L’OPPOSITION SURFE SUR SON "IMPOPULARITÉ"
APRÈS LE DISCOURS DU PRÉSIDENT DEVANT SES ÉLUS
Le discours très politique que le "chef de parti" Macky Sall a tenu avant-hier devant les élus de son parti renseigne sur une nouvelle stratégie de communication qu’il semble adopter vis-à-vis d’une opposition de plus en plus virulente. Mais il "rêve" s’il croit avoir déjà remporté une présidentielle qui aura lieu dans un peu plus de deux ans, lui rétorquent ses adversaires.
Avant-hier mardi, en rencontrant les élus locaux de son parti (maires et présidents de conseil départemental) au King Fahd Palace, le président de la République, Macky Sall, s’est dit confiant de remplier à la prochaine élection présidentielle.
Une assurance renforcée par ce qu’il considère comme une absence d’adversaires à cette échéance de 2017. Euphorique, il a émis le souhait de voir les deux structures fédératrices des élus locaux (AMS et UAEL) passer sous le contrôle de l’Alliance pour la République.
A ce propos, il ne peut y avoir de débat, note Mamour Cissé, secrétaire général du PSD/Jant bi. "C’est de bonne guerre ! Si son parti a la majorité des élus, il prendra l’AMS et l’UAEL)" légitimement.
Dans la forme, on peut, néanmoins s’interroger sur l’opportunité du discours railleur et musclé du président à l’endroit de son opposition. A-t-il été sensible aux récentes attaques contre son régime, en particulier de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck l’assimilant au "virus Ebola"?
Pour Moussa Touré, le leader de Citoyen pour l’Ethique et la transparence (CET), cette sortie du chef de l’Etat est mal venue dans le contexte. "Ce qu’on attend de lui, c’est qu’il parle en tant que président de la République et Président de tous les Sénégalais", dit l’ancien ministre de l’Economie et des Finances.
Electricité, agriculture, tourisme...
"Si des gens sont dans des partis d’opposition où ailleurs, c’est parce qu’ils aiment le Sénégal et aimeraient que le pays connaisse une situation bien meilleure que celle que lui est en train de nous infliger", poursuit M. Touré.
Et plutôt que de narguer l’opposition, l’ancien patron de la commission de l’UEMOA suggère au chef de l’Etat les actions suivantes : "régler les coupures d’électricité et d’eau" ; anticiper sur une "campagne agricole qui s’annonce désastreuse" ; relancer "le (secteur du) tourisme qui est mort".
Un avis que partage Mamour Cissé. Utilisant l’antiphrase, l’ancien ministre d’Etat de Me Wade ironise : "si le Président fait cette déclaration, c’est peut-être qu’il a tellement réglé les problèmes du Sénégal ! Tout marche très bien, l’argent coule à flot, il y a le plein emploi..."
Mais Jean-Paul Dias, lui, pense que c’est un mauvais procès qui est fait à Macky Sall. Le leader du Bloc centriste Gaïndé (BCG) estime qu’un tel discours devant ses militants traduit une "marque d’assurance" du leader de l’APR. "Quand on va à une élection, dit-il, on doit être sûr de gagner".
Pas très évident, semble rétorquer Moussa Touré, pour qui la réélection de Macky Sall n’est qu’un "rêve". "La meilleure méthode pour savoir s’il va gagner des élections en 2017, c’est d’envoyer des gens vers les populations, qui les écoutent puis de lui rapporter ce que ces dernières disent et pensent.
A ce moment, il saura qu’il est dans une situation d’impopularité très grande", affirme-t-il. Sous le registre épistémologique, Touré rappelle que toute réélection relève d’abord de l’ordre divin. "C’est comme s’il (Macky Sall) ne croyait pas en Dieu. (Or), 2017, ce n’est pas demain. On peut se coucher la nuit et ne pas se réveiller", philosophe Moussa Touré.
Moustapha Diakhaté est en phase avec cette assertion, mais tient à replacer le débat dans son contexte. Pour le président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar (BBY), "l’assurance" du président de la République découle de deux faits :
"Son résultat (positif) réalisé dans le pays et la déliquescence de l’opposition". Aujourd’hui, dit-il, son parti, l’APR, est devenu le premier parti du Sénégal au regard du nombre de ses maires, de ses présidents de conseil départemental, de ses conseillers, obtenu à l’issue des locales. Ce "puissant relai local" va constituer "la colonne vertébrale du parti" pour gagner la prochaine présidentielle.
"Bois mort"
A ceux qui présentent le leader de Rewmi, Idrissa Seck, et le maire de Dakar, Khalifa Sall comme de (potentiels) adversaires redoutables pour Macky Sall, le parlementaire minimise. Le premier nommé, "lâché par la crème de son parti", n’est qu’un "bois mort" pour avoir été "secoué sans son fief" à Thiès.
S’agissant du maire de Dakar, Diakhaté lui conseille de satisfaire d’abord les préoccupations des populations de la capitale pour lesquelles il a été élu avant de penser à 2017. "S’il y a quelque chose qui empêche le président de la République de dormir, ce sont les chantiers qu’il a engagés pour le Sénégal et qu’il a déclinés dans le cadre du PSE (Plan Sénégal émergent)", dit le président du groupe de la majorité parlementaire.
En tous les cas, dans l’entourage du chef de l’Etat, certains estiment qu’il gagnerait à être plus agressif par rapport à sa communication pour ne pas laisser l’initiative à l’opposition."Il faut désormais qu’il fasse, chaque mois, une sortie politique retentissante et occuper l’espace médiatique", propose un membre de cet entourage. "Il y a des combats que seul lui (Macky) peut engager"...