LA BCEAO S’OUVRE AUX «SUKUK»
FINANCE ISLAMIQUE
Les obligations islamiques dénommées «Sukuk» que l’Etat sénégalais envisage d’émettre sur le marché financier régional sont désormais recevables aux guichets de refinancement de la BCEAO (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest). Le Comité de politique monétaire (Cpm) en a ainsi décidé au terme, hier mercredi, d’une session ordinaire tenue au siège de la Bceao.
Une forte volonté politique mais aussi la dynamique communautaire ont amené la BCEAO (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) à aménager un cadre règlementaire approprié pour désormais recevoir des obligations islamiques appelées ‘’sukuk’’. L’admissibilité aux guichets de refinancement de la Bceao des titres d’Etat comme les «Sukuk» été approuvée au terme, hier mercredi, d’une session ordinaire du Comité de politique monétaire.
A côté des instruments de financement classiques, cette décision vise à promouvoir de nouveaux instruments de financement des économies de l’Union tout en s’inscrivant dans la dynamique de la diversification des produits à même de favoriser l’approfondissement du marché financier régional et l’attrait des investisseurs.
Concrètement, le Sénégal va ainsi pouvoir émettre des obligations islamiques (sukuks) d’un montant de 100 milliards de FCfa (environ 200 millions de dollars) en 2014, comme annoncé il y a quelques mois. La SID (Société islamique pour le développement du secteur privé) et le groupe financier Citigroup seraient d’ailleurs les chefs de file de ce projet d’émission d’obligations Charia-compatibles qui était envisagé depuis 2011.
Déjà en septembre 2012, le Sénégal et la Banque islamique de développement avaient signé un accord de partenariat qui devait permettre de mobiliser jusqu’à 680 milliards de FCfa (environ 1 milliard d’euros) entre 2012 et 2015. Pour rappel, les obligations islamiques sont des produits financiers adossés à un actif tangible et obligatoirement licite. Les investisseurs sont rémunérés grâce au profit attaché au rendement de cet actif. Les sukuks sont ainsi une alternative aux obligations classiques génératrices d’intérêts qui sont illicites selon l’Islam.
Pour le gouverneur de la BCEAO, Thiemoko Meyliet Koné, « Ce ne sont pas seulement les Etats qui ont soulevé le problème de la finance islamique, d’une façon générale, les plus hautes autorités de l’Union ont souhaité que la finance islamique puisse, en même temps que la finance traditionnelle, prendre le relais pour le financement de certaines activités », -t-il expliqué au sortir de la réunion dudit Comité.
Le nœud gordien
La problématique liée au cadre règlementaire mis en place par la Bceao pose la question de l’accès au marché monétaire des banques islamiques. Les banques islamiques sont considérablement désavantagées face à la concurrence des autres banques classiques car elles n’ont pas véritablement accès au marché monétaire.
Contrairement aux banques islamiques, les banques classiques ont toujours la possibilité d’avoir recours aux autres banques et à la Banque Centrale lorsqu’elles ont des difficultés de liquidités. Le nœud gordien que la Bceao devra dénouer est relatif au problème de paiement des intérêts pour que les banques islamiques puissent, elles aussi, recevoir l’assistance financière requise dans de telles conditions.
Statu quo
A l’ordre du jour de la réunion du Comité de politique monétaire, il y avait d’abord le sujet portant sur les principaux instruments de politique monétaire. U terme de leurs délibérations, les membres du Cpmont décidé de maintenir inchangés les taux directeurs de la Bceao. Le taux minimum de soumission aux appels d’offres d’injection de liquidités de la Bceao demeure ainsi fixé à 2,50% et celui du guichet de prêt marginal à 3,50%. Quant au coefficient des réserves obligatoires applicables aux banques, il reste à son niveau de 5%.
L’autorité monétaire fonde ce statu quo sur l’analyse favorable de la situation économique sous-régionale marquée par une évolution jugée modérée de l’inflation et des perspectives de croissance « favorables ».
Dis-moi…
La particularité du financement des institutions financières islamiques réside essentiellement dans trois aspects: elles favorisent la participation; elles utilisent des méthodes de financement très peu connues par les banques classiques et très rarement expérimentées par les PME; le système de partenariat oblige les deux parties à courir ensemble les risques en partageant les pertes et les profits.
Par ailleurs, la politique fiscale et réglementaire est un facteur important, tant au niveau de la PME que dans l’institution financière, classique en général et islamique en particulier, en vue d’attirer et de stimuler les investissements. La mise en place des politiques économiques visant à renforcer l’ajustement structurel, avec une libération totale des secteurs, fait que les PME sont de moins en moins protégées et donc exposées à des difficultés croissantes.
Sous ce rapport, il y a lieu d’examiner le statut fiscal des banques islamiques. Dans les pays de l’UMOA, la situation des banques islamiques ne correspond pas nécessairement à la législation. La banque islamique ne peut ni verser ni recevoir des intérêts; il s’ensuit que, sur le plan fiscal, ni la banque islamique, ni la clientèle ne peuvent être imposées au titre de l’impôt sur les revenus des créances.
Il convient donc d’éviter que les banques islamiques soient imposées au titre de certains impôts qui sont contraires, dans leur principe, à ceux en vigueur dans la Charia, d’une part, et que les clients qui traitent avec ces banques dans le cadre des comptes de participation se trouvent désavantagés par une imposition en cascade.
La politique financière et l’organisation économique islamique reposent en grande partie, sur l’obligation d’aumône prescrite par la Charia et désignée par le terme “AL Zakat”; ainsi l’Islam impose le versement de la Zakat dans le fonds autonome et spécial désigné par la banque sous le nom de “Compte de Al Zakat ».
Par ailleurs, la Charia islamique stipule la Zakat à concurrence de 2,5% sur toute l’épargne du pays, sur les recettes du commerce, de 5 à 10% sur les récoltes, de 20% sur certains minéraux et sur quelques têtes de bétail. Les fonds provenant de la Zakat peuvent être utilisés en vue de la création d’usines ou de la bonification et de l’achat des terres agricoles, de la création d’entreprises commerciales ou de tout autre projet qui serait l’entière propriété des pauvres afin de leur assurer un revenu régulier qui conviendrait à leurs besoins.
La Zakat est prélevée sur les profits de la banque, conformément à la loi islamique, alors que l’impôt provenant des revenus est une décision d’Etat. De ce fait, la banque islamique est soumise à une double imposition.