L’APNAC/SÉNÉGAL DÉROULE SA PROPOSITION
DÉCLARATION DE PATRIMOINE
Réseau des parlementaires africains contre la corruption, la section APNAC/Sénégal dirigée par le député Imam Mbaye Niang est sur le point de déposer à l'Assemblée nationale une proposition de loi relative aux modalités et à l'encadrement de la déclaration de patrimoine dans notre pays. Un texte qui, sur plusieurs points, diverge d'avec le projet de loi que le gouvernement entend soumettre, lui aussi, à la représentation nationale.
La différence entre les deux textes est remarquée dès la définition des termes. Le projet de loi du gouvernement revient sur les principes de transparence, d’intégrité et de responsabilité et sur le code de transparence qui prévoit l’adoption d’une loi sur la déclaration de patrimoine de tout détenteur d’autorité publique. La proposition de loi du réseau des parlementaires africains contre la corruption (APNAC), elle, revient non seulement sur les principes fondamentaux sus-énoncés, mais met l’accent sur la nécessité de prévenir les risques d’enrichissement illicite.
Par rapport à la déclaration à l’entrée et à la sortie de fonction, le gouvernement et le réseau APNAC s’entendent sur le principe. Seulement, le point d’achoppement reste dans les délais. Si le projet de loi du gouvernement donne 3 mois à l’assujetti pour qu’il déclare sa situation patrimoniale, la proposition de loi du réseau APNAC, elle, propose 1 seul mois. Un délai qui est jugé raisonnable si l’on sait qu’en Afrique, plusieurs tenants du pouvoir sont passés maîtres dans l’art de tripatouiller les textes, pourvu qu’ils aient juste du temps devant eux.
Sur le fonctionnement de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), organe chargé de recevoir les déclarations, il est souhaité le renforcement de ses moyens organisationnels et humains. Ce, à travers la création d'antennes dans les régions pour faciliter la collecte des informations. Les deux textes s’entendent sur des sanctions suite au défaut et à la fausse déclaration, la déclaration incomplète ou inexacte. Mais l’APNAC semble aller plus loin en prenant le soin de qualifier la nature de l’infraction comme un délit de faux et usage de faux.
La confidentialité des informations est prévue aussi bien par le projet du gouvernement que par la proposition de loi du réseau APNAC. La différence à noter à ce niveau, c’est que la proposition de loi du réseau APNAC n’opère pas de renvoi au code pénal, définissant elle-même les sanctions de sa violation. Aussi, la proposition de loi qualifie la variation injustifiée du patrimoine en délit d’enrichissement illicite, ce qui n’est pas le cas pour le projet de loi du gouvernement.
La forme écrite de la déclaration de patrimoine est prévue aussi bien pour le projet de loi du gouvernement que dans la proposition de loi du réseau APNAC. Celui-ci prévoit qu’un formulaire de déclaration soit préparé à l’attention de l'assujetti et qu’il soit disponible au niveau de l’OFNAC. Par rapport au contenu de la déclaration de patrimoine, APNAC dit constater que le projet de loi du gouvernement n’est pas complet car l’article 380 du code de la famille, cité dans la présente loi, traite de la séparation des intérêts des époux.
Il faudrait cependant songer à citer par la même occasion l’article 390 du CODE de la famille qui traite des biens réputés indivis lorsque l’agent public est sous le régime de la communauté des biens. L’assujetti doit également préciser son statut matrimonial qui impacte sur l’évolution de son patrimoine (régime de la communauté des biens). Toute modification du patrimoine doit être déclarée pour faciliter la mise à jour des informations.
Du choix des agents publics assujettis à la loi
Une lecture du projet de loi du gouvernement laisse paraître qu’il ne prévoit que le président de l’Assemblée nationale et le questeur pour faire une déclaration de patrimoine. Le réseau APNAC, outre ces deux personnalités, élargit la mesure aux présidents des groupes parlementaires et aux membres du bureau. A ce niveau, APNAC souligne que la liste des personnes assujetties telles que énoncées dans le projet de loi du gouvernement ne traduit pas l’idée soutenue par l’article 7.1 du code de transparence sur l’intégrité des acteurs. L’article en question dispose : ''Tous les détenteurs de toute autorité publique, élus ou hauts fonctionnaires, font une déclaration de leur patrimoine en début et en fin de mandat ou de fonction''.
Outre les personnes gérant des deniers publics qui doivent nécessairement faire une déclaration de patrimoine, la proposition de loi du réseau APNAC s’étend à bien d’autres figures. Il s’agit de tout autre agent dépositaire de pouvoir exorbitant, à l’exemple des chefs de Cours, présidents et procureurs, les membres du Conseil constitutionnel, ceux de la Cour des comptes, les greffiers en chef, chefs de partis et groupements politiques, candidats à l’élection présidentielle, têtes de liste des partis ou coalitions de politiques aux élections législatives.
Si le projet de loi s’étend à tous les administrateurs de crédit, les ordonnateurs de recettes et dépenses, effectuant des opérations portant sur un total annuel supérieur ou égal à un milliard (1 000 000 000) de francs CFA, la proposition de loi de l’APNAC va en profondeur. Elle l’étend aux autorités des Collectivités territoriales, notamment les préfets, les gouverneurs, les maires et les présidents des conseils régionaux et des conseils ruraux ; les caissiers payeurs de l’administration communale ainsi que leurs adjoints.
Sont également concernés les dirigeants d’organismes privés bénéficiant d’un appui financier substantiel de l’État pour leurs programmes. C’est le cas des dirigeants de programmes de développement infrastructurel de plusieurs dizaines de milliards alloués à des villes religieuses ; les dirigeants de fédérations sportives dont les activités, sur le plan international, sont totalement prises en charge par l’État. Également les ambassadeurs, les représentants permanents de l’État auprès des organisations internationales et les consuls généraux.
Seuil minimal de 1 milliard
Donner un seuil minimal de 1 milliard CFA dans une politique de déclaration de patrimoine en termes de gestion des ressources financières pour un agent public n’a aucun intérêt, de l’avis de l’avis des membres de l’APNAC. Ils estiment que cela ''pourrait laisser penser qu’il y a un niveau minimal pour lequel la corruption serait tolérable''. C’est également une ''option dangereuse pour une économie aussi peu performante que celui du Sénégal''.
Selon les parlementaires d'APNAC, le budget des départements ministériels pour une bonne partie est constitué de 70% de salaires des agents publics, et qu’une partie très insuffisante du budget, voire 30%, est affectée au fonctionnement. Dès lors, le constat ''laisse penser que le plafonnement du seuil d’allocation du budget de fonctionnement des départements ministériels a un minimum à définir, risque d’affaiblir la loi''.
“4 axes pour améliorer le projet du gouvernement”
Partant du constat que les projets de loi passent comme lettre à la poste une fois à l’Assemblée, il est important que celui du gouvernement sur la déclaration de patrimoine soit revu pour plus de transparence. Ainsi, APNAC propose des correctifs sur quatre axes majeurs. Il s’agit de faire en sorte que le projet de loi prévoie une disposition finale où l’Office national contre la fraude et la corruption (OFNAC), que dirige Nafi Ngom Ndour, devra apporter son concours au Conseil constitutionnel lors de la déclaration de patrimoine du président de la République sortant.
Ensuite, le projet de loi doit procéder à une définition des concepts clés de la loi. Puis, élargir la liste des autorités assujetties pour déclarer leur patrimoine à tous les détenteurs de toute autorité publique, élus ou hauts fonctionnaires. Il s’agira enfin de citer l’article 390 du code de la famille qui traite des biens réputés indivis lorsque l’agent public est sous le régime de la communauté des biens. D’autant que l’article 380 cité dans le projet de loi du gouvernement, traite de la séparation des intérêts des époux.
“De l’utilité de la déclaration de patrimoine”
La déclaration de patrimoine est d’une importance capitale dans toute gouvernance vertueuse. Ce qui implique, note APNAC/Sénégal, que l’exercice du pouvoir public soit encadré par des règles rigoureuses de transparence auxquelles les agents publics doivent se soumettre. Figurant en bonne place parmi ces règles, la déclaration de patrimoine permet non seulement, d’assurer la transparence dans la conduite des affaires publiques telle que prévue dans la constitution du Sénégal du 22 janvier 2001, mais aussi d’éviter la patrimonialisation du pouvoir et de prévenir les conflits d’intérêts et toute forme d’enrichissement illicite. Voila pourquoi elle doit être encadrée pour son efficacité.
''Autant la fausse déclaration et la déclaration inexacte ou incomplète doivent être sanctionnées, autant le défaut de déclaration doit l’être aussi, sinon cet instrument serait inefficace'', souligne le Réseau. Qui poursuit pour dire que l’exercice de la déclaration de patrimoine ne doit nullement exposer les personnes assujetties ou leurs biens. C’est pourquoi la confidentialité des informations liées aux déclarations doit être garantie et sa violation sanctionnée.
Ainsi, ''la mise en œuvre de la déclaration de patrimoine a comme principal objectif, de prévenir les risques d’enrichissement illicite’’. Raison pour laquelle, APNAC Sénégal estime qu’elle ne doit concerner que ''les agents publics qui, de par les postes qu’ils occupent, de par l'influence qu’ils exercent ou de par les liens qu’ils ont avec d’autres agents publics, se trouvent dans des possibilités d’enrichissement illicite''.