''L’ETAT DOIT FORMALISER LE STATUT SPÉCIAL DE TOUBA''
SERIGNE ABO MBAYE SALL DE DAROU MOUKHTI
Expert comptable de son état, Serigne Abo Mbaye Sall est un éminent membre de la famille Mbacké de Darou Moukhti. Il fait également partie de la commission culturelle du grand Magal de Toubal. Il estime que la polémique sur la liste électorale de Touba est un problème qui mérite une réflexion dans un esprit à la fois républicain et patriotique. Sur la même ligne, il relève que Touba est une ville religieuse qui a ses spécificités
Serigne Abo Sall avoue que la liste déposée par le Khalife général des mourides, en vue des locales de juin, a suscité beaucoup de commentaires du fait du nom respect de la parité. «Il est vrai que ce problème mérite une réflexion dans un esprit à la fois républicain et patriotique. Touba est une ville religieuse qui a ses spécificités sur beaucoup de points», estime Serigne Abo Sall.
Il cite le poids économique et démographique que représente la cité religieuse, la genèse de la fondation de Touba et aujourd’hui la réalité actuelle de sa gouvernance.
Pour Serigne A. Sall, il y a une spécificité que les gouvernants, de Senghor jusqu’à Macky Sall, ont trouvé une ville où le Khalife général confectionne la liste pour les élections. «C’est une ville au Sénégal où n’existe ni débit de boisson alcoolisée et ni usage du tabac», a souligné Serigne Abo Sall, insistant sur la dimension religieuse de Touba.
Il déclare que tous ceux qui s’agitent autour de cette question devraient savoir qu’il s’agit de l’intérêt de l’Etat de tenir compte de cette spécificité, pour formaliser le statut spécial.
Le guide religieux juge que ce statut se manifesterait par le fait que Touba puisse avoir des ressources extra budgétaires pour financer son développement et ses revenus. Sall suggère que ces revenus pouvant être une taxe appelée «adiya» que versent tous les pèlerins qui se rendent à Touba à l’occasion du grand «Magal».
«Il faudrait également envisager cette donation «adiya» en mettant en place des dispositions sur le plan fiscal qui permettront aux entreprises qui voudraient faire des actions sociales de s’y mettre», a conseillé Serigne Abo Sall.
Il ajoute : «Une telle mesure devra s’accompagner de la mise en place d’une structure agréée, capable de collecter ces fonds et de l’affecter dans des investissements sociaux». Ils tournent autour de la construction d’écoles ou d’hôpitaux.
SPECIFICITE
L’autre spécificité de Touba, analyse le guide, c’est la ville où toutes les directives, les initiatives et toutes les orientations, émanent de l’institution du Kahlifat. «Le khalife incarne Cheikh Ahmadou Bamba. L’administration coloniale de l’époque ayant compris cela, avait même conféré un statut spécial à Touba en attribuant un titre foncier au fils aîné Serigne Moustapha », a rappelé Serigne Abo Sall.
Dans la foulée, il précise que le statut spécial ne devrait pas aussi traduire que Touba ne fait pas partie du Sénégal. «Le citoyen de Touba est régi par les même règles de la République du Sénégal. Dans beaucoup de pays, il existe des cas similaires», affirme Sall.
A son avis, cette spécificité prendra mieux en compte certaines réalités qui ne sont pas seulement d’esprit religieux.
A la question de savoir si cela aura un effet entraînant dans les autres cités religieuses, Serigne Abo reconnaît l’existence de ce risque. Mais, il demande que cela soit encadré par l’Etat. Sur les modalités, le khalife peut faire des propositions. Ce, dit-il, en ayant à l’esprit trois domaines sensibles : éducation, financement et infrastructures. «Rien n’empêche à l’Etat de prendre les mesures idoines pour trouver une solution à cette question», lance le guide religieux.
Il évoque Serigne Abdou Lahat qui a voulu instaurer à Touba des mesures de lutte contre l’alcool et le tabagisme et qui s’est appuyé sur les forces de la police et de la gendarmerie, pour assainir la cité qui était devenue un repère de malfrats.
«Le khalife ne songe pas un seul instant qu’il faille ne pas respecter la loi», assure S. A. Sall, ajoutant que «le marabout est le gardien d’un héritage, d’une tradition qu’il n’entend pas remettre en cause».
«Le président Macky Sall est un homme pondéré qui prendra le temps de réfléchir sur cette question», lance Serigne Abo Sall.