son milliard de consommateurs…
L'ASIE : LOCOMOTIVE DE LA CROISSANCE MONDIALE
C’est la zone qui offre les meilleures garanties de croissance économique. Depuis 20 ans, le continent qui abrite près de deux tiers de la population mondiale a entamé avec une extraordinaire vigueur son rattrapage économique. Des centaines de millions de personnes se sont libérées de la grande pauvreté et même s'il reste beaucoup à faire, l'Asie peut se vanter d'être encore pour cette nouvelle année le moteur de la croissance mondiale.
La Chine demeure incontestablement la locomotive d'une telle marche en avant que même la crise de 2008, qui se prolonge encore aujourd'hui, ne semble arrêter. Avec une croissance à deux chiffres pendant 30 ans, l'Empire du Milieu a fait pâlir d'envie des Européens et Américains à la traîne. Entre 2005 et 2010, la Chine seule a été le principal moteur de la croissance mondiale en y contribuant à hauteur de 50% ! Elle reste toujours un leader économique en ces temps de crise mais le géant a perdu de sa superbe depuis plusieurs semestres.
Le PIB a cru de seulement 7,7% pour 2013 et les projections du FMI pour 2014 ne sont guère brillantes, à peine 6,9%. Ce qui constitue un véritable drame pour un pays continent qui a besoin d'une croissance de 10% pour maintenir ses précaires équilibres sociaux.
Une inquiétude aussi pour ses partenaires commerciaux qui auront, par conséquent, moins de débouchés. Le Japon, son premier partenaire asiatique, pâtit de cette situation mais les maux rencontrés par les Nippons sont plus profonds et graves qu'une simple rétractation de la demande chinoise.
Pour relancer son économie par le biais du commerce extérieur, le pays du Soleil levant a opté pour une dévaluation drastique de sa monnaie. Avec 20% de baisse du yen en six mois, les produits japonais s'exportent plus facilement mais cette politique, pour le moment saluée par les Nippons, a une limite.
Le coût de plus en plus important des matières premières que le pays doit importer, le pétrole et le gaz, sont devenus mécaniquement plus chers du fait de la dépréciation de la devise japonaise. Cependant cette dévaluation monétaire sera une aubaine pour les exportations du pays face à une demande mondiale qui est en train de repartir.
Selon le FMI, l'Asie, premier débouché du Japon, devrait connaître une croissance de 5,7% en 2014 (un chiffre qui devrait être plus élevé selon le HSBC). Malgré une dette équivalent à 245% de son PIB. À côté, la Grèce fait pâle figure avec une "petite" dette représentant 157% du PIB... Les trois "flèches"- politique monétaire accommodante, dépenses publiques, promesses de réformes structurelles- pour soutenir l'économie, vont donner leur pleine efficacité. Et ce n’est pas un hasard si le 26 décembre, la bourse de Tokyo a enregistré sa plus forte hausse depuis 40 ans !
L’AMERIQUE CONFIRME SON RETABLISSEMENT
Les États-Unis font face au même défi de la dette. Avec 17 000 milliards de dollars de dette, même la planche à billet ne semble plus assez efficace pour assurer les arrières de l'Oncle Sam. Pour repasser au-dessous d'une dette inférieure à 100% du PIB, les États-Unis sortent l'arme ultime : un nouveau système de calcul de la croissance beaucoup plus avantageux. Autrement dit, on remplace un thermomètre qui indique de la fièvre par un autre moins sensible à la chaleur. Cette mascarade devrait donner sur le papier un bon bol d'air à l'économie américaine avec une croissance qui va mécaniquement augmenter de 2%. Il y a deux semaines, lors de sa conférence de presse d'adieu, l’ex-président de la banque centrale américaine, Ben Bernanke, annonçait la réduction par l’institution de ses achats d’actifs de 85 milliards de dollars à 75 milliards de dollars par mois. Cette décision, combinée à la promesse de la Fed de maintenir des taux bas le plus longtemps, a fait réagir positivement les marchés.
Malgré tout, les analystes postulent pour une perspective plus solide pour 2014. Ce qui a d’ailleurs amené le FMI à relever sa prévision de croissance à la hausse. Cet optimisme s’explique par les bons chiffres de l’économie américaine, avec notamment les dernières statistiques sur le chômage (qui est descendu sous la barre des 7%, au plus bas depuis 5 ans) et les bons signes en provenance du congrès et de la Banque centrale.
EUROPE : DES SIGNES D’AMÉLIORATION
La zone euro est toujours le maillon faible des pays riches. Le chômage reste dangereusement élevé, en particulier en France (10,9%) et en Italie (12.5%), et l'activité continue de décevoir. Mais l'Espagne et l'Irlande, deux des pays les plus touchés par la crise, se redressent. Ils ont une montagne de dettes à rembourser, mais au moins elles ont commencé de rétrécir.
Plus au Sud, les pays ont rétabli, grâce à des coupes budgétaires drastiques, leurs comptes courants et semblent enfin sortir de leur longue récession, y compris la Grèce, le mauvais élève à l’origine de la crise, qui compte revenir sur les marchés obligataires dès 2014. Si le pays parvient à rendre excédentaire son budgétaire primaire (hors service de la dette) et s’il renoue avec la croissance.
Le projet d'union bancaire conclut il y a une semaine, avec le compromis sur le dispositif de gestion des faillites de banque, combiné à l’annonce de la Banque centrale européenne, qui a réaffirmé son option pour des taux d'intérêt bas, permettront au vieux continent de reprendre son souffle.
Mais le grand défi pour le bloc des pays de l’euro est de faire le ménage dans leur système bancaire. C'est ce qui fait peser les plus grandes menaces sur les finances et l'économie mondiales.
(*) Alioune Badara SY, Délégué Thématique au Club de l’Economie Numérique est Ingénieur Expert en économie industrielle et Spécialiste des PME/PMI en Afrique. Il a notamment participé au projet de la Banque Mondiale «Promouvoir des Pôles de Compétitivité en Afrique».