L’ACTEUR WADE
Mettre le pays sens dessus dessous serait une victoire pour Wade. Mais le Minotaure ne doit pas remonter à la surface, de peur de réveiller des soupçons. Le prince doit alors faire croire au peuple qu’il se bat pour son bien
Comme au cinéma, dans un film hollywoodien ! L’acteur force le barrage et lève les bras en signe de victoire. Il ne manquait que les coups de pistolet du héros tirant à tout-va sur «l’ennemi». Me Wade, ancien président de la République a enfilé, samedi dernier, les habits d’acteur hollywoodien, défiant ainsi, les forces de l’ordre. Un véritable coup d’éclat, mais qui annonce sa volonté d’engager le bras de fer avec le régime de Macky Sall qui, jusque-là, a résisté à toutes les tentatives d’intimidation du «pape» du Sopi. S’il en doutait, maintenant l’ancien Président est convaincu que la justice sénégalaise ira jusqu’au bout dans le procès intenté contre son fils. Le temps semble jouer contre ce dernier et la fouille archéologique risque de révéler une mine d’or sous le sable. Donc, il faut faire vite, brouiller davantage les pistes en engageant l’épreuve de force pour obtenir la libération de Karim Wade.
Mais tout cela doit rester sous le masque. Le jeu alors consiste, pour Wade, à faire croire qu’il est investi de la confiance populaire et par conséquent, tout acte qu’il posera aura la caution du peuple. N’est-ce pas lui-même qui dit : « J’ai agi de la sorte parce que d’abord, je suis sénégalais. Je suis en plus investi de la confiance populaire pour avoir été un bon président de mon peuple. Quand je suis arrivé au Sénégal, trois millions d’individus ont attendu des heures pour me recevoir, puis cinq millions m’ont accueilli à Touba. C’est alors que j’ai décodé le message du peuple, et je croyais que Macky Sall, à son tour, le décoderait… » ?
Le « bon Président » n’a jamais pardonné à son peuple sa cuisante défaite de mars 2012. Ce qui s’est passé samedi dernier prouve qu’il n’a pas encore dit son dernier mot. Et si le « pape » du sopi était en train de mijoter sa revanche contre un peuple «ingrat » qui a osé se séparer d’un «bon Président» ? Mettre le pays sens dessus dessous serait alors une belle victoire. Mais le Minotaure ne doit pas remonter à la surface, de peur de réveiller des soupçons. Le prince doit alors faire croire au peuple qu’il se bat pour son bien. C’est ainsi qu’il s’érige en défenseur des «militants qui ont décidé de transgresser la décision d’interdiction de leur meeting».
Cela se comprend aisément pour quelqu’un qui a « institué dans la Constitution du Sénégal le droit de meeting, de réunion, de marche». Ce que Me Wade « oubli»… par omission volontaire, ce sont les nombreuses marches qu’il a interdites par la suite, invoquant les troubles à l’ordre public. Mais ce n’est pas une raison pour le régime de Macky Sall d’emprunter la même voie. L’Etat qui a la force publique doit plutôt chercher à encadrer ces manifestations qui constituent un droit fondamental pour tous les citoyens.
Mais Me Wade a décidé de «forcer» son successeur au dialogue. «Je ne refuse pas de dialoguer avec Macky Sall. Mais s’il refuse de dialoguer, je vais lui forcer la main, quitte à ce que je perde la vie ». Contradiction dans les termes. Le « pape » du sopi est nostalgique, puisque c’est lui qui prend l’initiative du dialogue et établit le calendrier, avec des menaces. Me Wade n’a pas encore réalisé qu’il a perdu le pouvoir et a du mal à accepter que son «élève» devienne son «maître».
D’où le ton irrévérencieux utilisé lorsqu’il parle de l’institution qu’est le chef de l’Etat : « je vais remettre Macky à sa place », lance-t-il aux journalistes. Il n’a pas non plus pardonné à Macky Sall sa « sourde oreille » face aux multiples appels de certaines personnalités en faveur de la libération de son fils Karim Wade : «Le Président Ouattara lui a dit plusieurs fois de libérer Karim Wade, de même que le président Sassou Nguesso et le président Ali Bongo du Gabon, mais il ne fait que promettre, des promesses qu’il ne tient jamais. Le Khalife Serigne Sidy Moctar Mbacké a déclaré que Karim est son fils et son disciple, mais Macky Sall fait la sourde oreille. Au lieu de donner suite à la demande du Khalife général, Macky Sall lui a manqué de respect quelques jours plus tard en des termes irrespectueux, en disant que personne ne peut faire pression sur moi. Il ne fait que manquer de respect aux chefs religieux, mais je le jure au nom de Dieu, je vais le remettre à sa place», déclare le «pape» du Sopi.
Alors, ceux qui en doutaient encore doivent, à partir de cette déclaration, se faire désormais une religion sur les vraies intensions de Me Wade qui est moins préoccupé par la misère du peuple. Ce qui l’intéresse, c’est la libération de son fils.