L’Afrique bat les records de décès sur la route
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D’après un rapport de l’Oms publié en mars 2013, le continent africain -qui ne possède que 2% du parc automobile mondial- détient le record de la mortalité avec 16% de morts sur la route dans le monde. Au Sénégal, les piétons représentent le tiers des tués sur la route. La deuxième Semaine mondiale des Nations Unies pour la sécurité routière (6 au 12 mai 2013), a été une nouvelle occasion pour attirer l’attention des populations et des autorités sur la question des piétons.
23 morts et 25 blessés ! C’est sans doute l’accident le plus grave survenu au Sénégal, ces dernières années. Le 07 août 2012 dans la matinée, sur la Nationale 1, à cinq kilomètres de Kaffrine en allant vers Tambacounda, survenait le malheureux incident. Après une collision entre un bus et un camion, 23 personnes ont trouvé la mort sur le coup et 25 autres se sont retrouvées avec des blessures graves pour la plupart. Tragique ! Le lendemain, le président de la République, Macky Sall, donne des instructions très fermes aux services de l’Etat chargés de la circulation routière et invite une énième fois, « à un respect plus strict des règles de circulation routière, afin d’éviter des drames de ce genre et les pertes de vies humaines ». N’empêche, le 31 décembre de la même année, à l’occasion du Magal de Touba, 19 personnes ont perdu la vie dans un autre accident.
Sur les routes de Dakar et de l’intérieur du pays, les accidents ont causé quelque 300 décès et fait près de 2000 blessés en 2012. Indiscipline, irresponsabilité, inconscience, précipitation, course contre la montre dans le cas des transports en commun… jouent très souvent de mauvais tours aux chauffards sénégalais. Arriver à destination par tous les moyens, même si les règles basiques du code de la route doivent en pâtir, « sacrifie » de façon continue des vies humaines. Les récentes statistiques publiées par la Direction Nationale des Transports Terrestres traduisent pourtant une relative amélioration. Si cette régression est à encourager, elle est cependant à relativiser. « Au Sénégal, les piétons représentent le tiers des tués sur la route. C’est effarant ! », peste Matar Faye, directeur exécutif de la Nouvelle prévention routière du Sénégal (Nprs).
Le Sénégal est bien loin de faire exception dans le domaine de l’insécurité routière, qui demeure un problème récurrent au niveau des autres pays africains. Le rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (Oms) décrit d’ailleurs un tableau très sombre, voire ensanglanté, de nos routes africaines. « Toutes les heures, 26 personnes meurent en Afrique des suites d’un accident de la circulation ». C’est un des constats du rapport sur la sécurité routière dans le monde, que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié le 14 mars 2013.
L’Afrique y tient en effet une place prépondérante, avec le taux de mortalité routière le plus important au monde, soit 24,1 personnes tuées pour 100 000 habitants. Le continent détient ainsi le triste record du nombre de morts dans des accidents de la circulation. « L’Afrique a un taux de morts sur les routes quasiment deux fois et demi plus élevé qu’en Europe », font remarquer les responsables de l’OMS. En 2011 par exemple, l’Algérie était classée au 4e rang mondial des accidents de la circulation. La même année, 1 485 Tunisiens périssaient sur les routes. En Égypte, près de 5 983 personnes ont ainsi perdu la vie en 2010. « Les pays à revenu intermédiaire enregistrent chaque année le taux de mortalité par accidents de la route, le plus élevé au monde, soit 20,1 pour 100 000 habitants, comparé à 8,7 dans les pays à revenu élevé et à 18,3 dans les pays à revenu faible », ajoute le rapport.
Des faubourgs de Kinshasa aux rues de Dakar, en passant par les routes nationales de nombreux pays, les effets sont divers mais ont la même cause : « le manque d’action politique en matière d’infrastructures et de prévention ». Si partout le mauvais état des infrastructures, la vétusté et les dysfonctionnements des véhicules sont jugés responsables, dans bien des cas la cause principale des accidents reste trop souvent « le mauvais comportement des chauffards sur la route ». Refus de mettre la ceinture de sécurité, téléphone au volant et non-respect de la signalisation, des interdictions de dépasser et autres limitations de vitesse ; nombre de conducteurs ne respectent pas le code de la route ou alors ils méprisent tout simplement la règle de droit. La route sénégalaise, point de jonction d’une importante partie de la population, semble ainsi échapper aux normes et codes en vigueur. Conséquence : la sécurité des usagers vulnérables (piétons, cyclistes, conducteurs de deux-roues) est particulièrement négligée.
Les piétons laissés pour compte
Sur le total des décès par accidents de la route, 27 % concernent des piétons et des cyclistes. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, ce pourcentage avoisine plutôt le tiers du total des décès, et dans certains pays il dépasse les 75 %. « La question du piéton est d’actualité, en urbanisme, avec les trottoirs qui sont souvent objet de conflit d’usage avec les autres modes de transport. Les espaces piétons sont maintenant occupés par les véhicules, les marchands ambulants et les mendiants. Du coup, le piéton se retrouve sur la chaussée et cela ne le protège pas », regrette M. Faye, le directeur de la Nouvelle prévention routière du Sénégal. Pour ce dernier, « il est aujourd’hui important de sensibiliser les piétons par rapport aux risques encourus. Mais aussi de revenir sur les devoirs et les droits du piéton, qui ne sont pas très pris au sérieux. Il faut saluer l’initiative de l’Onu avec la Décennie d’action en faveur de la sécurité routière (2011-2020 ndlr) et cela devrait faire réfléchir nos autorités et surtout les collectivités locales, afin que des mesures soient prises pour protéger les piétons. Il faut que le piéton retrouve toute sa place dans le dispositif des infrastructures et les politiques de sécurité routière ».
Organisée autour du thème : « la sécurité des personnes vulnérables piétons et deux roues », la semaine mondiale de la sécurité routière a été une occasion de plus pour sensibiliser les populations et les autorités. « La sensibilisation est faite en matière de circulation routière concernant les excès de vitesse, l’alcool au volant, entre autres. Nous ferons aussi respecter davantage les lois sur la circulation et contribuerons à apporter des améliorations rapides aux infrastructures routières, avec l’aide des acteurs en charge du secteur », a indiqué Awa Sarr, la présidente de l’ONG Laser. Qui sollicite, par ailleurs, que le plaidoyer se poursuive et que des programmes soient élaborés en partenariat avec le Gouvernement, après cette semaine mondiale. Le représentant du ministre a aussi annoncé des mesures pour faire respecter, d’une manière ou d’une autre, les initiatives en matière de sécurité routière.
Sécuriser les routes
Il faut cependant dire que les campagnes de sensibilisation, le renforcement des contrôles et le durcissement des législations, semblent aller au ralenti. Sept mois après son ouverture en juin 2012, le Centre de contrôle technique faisait état de 73 000 véhicules inspectés, parmi lesquels : 9 389 présentent des défauts de frein, 7 172 des problèmes de direction et 5 408 des défauts d’éclairage. Le danger est encore là ! Certes, cela constitue un outil de dissuasion pour aider à diminuer les accidents. Mais, il apparaît que les conducteurs apprennent rapidement à composer avec les nouvelles règles, pour mieux les transgresser.
Pour « inverser la tendance à la hausse » des accidents, les chercheurs de l’OMS insistent aujourd’hui sur les efforts que doivent fournir les gouvernements. Les conclusions du rapport de l’Oms sont en effet une mise en garde forte aux gouvernements, pour qu’ils comprennent à quel point il est important qu’ils se penchent sur la question des usagers de la route non motorisés. Il s’agit pour l’Oms, d’exhorter les gouvernements -africains en particulier- à œuvrer efficacement pour la sécurisation des routes. Car, si le continent ne possède que 2% du parc automobile mondial, il recense pourtant, en effet, 16% des morts sur la route dans le monde.
Au Sénégal, par exemple, entre 2002 et 2011 ; soit sur une période de dix ans, 3177 personnes (dont 1205 piétons) ont été arrachées à l’affection de leurs parents, proches et amis dans des accidents de la route au Sénégal. 49747 autres s’en sont sortis avec des blessures, dont 21274 graves.