LA CHASTETÉ AVANT LE MARIAGE RÉSISTE-T-ELLE ENCORE AUX NOMBREUSES TENTATIONS ?
ENTRE SACRE ET SYMBOLE
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En notre temps de sexualité « triomphante », la virginité semble perdre du terrain. Pourtant, en milieu musulman, l’abstinence est recommandée. Si les vierges consacrées laïques se multiplient discrètement parmi des fidèles chrétiens, un mouvement « no sex » prospère aux États-Unis. La virginité serait-t-elle en train de valser entre le sacré et le symbole ?
Dans certaines cultures, après la nuit de noces, on tend le drap nuptial à la fenêtre pour montrer d’une part que le mariage est « consommé », d’autre part et par-dessus-tout que la mariée était vierge. Il faut que le drap soit rouge, ce qui vient attester de la virginité de la nouvelle mariée.
Il y va de l’honneur de la femme qui ne doit aucunement perdre la face. Cette coutume pérennise le mythe du premier rapport qui fait saigner en rompant l’hymen. La chasteté avant le mariage, donc la virginité, est le seul garant de la reconnaissance familiale.
Naguère, le sexe hors mariage engendrait des enfants sans père, sans caution. C’est pourquoi, dans les sociétés patriarcales traditionnelles, le sexe hors mariage était prohibé. Au fil des âges, la virginité a toujours été un attribut important
dans l’ensemble des ethnies sénégalaises. Gage de pudeur, de fidélité et de chasteté, elle a été toujours instaurée en règle. Tombée en désuétude suite à la libération des mœurs, elle a, de nos jours, tendance à passer rapidement au second plan. Elle est aujourd’hui un fantasme plutôt qu’une valeur fondamentale avant l’union de deux êtres. Le « laabaan » est une coutume qui veut que la femme vierge soit magnifiée à travers la célébration de son abstinence.
Il était organisé à l’honneur de jeunes filles qui s’apprêtaient à rejoindre le domicile conjugal. «En marge de la nuit nuptiale, les tantes paternelles préparaient la jeune mariée en perspective de cette épreuve fatidique où l’honneur de toute une famille est mis en jeu », informe Fatou Gawlo Seck, une griotte. La satisfaction était immense quand, le matin de bonne heure, on dévoilait le pagne tacheté de sang de la mariée.
« Ceci réjouissait tout l’entourage de la mariée. Avant même que son mari ne le fasse, les parents la couvaient de cadeaux. On pouvait voir un père de famille tuer un bœuf à l’occasion ou offrir des bijoux à sa fille », informe-telle. « Quant au mari, il était tenu de
remercier publiquement son épouse qui a su s’abstenir en vue de ce grand jour ; gage de reconnaissance pleinement exprimée », poursuit-elle. Aujourd’hui, malgré quelques résistances notées ça et là, la donne semble effectivement avoir radicalement changé. «Les jeunes s’envolent en lune de miel à l’hôtel et on ne peut plus dire qui est vierge et qui ne l’est pas. Et même si certaines sont chastes, le mystère reste entier», soutient la griotte. La Vierge Marie, les houris du paradis, Jeanne d’Arc, les sœurs aînées de la chasteté...,
la virginité a toujours symbolisé une part de l’humain qui résiste à l’emprise de la sexualité. Comment oublier que bon nombre de filles ont, pendant des siècles, préservé leur virginité comme une forme de liberté, une source de pouvoir, exprimant, grâce à elle, leur part d’initiative et d’autonomie, leur dignité, leur « autorité » ?
Pourtant, la tradition africaine fait de la virginité une qualité requise et recherchée avant le mariage, dans la mesure où celle-ci représente le symbole apparent de sa chasteté, qui est une valeur souhaitée en société.
Le mythe du saignement
Dans certaines cultures, il est important que la fille soit vierge lorsqu’elle se marie. Cela doit se prouver à travers un saignement durant le premier rapport sexuel. Cette donne ne manque pas de produire de gros problèmes pour les filles assujetties à ce diktat, surtout celles qui ne saignent pas.
« Les raisons qui conduisent certaines femmes à ne pas saigner sont qu’elles sont nerveuses et tendues. Une autre alternative étant qu’elles aient une malformation», informe Nafissatou Diagne, sage-femme. En effet, certaines femmes ne saignent absolument pas lors de leur premier rapport sexuel et la majorité de celles qui saignent produisent seulement un écoulement, qui n’est pas de la couleur attendue (littéralement déteint).
Cela aboutit tout simplement à faire courir nombre de jeunes filles à vouloir se refaire l’hymen.
Un bon nombre de gens croient à l’existence de l’hymen comme preuve de la virginité de la fille (qu’elle n’a pas eu de rapports sexuels). Ils croient également qu’il se déchire lorsque la fille a des rapports sexuels la première fois. Il est, dès lors, également appelé « membrane de chasteté ». Ce nom a été proposé à une époque où l’on croyait qu’il se déchirait durant le premier rapport sexuel, une preuve que la femme en question est vierge.
« L’hymen n’est pas, en réalité, une membrane, mais une série de plis des muqueuses. La médecine a montré, à plusieurs reprises, que l’examen de la membrane de chasteté ainsi que l’ouverture du vagin ne permettent pas d’établir forcement si la fille est réellement chaste », relève la sage-femme.
L’histoire de Penda laisse pantois. En effet, elle sort totalement de l’ordinaire. Un récit autant dramatique qu’imprévisible. C’est le parcours d’une jeune fille devenue aujourd’hui mère de famille. Une fille qui, toute sa vie durant, avait décidé de s’abstenir des rapports sexuels et d’esquiver les nombreuses tentations de jeunesse, afin de se consacrer exclusivement à son mari. Qui fut-il ? Peu importe.
L’essentiel est qu’une fois les noces convolées, le mari sorte satisfait de son épouse, car elle a su l’attendre. S’abstenir, c’est ce qu’assure avoir fait Penda. Dans un timbre mou, l’émotion déteint encore dans cette voix qui peine à raconter correctement son aventure, doublée de surprise. « J’ai reçu une éducation rigoureuse de ma grand-mère.
Conservatrice à la démesure, elle nous a tout le temps rappelé la stricte nécessité de garder notre virginité. Il y va de l’honneur de la famille, aimait-elle à nous rappeler », c’est ainsi que Penda narre son histoire. Penda, en fille exemplaire, a dès lors voulu garder sa virginité. Elle a toute sa vie durant refusé toutes les avances, voulant l’orienter dans une voie où le sexe est permis.
« A bien des égards, j’ai rompu des relations, parce que mon petit ami voulait passer à l’acte. Il n’en était pas question chez nous, l’hymen est plus que sacré », souligne-t-elle.
Seulement, après avoir convolé en juste noce, au soir fatidique, sa surprise a été plus que grande lorsqu’elle n’a pas saigné. Un fait qui ne pouvait aucunement se justifier à ses yeux. D’autant que la fille avait pris la précaution de s’abstenir. Après diagnostic, un médecin se serait rendu compte d’une anomalie naturelle qui serait à l’origine de ce « non-saignement ».
La traversée de cette épreuve n’a pas été facile, mais Penda dit « être tombée sur un homme compréhensible, qui ne doute aucunement de sa bonne foi », souligne-t-elle.