LA CHASSE AUX JOURNALISTES
LE GOUVERNEMENT DU LIBERIA NE VEUT PLUS DES MÉDIAS DANS LES CENTRES DE TRAITEMENT D’ÉBOLA
Monrovia, 10 oct 2014 (AFP) - Le gouvernement du Liberia a interdit vendredi l'accès des journalistes aux centres de traitement d'Ébola, empêchant les médias de couvrir un mouvement de grève dans une clinique saturée de la capitale, Monrovia.
Par ailleurs, la Mission des Nations unies au Liberia (Minul) a annoncé que 41 de ses membres, dont 21 militaires, étaient sous surveillance médicale depuis la contamination, d'un de ses responsables internationaux, selon un communiqué.
Ni l'identité ni la nationalité de ce responsable testé positif au virus le 6 octobre n'ont été révélés, mais les autorités allemandes ont annoncé jeudi l'admission d'un employé soudanais de l'ONU atteint d'Ébola en provenance du Liberia.
"Les journalistes ne sont plus autorisés à entrer dans les centres de traitement d'Ébola", a déclaré à la radio Sky FM le porte-parole du gouvernement, Isaac Jackson.
"Ils violent l'intimité des gens, prennent des photos pour les vendre à des institutions internationales. Nous mettons fin à tout ça", a-t-il lancé en réponse à une question après que des journalistes venus couvrir un mouvement de protestation des personnels se sont vu refuser l'accès à la clinique Island à Monrovia vendredi.
"Il n'y a pas de protestation, tout se passe bien avec les personnels de santé et les patients sont bien soignés", a assuré M. Jackson au sujet de cet établissement ouvert en urgence le 21 septembre et administré par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), sommant les journalistes de le croire sur parole.
Médecins Sans Frontières (MSF), qui gère un centre d'une capacité actuelle d'environ 250 lits à Monrovia, a écrit au gouvernement pour s'assurer qu'il ne serait pas concerné par la mesure d'interdiction d'accès des journalistes, ont indiqué à l'AFP des sources au sein de l'ONG.
Les personnels de santé ont décrété un mouvement de grève perlée à travers le pays pour réclamer des primes de risque en raison de l'épidémie.
"Nous avons dû admettre jusqu'à 300 patients au lieu de 150 à cause de l'afflux énorme de gens. Mais nous ne pouvons plus accueillir aucun nouveau malade parce qu'il n'y a personne pour s'en occuper", a déploré le directeur médical ougandais de la clinique Island, le Dr Atai Omoruto.
Un représentant du personnel, Alphonso Wesseh, a affirmé à l'AFP que celui-ci "ne pouvait plus travailler dans ces conditions", accusant les autorités de "rester insensibles à leur sort".
Primes de risque
Intervenant par visioconférence à une réunion sur Ébola organisée jeudi à Washington par la Banque mondiale, la présidente Ellen Johnson Sirleaf a réclamé des fonds pour pouvoir notamment "dédommager les personnels de santé qui par crainte du risque ont refusé de reprendre le travail ou hésitent à le faire".
En Sierra Leone voisine, les équipes chargées d'enterrer les corps ont repris le travail mercredi après une grève de 12 heures pour des retards dans le paiement de leurs primes de risque dans la région de la capitale.
Selon un communiqué de Reporters sans frontières (RSF) mercredi, "dans les pays d'Afrique de l'Ouest où sévit l'épidémie d'Ébola, les médias font les frais de la panique générale".
Au Liberia "les journalistes doivent désormais obtenir une autorisation officielle du ministère de la Santé pour réaliser des interviews ou prendre des photos à l'intérieur des hôpitaux. Plus grave encore, le personnel médical a interdiction de communiquer directement avec les médias", souligne RSF.
En Guinée le 4 octobre, des journalistes et avocats venus enquêter à Womey (sud) sur le meurtre par des habitants de huit membres d'une délégation de sensibilisation à Ébola en septembre en ont été empêchés par les forces de l'ordre, déplore l'ONG.
Un correspondant de l'AFP qui faisait partie du groupe a précisé qu'ils avaient été interrogés pendant plusieurs heures par les gendarmes, et que les cartes mémoire leurs appareils photo et caméras avaient été confisquées.
Selon le dernier bilan d'étape publié mercredi par l'OMS, le Liberia, le plus touché par l'épidémie, compte 620 lits pour des besoins estimés à 2.930, soit à peine 21 %.
L'épidémie d'Ébola a déjà tué 3.900 personnes.