LA BOURSE OU LE BOUC ÉMISSAIRE D’UN SYSTÈME FONCTIONNANT EN DÉPIT DU BON SENS
L’université Cheikh Anta Diop de Dakar pleure ses morts. L’année dernière, plus que les précédentes, était chaotique. Un espace pédagogique transformé en champ de bataille, des étudiants et Forces de l’ordre ensanglantés, les résidences universitaires saccagées et finalement la mort d’un camarade, tel fut le bilan d’une succession de dérives qui s’étaient produites. Peur, mélancolie, mépris, désolation, regret... voici les sentiments qui prévalaient.
Une université jadis reconnue pour son excellence, son savoir, ses éminents chercheurs et brillants étudiants, avait ainsi atteint le paroxysme de la dégringolade. Depuis 2011, suite aux grèves interminables des professeurs, on assiste à un chamboulement total du calendrier universitaire.
Des cours qui débutent en mars ou même en avril, une session unique qui a laissé des traces, bâclage des programmes, des revendications estudiantines basées la plupart de temps sur l’aspect pécuniaire, un manque notoire de civisme... tant de problèmes qui gangrènent notre bien aimée université. Evidement, les responsabilités sont partagées entre l’Etat, les professeurs et les étudiants. Mais comme souvent, chacun d’entre eux préfère rejeter la faute sur les autres, se croyant exempt de tous reproches.
L’idée de cet article n’est pas d’étaler tous les problèmes de ce traquenard où l’on se trouve. Cette démarche si fastidieuse ne saurait apporter une once de clarté à la nébuleuse qu’est devenue l’université. L’essence de cette contribution n’est nulle autre que de proposer des solutions à certaines difficultés, solutions qui je pense, pourront être une base pour redorer le blason de l’université.
La bourse scolaire :
La bourse est sans nul doute le principal point de discorde entre les étudiants et les autorités étatiques. Destinée à accompagner l’étudiant sur sa scolarité, elle est devenue un salaire, un «devoir» ou même «une normalité après un travail acharné».
La bourse d’études est devenue un «must» pour les étudiants. Cependant, son utilisation laisse à désirer. Certes, il y a toujours des étudiants qui l’utilisent à bon escient, mais j’ai la certitude qu’ils sont minoritaires. Parce que la majorité l’utilise pour des fins autres que la «normalité» : achats d’habits, revenu familial, etc.
La bourse est devenue sacrée pour l’étudiant. Il peut faire des concessions sur bon nombre de choses, sauf son «trésor», à l’image de Picsou et sa fortune. Ce qui se traduit par des grèves répétées des étudiants lorsqu’il y a un retard sur le paiement de cette dernière. De mon point de vue il y a deux problèmes :
Les étudiants :
On connaît le rôle primordial que joue la bourse dans l’espace universitaire, mais je ne pourrais cautionner les blocages de la route pour revendiquer son paiement. Je suis tout à fait d’accord que le retard des paiements pénalise les étudiants. Beaucoup se voient privés de repas parce que étant à court de tickets de restauration, ce qui n’est pas du tout négligeable. A mon passage au campus universitaire en premier année, j’ai pu constater cette situation déplorable. A l’approche de la fin du mois, on voit son stock de tickets s’épuiser petit à petit.
Il faut savoir que les prévisions de tickets pour le mois sont calculées et très millimétrées. La bourse ne permet pas de faire des marges de plusieurs jours, car il y a d’autres préoccupations non moins importantes à satisfaire. De ce fait, s’il y a des retards concernant la réception de la bourse, cela entraîne un désordre total dans les plans préétablis. Des fois, les étudiants s’entraident, et c’est l’occasion de magnifier la solidarité qui existe à l’université.
Cependant, elle n’est pas suffisante car ils sont dans la même embûche. On assiste même à des situations où les étudiants quémandent des tickets ou de quoi les acheter pour s’offrir un repas. Et malheureusement, ce n’est qu’une des conséquences de ce problème. Ce qui peut expliquer les nombreuses réclamations et protestations des étudiants.
Mais une fois n’est pas coutume, je suis contre la manière de protester. Il est fréquent de voir mes camarades bloquer la circulation sur l’avenue Cheikh Anta pour pouvoir attirer l’attention de l’extérieur. Ceci est vu comme la méthode la plus efficace pour se faire entendre (et force est de constater que c’est vérifié la plupart du temps).
Une voie pacifique est exclue d’emblée, dans la mesure où elle ne fournirait pas les résultats escomptés. Néanmoins, le fait d’être des étudiants revêt pour ma part, un caractère noble. De ce fait, on ne doit se rabaisser à des actions qui constituent l’antithèse de tout ce que l’on nous inculque.
Des actions ne relevant ni du civisme ni du patriotisme ne peuvent constituer une solution durable pour résoudre ce problème. Combien de citoyens empruntent l’avenue Cheikh Anta ? Combien d’entre eux ont des devoirs qui ne doivent pas accuser de retards ? Des rendez-vous pour le moins capitaux ?
Des soucis à résoudre dans les plus brefs délais ? Autant de questions qui me paraissent essentielles à poser. J’ai toujours eu la philosophie suivante : on ne peut réclamer son droit en privant le droit à un autre.
Et dans de telles situations, on oublie un précepte ô combien important : «Ne fait point à autrui ce que tu n’aimerais pas qu’il t’arrive.» La solution serait évidemment d’utiliser d’autres méthodes, qui peuvent effectivement être efficaces et stabilisatrices et que je développerai ci-dessous.
Les gouvernants :
Etant donné que la bourse est la principale cause du mécontentement des étudiants, la solution paraît simple : veillez à ne pas accuser du retard dans le paiement. Même si, il faut le souligner, cette année les bourses ont été payées relativement sans retard, il faudrait que les gouvernants mesurent davantage les conséquences des atermoiements concernant le paiement des bourses.
Les réformes concernant l’attribution des bourses sont louables, et dès lors que le tri est fait, il ne devrait y avoir de retards. Les contraintes et problèmes estudiantins sont nombreux et à cet effet, une date-limite devrait être fixée. Cela assurerait certainement la fin de nombreuses revendications.
Le mode de paiement connaît quelques soucis aussi. Les étudiants passent la nuit devant l’agence Ecobank de l’avenue Cheikh Anta pour récupérer leurs gains. Des listes sont établies la veille et des rappels auront lieu successivement à minuit, une heure et quatre heures du matin pour peu à peu rayer de la liste, les absents. Ce qui fait que la personne ayant un besoin pressant de recevoir sa bourse n’aura d’autre choix que de rester éveillée toute la nuit. Certains se poseront évidement cette question : «Pourquoi ne pas attendre jusqu’à ce qu’il y ait moins de monde ?»
Je suis sûr que ceux qui sont dans le besoin, à court de tickets, devant s’inscrire et ne pouvant ni emprunter ni quémander auront la réponse à cette question. Le problème est le fait de centraliser les paiements seulement sur l’agence Cheikh Anta.
Le paradoxe est que pour s’inscrire, toutes les agences sont disponibles, mais pour retirer la bourse, une seule est valable. L’image des étudiants entassés, constituant des queues kilométriques que tous les habitués de l’avenue Cheikh Anta auront constatées, n’est ni bonne pour l’Ucad ni pour Ecobank.
A l’ère du 21e siècle, j’estime qu’aucune personne ne devrait passer plus de 30 minutes dans une banque pour faire une opération. Pour une superficie de 172 ha, l’université ne compte que trois (3) Guichets automatiques de banque (Gab) qui sont la plupart du temps (pour ne pas dire tout le temps) hors service. Situation qui ne saurait perdurer si on veut régler ce problème.
La solution est effectivement d’augmenter les Gab à l’intérieur de l’université en premier lieu. Cela permettrait aux étudiants de pouvoir retirer leurs bourses simplement et sans perturber les autres clients de la banque.
En deuxième lieu, il faut qu’il y ait un renouvellement automatique des cartes bancaires pour éviter les dérives. Un système qui permettrait de commencer les démarches pour renouveler sa carte, un mois avant la date de l’expiration, pourrait être mis en place afin d’éviter les rangs kilométriques.
Et enfin, autoriser les étudiants à récupérer leurs bourses dans toutes les autres agences et d’arrêter de nous considérer comme à part du système.
Un autre aspect non moins important est à souligner aussi. Je suis d’accord que tout le monde ne peut avoir une bourse. De ce fait, il faudrait qu’il ait une réelle information concernant cela. Les élèves de la classe de seconde jusqu’à la terminale devraient connaître les critères pour être boursier. Si tous les critères sont déclinés et bien expliqués, il ne devrait y avoir aucune ambiguïté une fois arrivé à l’université.