A LA BONNE HEURE
MINISTERE DU PLAN

Un ministère du Plan dans un pays où le « pilotage à vue » est la notion la mieux partagée dans la gestion, c’est une première rupture à saluer. C’est avec les instruments de planification que l’on gouverne et le Président Macky Sall semble l’avoir compris (sur le tard certes). Pour peu qu’une politique de planification bien articulée soit mise en place.
Le «lien entre la Connaissance et l’Action » (Meyerson et Banfield, 1955). C’est le principe traditionnel auquel se rapporte toute définition de la Planification.
A l’instar de plusieurs pays en voie de développement, le Sénégal, avait opté pour une planification de son économie. La Planification sénégalaise a connu deux phases, la première couvrant les sept premiers plans où elle avait un caractère impératif et la seconde où elle devient indicative, avec les huitième et neuvième plans. Le Plan de développement constitue donc une sous-période d’une mission à long terme. Le Plan prend pour point de départ les buts à long terme reconnus possible en fonction des ressources souhaitables et des besoins à poursuivre. Ainsi, les premier, deuxième et troisième plans devaient participer à l’édification d’un futur à l’an 2000. Cette vision, revue de la préparation du IV° Plan, pour devenir Sénégal 2001, devait se réaliser au terme du IX° Plan. Que nenni ! En réalité, l’articulation entre les Plans et les visions du Sénégal à long terme n’était pas bien explicites.
Depuis, on ne parle même plus de planification en tant que telle. Pourtant il y a bien un Directeur général et, un document de Plan validé officiellement qui est la stratégie de développement économique et social, établi sur le moyen terme et qui est utilisé, théoriquement, comme référence à la programmation des investissements. Le « système de planification » existant serait d’ailleurs « très voisin du cas malaisien », selon le Directeur général du Plan, Babacar Mbaye, qui intervenait récemment dans le cadre d’un panel . Sauf que l’articulation nécessaire de la vision long-terme à des documents de moyen terme et à la programmation des investissements, fait toujours cruellement défaut.
Une vision
Le ministre conseiller, Moubarack Lô le confirmait récemment, regrettant même « l’absence au Sénégal, d’un plan au vrai sens du terme » et considérant que « Si on utilise la définition de ce qu’est un plan, autant dire qu’au Sénégal on n’a pas de plan or, un pays qui dispose d’un plan voudrait une cohérence entre la vision, le plan décennal, le plan quinquennal et le budget annuel. »
Dans le même cadre et la même veine, El Hadji Ibrahima Sall, ancien ministre du Budget sous le régime socialiste, renchérissait en soutenant que «Les documents de plan qui ne sont pas intégrés, ne le sont pas parce que depuis le Programme d’ajustement structurel (Pas) on a détruit le cadre de planification. » Pour lui, c’est la Banque mondiale et le Fmi qui, jusque-là, étaient des « court-termistes », qui ont intégré la planification autour du Consensus de Washington. Mais c’est pour dire que « Ce n’est pas de la planification mais de l’instrumentalisation», déclarait-il.
Pour l’ancien ministre du budget sous le régime socialiste, «La planification règle le problème d’une vision très claire et, un pays où il y a la planification permet la négociation des intérêts sur une base ouverte et transparente.»
En somme, disait El Hadj Amadou Sall, «C’est pourquoi l’existence d’un ministère du plan est important».
Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un si sourd, qui semble avoir compris que la Planification demeure en tout cas un mode de gestion incontournable. Le nouvel attelage gouvernemental comporte désormais un ministre du Plan en la personne de Abdoulaye Baldé. L’Etat garde toujours dans son giron des missions qui lui imposent d’anticiper notamment les tendances lourdes de l’évolution économique et sociale et doit également procéder à une allocation optimale des ressources alliant des critères sociaux et de rentabilité économique. C’est loin d’être le cas au Sénégal où le « pilotage à vue » est encore la notion la mieux partagée dans la gestion. L’action publique est pilotée suivant des préoccupations d’ordres administrative et bureaucratique et aussi des questions de fonctionnement budgétaire. On est dans le maintien et dans la reproduction d’un système dont les valeurs, la finalité et les buts, échappent à tout le monde.
Aussi, bien conçu, l’exercice de planification devrait-il consacrer la rupture paradigmatique et méthodologique recherché au niveau territorial. Rupture, dans le sens où la logique planificatrice implémente au sein de l’exécutif territorialisé une autonomie dans la gouvernance, de l’ingénierie dans le développement et des méthodes de gestion de projet axées sur des résultats souhaités.