La bonne gouvernance en marche
AN UN DE MACKY SALL AU POUVOIR : TRAQUE DES BIENS MAL ACQUIS
Cette première année est marquée par la poursuite des biens mal acquis. Ce qui érige la justice en icône du début de l’ère Macky Sall. En attendant la fin de l’impunité tant chantée et la culture de la bonne gouvernance dans la gestion des affaires publiques, certains pontes libéraux comptent les jours à Rebeuss, d’autres gros bonnets continuent leur valse devant les maisons de justice. Tableau général !
230 milliards selon les avocats de l’Etat, 430 milliards à recouvrer selon le Forum civil, 1000, 2000 milliards selon d’autres. Le Premier ministre, Abdoul Mbaye, maintient le flou sur les sommes à recouvrer dans les colonnes de L’Observateur : « Nous n’avons pas de chiffres prévisionnels dans l’affaire des biens mal acquis ». Mais il fixe l’échéance et annonce la fin du feuilleton pour mars : « Nous arriverons à des résultats dans peu de temps, à mon avis dès la fin de ce premier trimestre ». Ces dernières semaines, la machine judiciaire a atteint sa vitesse optimale. Rebeuss accueille ses premiers clients. Thierno Ousmane Sy, Ndèye Khady Guèye, Baïla Wane… Karim Wade a rendez-vous en fin de semaine pour une mise en demeure. La traque des biens mal acquis, grande action de l’AN 1 de Macky Sall, veut restaurer les règles de bonne gestion des deniers publics. Le mandat présidentiel 2012-2017, inscrit sous le sceau de la bonne gouvernance, veut aussi mettre fin à l’impunité.
A la fin du régime de l’Alternance, des dossiers de détournements foisonnaient dans les rapports des organes de contrôle. Ni l’Ige, ni la Cour des comptes, encore moins l’Armp, n’avaient vu leurs conclusions appliquées. Excepté le cas Modibo Diop, ex-directeur de l’Agence de l’électrification rurale, les « délinquants » circulaient encore. Karim Wade dont le nom a été cité dans plusieurs dossiers de montages financiers louches, n’a jamais été inquiété, ni entendu. Mais la chute du libéralisme, le 25 mars 2012, semble sonner la fin de l’impunité. Les masques sautent. Désormais, le tout puissant Karim est traductible devant les instances judiciaires. Juillet 2012 marque le début de ses auditions. Le fils de l’ex-président Abdoulaye Wade, ministre des Infrastructures, de la Coopération internationale, des Transports aériens et de l’Energie, soupçonné d’enrichissement illicite, fait deux tours d’horloge à la Division des investigations criminelles (Dic) le même mois. Présumé auteur de détournement de fonds publics et d’enrichissement illicite, le président du conseil de surveillance de l’Anoci est accusé d’avoir des actions dans certaines sociétés nationales comme les Ics… et des gains dans les montages financiers de l’Aéroport Blaise Diagne. Le 15 novembre 2012, il a ouvert le bal des auditions de la gendarmerie de Colobane, sous la demande de la Crei (Cour de répression et d’enrichissement illicite). Ce 15 mars, il devrait répondre d’une mise en demeure de la Crei. Son implication dans l’affaire des retro-commissions de la Sudatel pourrait précipiter sa chute.
Lors de sa rencontre avec la presse, Alioune Ndao le président de la Crei, annonce les auditions imminentes de Karim Wade (le 15 novembre) et de son ‘’jumeau’’ de l’Anoci, Abdoulaye Baldé (le 18) ; Oumar Sarr entendu sur le Plan Jaxaay le 24 novembre ; Madické Niang ; Samuel Sarr ; Tahibou Ndiaye et Doudou Diagne.
Le 10 janvier, les députés Oumar Sarr, Ousmane Ngom et Abdoulaye Baldé perdent leur immunité parlementaire. Seulement, la traque des biens mal acquis menée tantôt au pas de charge, tantôt à pas de caméléon, remet en selle les Libéraux, honnis par 65% des Sénégalais en mars 2012. Et l’annonce de la médiation pénale rend sceptiques les sympathisants de la gouvernance vertueuse.
Les premiers clients de Rebeuss et du Camp pénal
Thierno Ousmane SY perd le réseau à Sudatel : Le 26 février, le conseiller en technologie de l’information et de la Communication du président Wade, Thierno Ousmane Sy, est placé sous mandat de dépôt pour blanchiment de capitaux estimé à 7 millions de dollars (3,5 milliards CFA) en plus des 20 milliards de rétro-commission sur la vente de la troisième licence de téléphonie à Sudatel.
Ndèye Khady Guèye sous le coup de la Centif : L’ex-directrice du Fonds de promotion économique (Fpe) tombe, avec ses malversions portant sur un fonds de 7 milliards de FCFA. Poursuivie pour détournement de biens publics estimés à 1,5 milliard de francs CFA et blanchiment d’un montant de 1,1 milliard et d’escroquerie, Ndèye Khady Guèye risque 10 ans de prison et la confiscation de ses biens. L’ex administrative du Fpe avait proposé cinq biens immobiliers et des actions qu’elle détient dans une société, le tout évalué à 2 milliards 703 millions de FCFA, au doyen des juges Mahawa Sémou Diouf pour sa liberté provisoire. Une caution refusée.
Aïdara Sylla, la chute du bras droit de Wade : L’étau s’est resserré autour de l’ex-député libéral. Arrêté en possession de chèques d’un montant de près de 3 milliards non déclarés à la Douane. Il transportait cette somme que lui aurait remis Me Abdoulaye Wade pour solder ses dettes auprès des collaborateurs libéraux et les frais des travaux de maison.
Ndongo Diaw régulé le 29 juin : L’ex-Directeur général de l’Agence de régulation des télécommunications et postes (Artp), Mamadou Yaké Ba, Agent comptable particulier (Acp) et Léon Pierre Sagna, responsable financier de l’Artp, logent depuis le 2 juillet à Rebeuss. Ils sont accusés de détournement de deniers publics, corruption passive, concussion et faux et usage de faux portant au moins sur 1 milliard 800 millions de FCFA.
Baila Wane perd un pari à 3 milliards 400 : L’ex directeur général de la Lonase est pensionnaire de Rebeuss depuis le 2 août dernier, suite à son inculpation pour détournement de deniers publics portant sur plus de 3 milliards 400 millions de FCFA, d’association de malfaiteurs, de corruption, de faux et usage de faux en écriture privée, de faux et usage de faux en écriture publique, d’abus de biens sociaux.
Moustapha Yacine Guèye, Amadou Kane Diallo, en liberté provisoire moyennant un milliard`
Moustapha Yacine Guèye, patron de Mtl, a remis un chèque de 1.000.000.000 (un milliard de FCFA) à l’ordre de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), ce qui a sursis aux poursuites. Amadou Kane Diallo, l’ex-Dg du Conseil sénégalais des chargeurs (Cosec), est en liberté provisoire depuis le 16 août. Après 50 jours de détention à Rebeuss où il a été inculpé et placé sous mandat de dépôt (le 25 juin) pour détournement de deniers publics, corruption passive, faux et usage de faux en écritures publiques. Christian Salvy, ex-directeur de la société de transport Dakar Dem Dikk, inculpé le 28 juin, a également eu à bénéficier de la liberté provisoire. L’ex-homme fort de Dem Dikk poursuivi pour pillage de ressources et gestion opaque, est décédé le 26 novembre 2012 durant sa liberté provisoire (accordée le 19 juillet 2012).
MEDIATION PENALE
Impasse gouvernementale
Et si l’Etat tergiversait dans la gestion de la traque des biens mal acquis ? Au cœur de l’Etat, la polémique s’est installée entre Abdou Latif Coulibaly, Porte-parole du gouvernement, El Hadj Diouf, avocat de l’Etat annonçant « l’option de la médiation pénale » voire « un remboursement à hauteur de 80 %» ; et Aminata Touré, garde des Sceaux et ministre de la Justice, l’assimilant à « une prime au vol ». Mimi se démarque et jure : « je voudrais assurer que notre justice, c’est une justice qui dit le droit, rien que le droit. Nous irons jusqu’au bout dans cet exercice ». La crise s’est estompée ce jeudi 7 mars en Conseil des ministres. Le président Macky Sall a remis la balle au centre, en s’engageant à « mettre fin à l’impunité et à poursuivre résolument les procédures judiciaires en cours, sans compromissions possibles et ceci dans le cadre des lois en vigueur et dans le respect de l’indépendance de la justice ».
Seulement la médiation pénale a déjà eu droit de cité. Elle a été actionnée dans l’affaire Global Voice, où Moustapha Yacine Guèye a été libéré en contrepartie d’une caution d’un milliard. Un chèque qui s’est révélé être sans provision. Bien louche tout cela. Peut-être aussi que l’Etat veut s’éviter tout revers venant des présumés coupables qui refuseraient tout arrangement. Pour l’instant, Macky Sall tient le beau rôle dans cette volte-face. Il revient sur la voie de la gouvernance vertueuse et récupère ses alliés de la mouvance Benno Bokk Yakkar, Ld et M23, qui avaient signé contre l’arrangement juridique. Dans un communiqué, Me Mame Adama Guèye signalait « un détournement de la loi ». Il précise : « L’esprit de la médiation pénale, c’était pour les petites affaires, pour éviter l’encombrement des juridictions. Ce n’était pas pour le cas de détournement de deniers publics. Moralement, ce n’est pas tolérable. Le paradoxe, à la limite, c’est plus on en détourne plus on en garde. C’est immoral, c’est contraire à l’esprit de la loi ». Heureusement que le Pm, Abdoul Mbaye, a définitivement clos ce chapitre qu’il qualifie de « faux débat ».