L’ENGAGEMENT AU BOUT DU MICRO
WOZ KALY SÉDUIT LES FESTIVALIERS
L’artiste sénégalais Woz Kaly a marqué de son empreinte la deuxième journée du Festival international de jazz de Saint-Louis. Lors de son passage sur scène, il a fait étalage de tous ses talents de grand musicien, mais aussi d’artiste engagé. Pour ce come-back à Saint-Louis, il s’est servi de son micro et de sa musique pour dénoncer entre autres l’émigration clandestine, les violences faites aux femmes à travers notamment l’excision et surtout l’absence de liberté et de démocratie dans des pays comme la Gambie. Non sans manquer de tresser des lauriers aux dirigeants sénégalais pour leur apport au triomphe de la démocratie.
Chaud, très chaud d’ailleurs, le chanteur sénégalais Woz Kaly l’a été dans la nuit du jeudi à vendredi sur la scène du 23ème Festival international de jazz de Saint-Louis. L’artiste, originaire de la ville de Ross Béthio située à quelques kilomètres de la vieille ville, a surpris son monde par le contenu de ses chansons, mais surtout par ses messages pleins d’engagement.
Attendu par le nombreux public venu certainement pour savourer sa belle musique et les mélodies langoureuses de sa voix suave qui par moment rappelle à bien des égards les moments qu’il a passés au Touré Kounda, le chanteur s’est également fait remarquer par ses prises de position sur un bon nombre de sujets d’actualité.
Dans un style qui lui est propre, Kaly, venu timidement sur scène, commence par chanter la paix. Il évoque la Casamance et les souffrances vécues par les populations avant de dire son espoir de voir cette partie de notre pays devenir un havre de paix.
Le musicien aborde aussi la question de l’émigration avec ces milliers de jeunes Africains trompés par de passeurs véreux, des marchands d’illusions qui leur promettent le paradis avant de les entraîner dans les eaux tumultueuses et rebelles de la mer. Mais il ne se limite pas seulement à dénoncer le phénomène, il invite également le public à méditer sur les causes de cette ruée vers les terres occidentales. «Tout phénomène a une cause», lance-t-il.
Enchaînant les morceaux, il évoque entre autres Ross Béthio la terre de ses ancêtres, une ville dont il est originaire de son côté maternel et où il dit avoir passé quinze bonnes années de sa vie. Les femmes et les enfants n’ont pas été en reste. Woz Kaly, dans un style mélancolique comme pour allier l’utile et l’agréable, capte et emporte son public par sa voix mélodieuse, mais en profite également pour rendre hommage à toutes les femmes du Walo et à travers elles, toutes les Sénégalaises.
Il dénonce subtilement mais énergiquement les multiples violences et agressions exercées sur les femmes. «Cette chanson, dit-il, je la dédie à toutes les femmes kidnappées, agressées, violées.» Dans la même lancée, l’artiste dénonce le phénomène de l’excision.
Il s’insurge contre les mutilations faites aux femmes et pointe un doigt accusateur sur les pères de famille qui laissent prospérer cette pratique ignoble. «Mon père, comment as-tu laissé faire cela ?», s’interroge-t-il avant d’inviter les femmes à porter également le combat qui, lâche-t-il, continue.
L’hommage au ''chantre de la Sénégambie''
Durant ce spectacle, le moment qui a certainement capté le plus les attentions a été l’instant choisi par Woz Kaly pour chanter le célèbre choriste Lallo Kéba Dramé, à qui il a rendu un hommage pathétique et bien mérité. «Ta voix a fait danser plus d’un, tu es le chantre de la Sénégambie», lui a-t-il dit. Profitant de cette brèche, Woz Kaly dénonce avec la dernière énergie la situation vécue actuellement par le Peuple gambien.
«Le Sénégal et la Gambie sont un seul et même Peuple. Nous partageons les mêmes souffrances», fait-il remarquer avant d’ajouter comme pour mettre en garde le Président Jammeh que «seul le pouvoir de Dieu ne tombe pas». Dans ce même élan, il confond à ces mises en garde les artistes et tous ceux qui profitent des largesses de ce pouvoir.
A ces derniers, l’auteur de Laawan (Album international) conseille : «Il faut éviter parce qu’on est artiste ou autre chose de faire des choses parce qu’il y a de l’argent, l’argent part, mais les mots restent.» Aussi, invite-t-il ses paires à changer de fusil d’épaule.
Woz Kaly qui dit ne pas vouloir s’ériger en donneur de leçons a toutefois assumé son statut d’artiste engagé. «L’artiste, lance-t-il, est là pour défendre les autres. Quand tu es artiste, tu es le porte-parole des autres. Quand on voit des choses qui se passent ailleurs, on n’a pas le droit de ne pas les dénoncer, je suis un chanteur, un artiste et j’ai des mots.»
Convaincu qu’au-delà de la Gambie tous les régimes totalitaires d’Afrique doivent aussi se regarder dans la glace, Woz Kaly n’a pas manqué de saluer l’exception sénégalaise en matière de démocratie avant de rendre un vibrant hommage aux différents Présidents qui se sont succédé à la tête de l’Etat et grâce à qui les Sénégalais sont devenus, selon lui, les hommes les plus libres de la planète.