L’ENVOI DES JAMBAARS AU YÉMEN : UNE DÉCISION COURAGEUSE À SALUER
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La décision du Président Macky Sall d’envoyer nos braves soldats au Yémen est celle que nous attendions d’un Président né après les indépendances : fracasser la ligne Maginot mentale qui confinerait notre Armée dans les seuls rôles de maintien de la paix et de protection du territoire national.
Les missions de notre Armée doivent être adaptées aux changements intervenus dans la nature des guerres contemporaines. L’ennemi n’est plus de l’autre côté d’une frontière physique, il peut être partout, parmi nous et/ou en dehors.
La naïveté qui consiste à croire que nous serions épargnés si nous nous recroquevillions à l’intérieur de nos frontières est une vue de l’esprit. L’hydre terroriste ne reconnaît aucune frontière, elle est simplement à l’affût d’opportunités même si elle affectionne particulièrement les situations chaotiques et d’implosion.
Pour mieux se prémunir contre ce nouvel ennemi, il faut oser aller à sa rencontre pour s’aguerrir à son contact, l’affronter sur son terrain de prédilection, s’informer sur ses modes opératoires, l’acculer et le faire douter. C’est ce qu’a brillamment réussi le Président Idriss Déby Itno au Mali et contre Boko Haram, dont l’Armée constitue une référence dans la lutte contre le terrorisme en Afrique.
Au-delà de l’écume d’une guerre civile entre Sunnites et Houthis, de lutte d’influence régionale entre l’Arabie Saudite et l’Iran, de lutte de pouvoir entre Hadi et certaines franges de son Armée restées fidèles à Saleh, il faudrait plutôt redouter une reproduction, dans des termes quelque peu différents, du cas Daesh en Syrie avec une possible résurgence d’Al Qaida dans la péninsule arabique : une des organisations terroristes les plus violentes au monde.
Il n’est d’ailleurs pas à exclure que les deux fassent jonction en cas d’implosion avérée du Yémen. La crainte est d’autant plus fondée qu’Al Qaida dans la péninsule arabique semble plutôt faire profil bas, attendant certainement son heure.
L’intérêt pour le Sénégal dans cette opération est multiple. D’abord, il s’agit de montrer, sans équivoque, notre attachement à la protection des lieux saints de l’islam -que sont la Mecque et Médineet qui, fort heureusement, s’inscrit dans une relation particulièrement féconde avec le royaume d’Arabie Saudite.
Ensuite, les guerres de demain risqueront, pour la plupart d’entre elles, d’être menées sur le terrain de la lutte contre le terrorisme et notre pays a un urgent besoin de se construire une dissuasion reconnue face à ce fléau. Notre Armée doit se professionnaliser pour développer une expertise et un savoir-faire dans ce domaine ; expertise que l’on pourrait même exporter de manière à contribuer de façon substantielle à résorber le chômage dans notre pays.
Au moins pour une fois, le gap entre les Armées du Nord et celles du Sud dans la lutte contre le terrorisme n’est pas si énorme, comparé à la grande disparité qui les caractérise dans le contexte d’une guerre conventionnelle.
Pour l’heure, le Sénégal n’est pas encore un pays pétrolier ou gazier. Et nous ne sommes plus tellement une exception africaine en termes de stabilité et d’alternance démocratique. Par conséquent, il est temps que notre pays s’invente une nouvelle spécialité qui pourrait prendre corps, par exemple, dans la lutte contre le terrorisme. Il y a une nouvelle industrie en gestation : celle de la lutte contre le terrorisme. En effet, la lutte contre ce fléau est devenue un des défis majeurs de notre époque.
Cette question a fini par s’imposer comme objectif prioritaire d’une frange majoritaire de la communauté mondiale qui aspire à vivre dans la paix et en sécurité. En augmentant considérablement les effectifs de son Armée, et en la formant à cette fin, le Sénégal pourra tirer des gains substantiels de cette nouvelle structure de possibilités.
Une Armée qui traque les terroristes hors de ses frontières dissuade, par le fait même, ces derniers à s’aventurer sur son propre sol. C’est pourquoi, le Tchad de Idriss Déby Itno et de son Armée ne seront jamais une cour de récréation pour terroristes. Les risques pour un tel pays se limitent à des actions solitaires qui, de toute façon, existent, à des degrés divers, pour tous les pays du monde.
Par ailleurs, les avantages tirés de notre démocratie ne seront pas éternels. Les lames de fond portées aujourd’hui par les mouvements sociaux en Afrique noire prédisent de beaux jours à la démocratie sur ce continent. Quand tout le monde aura sa stabilité et sa démocratie, notre pays se devra d’inventer un nouvel ancrage dans la construction d’un autre avantage stratégique.
Enfin, un Sénégal pourvoyeur de sécurité ne peut être que super attractif aux yeux des investisseurs privés internationaux, ce qui en soi constituerait une aubaine pour le Plan Sénégal émergent (Pse). Des bonus pourraient aussi être attendus de la communauté internationale pour l’appuyer dans ce nouveau rôle.
En conclusion, le Président Macky Sall doit nous habituer plus souvent à prendre des risques de cette nature, notamment au plan économique. Le Plan Sénégal émergent (Pse), qui est globalement un bon plan, gagnerait à être mieux vendu aux populations, de manière à susciter une certaine ferveur et à mieux l’étoffer, dans son opérationnalisation, par un «Team of rivals» version sénégalaise, afin de lui imprimer une touche transversale de la société sénégalaise et lui donner une forme de garantie à sa pérennité.
A cet égard, son ami le Président américain Barack Obama pourrait lui être d’un grand apport, lui qui parvient à faire travailler efficacement ensemble des diplômés de Harvard, de Princeton, de Yale, etc. connus pour leur ego généralement surdimensionné.