LA BAMBOULA
RAPPORT 2013 DE LA COUR DES COMPTES - GESTION DE LA CAISSE DE SÉCURITÉ SOCIALE
Le Rapport public 2013 de la Cour des Comptes remis avant-hier mardi au Président est riche en informations financières, révélateur de nombreux dysfonctionnements et pas avare en recommandations. Les maux d'une bonne dizaine de structures de l'État, Agences, Collectivités locales sont répertoriés dans un document de 230 pages.
Dans le lot des sociétés nationales, agences, établissements publics et institutions de prévoyance sociale fouillés par la Cour des Comptes, la Caisse de sécurité sociale (CSS) occupe une place de choix. 12 pages lui sont consacrées qui mettent l'index sur des problèmes de gestion mais surtout des transactions douteuses, qui foulent du pied les principes les plus élémentaires en matière d'acquisitions foncières.
A la page 159 du rapport, dans la partie "Acquisitions onéreuses", les auditeurs de la Cour des Comptes se focalisent sur l'acquisition d'un terrain sis sur la Voie de dégagement Nord et deux terrains à Bambilor. Le tout représentant une transaction sur plus de 12 milliards de francs Cfa. Décortiqué, cela donne le schéma suivant. "Le terrain sur la VDN, d'une superficie de 6 305 mètres carrés, a été acheté auprès de la Sipres au prix de 325 000 francs le mètre carré, soit un montant total de 2 049 125 000 francs Cfa". Ce, malgré le fait que "les propositions contenues dans les revues spécialisées en matière immobilière tournent autour de 175 000 /200 000 francs Cfa le mètre carré.
Micmac… au mètre carré
La Cour des Comptes relève dans la même veine que le terrain de Bambilor, d'une superficie de 150 hectares, a été acquis auprès de EGBOS au prix de 7000 francs le mètre carré, soit un montant de 10 milliards de francs Cfa. Seulement, "selon une étude effectuée par des experts immobiliers, sur commande de la CSS et confirmée par la note de présentation du Directeur général au Conseil d'administration, le prix au mètre carré de ce terrain non encore viabilisé pouvait être fixé à 6000 francs le mètre carré, soit une différence (ndlr, sur le montant total) de 1,5 milliard de francs Cfa. Mais en fouinant davantage, les vérificateurs de la Cour des Comptes se rendent compte d'une autre faille. "En violation des dispositions précitées qui prévoient un délai d'opposition, les délibérations sur les acquisitions immobilières ont connu un début d'exécution avant le terme de la période d'approbation", c'est-à-dire 15 jours après leur réception par le ministre de tutelle technique et le ministre de la tutelle financière…". Or, relève la Cour des Comptes, "les parties cédantes, la Sipres, Egbos et la Sci Tawfikh ont reçu des avances avant l'expiration du délai d'opposition imparti aux ministres de tutelle". Précisément, "s'agissant de Egbos, l'avance lui a été versée deux mois avant les formalités notariales pour un montant de 1,5 milliard de francs Cfa qui lui a permis de procéder au règlement du prix de cession des 150 hectares.
Défaillances au niveau de la DGID, sous Amadou Bâ
Ce n'est pas tout, puisque les dispositions légales en matière de transaction foncière n'ont pas été respectées dans ces opérations par les services du Ministère de l'Economie et des Finances. La Cour des Comptes relève que pour la situation des droits réels sur le terrain de Bambilor acquis auprès de Egbos, délivré par le conservateur de Rufisque le 11 juillet 2011, il est indiqué que "l'immeuble, objet du titre foncier N°4858 de Rufisque (…) appartient exclusivement à l'État du Sénégal". Le conservateur ajoute que "suivant acte administratif approuvé le 15 septembre 2008, modifié par les avenants approuvés respectivement les 16 mars 2010 et 21 octobre 2010, l'État du Sénégal a cédé le titre de vente à la société dénommée Entreprise générale de Bâtiment Omar Sy (Egbos) Surl, une parcelle de terrain d'une superficie de 350 hectares à détacher du titre foncier 4858/R". Cet avenant, regrettent les vérificateurs, "est intervenu alors que l'acte notarié relatif à la vente par Egbos à la CSS avait déjà été établi, presque trois mois auparavant". Conclusion : "Cette vente a précédé la mutation au nom du vendeur". Pire, l'illégalité de l'opération est consacrée par le fait que la vente a porté sur un terrain n'ayant pas été mis en valeur auparavant par le cédant. Sur ce point, la Direction générale des Impôts et Domaines du Ministère de l'Economie et des Finances interpellée se contente de réciter la loi sans l'appliquer. L'ex Dgid Amadou Bâ dixit : "Relativement à la vente effectuée par l'État au profit de la Société Egbos, elle a été réalisée en accord avec les dispositions de l'article premier de la loi 94-64 du 22 août 1994, autorisant la vente de terrains domaniaux à usage industriel ou commercial."
La Cour des comptes n'est pas convaincue par les explications fournies et bien consignées dans le rapport. "La cession d'une parcelle de terrain de 350 hectares vendu par l'État à Egbos comporte deux irrégularités. Elle aurait pu être autorisée par une loi (…) ensuite, "cette parcelle revendue par l'acquéreur auprès de l'État devrait être mise en valeur avant toute revente par ses soins".
Réponses mi-figue, mi-raisin du Dg
Le Directeur général de la Caisse de sécurité sociale a aussi tenté d'apporter des réponses aux incriminations des auditeurs. Assane Soumaré explique qu'il est "admissible que des écarts soient constatés, surtout en période spéculative, comme ce fut le cas pour la Vdn". En effet, poursuit-il, "entre le prix proposé par le vendeur, le prix de référence réglementaire, le prix expertal et le prix transactionnel, certaines différences avec des amplitudes qui peuvent être significatives sont souvent notées". Le Directeur général de la Caisse de sécurité sociale (CSS) reconnaît que même si le rapport du cabinet commis par l'Institution a recommandé un prix au mètre carré en deçà de ce qui a été appliqué dans le cadre de Bambilor, le prix au mètre carré d'Egbos (9 000 francs) a été corrigé à la baisse pour ce qui est par exemple de la première acquisition de 150 hectares.
Mais pourquoi donc la Caisse de sécurité sociale se permet de faire des avances avant même que les opérations ne soient réellement engagées ? Ce que les auditeurs de la cour des Comptes ont qualifié d"avances irrégulières faites lors des acquisitions immobilières". Ces opérations ne cachent-elles pas une redistribution en catimini de commissions ? Le rapport de la Cour des Comptes ne le dit en tout cas pas. Le Directeur général ne semble pas nier l'irrégularité de la procédure. Aussi se contente-t-il d'écrire dans ses réponses : "La CSS prend acte de ces observations."
Tous ces dysfonctionnements justifient aux yeux des auditeurs les recommandations faites au ministère de l'Economie et des Finances "de respecter et faire respecter les dispositions du Code du Domaine de l'État en matière de vente de terrains appartenant à l'État", au Ministre de la Justice de "faire procéder à une enquête judiciaire sur les transactions immobilières passées entre la CSS et Egbos et d'inviter les notaires au respect de leurs obligations en matière de transaction foncière".