LA COMMISSION MBOW EST-ELLE ALLÉE TROP LOIN DANS SES PRÉCONISATIONS EN FAVEUR D'UNE NOUVELLE CONSTITUTION ?
DES JURISTES DONNENT LEURS AVIS
La réforme des institutions et l’avant-projet de constitution proposés par la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) fait l’objet de controverses. S’ils sont nombreux à saluer le travail abattu par le président Amadou Makhtar Mbow et son équipe, le camp du pouvoir, à l’opposé, rue dans les brancards.
A l’origine, l’article 64 qui interdirait au président de la République d’être en même temps chef de parti. Mais la réaction du Pr Ismaïla Madior Fall, ministre-conseiller du président de la République, aura été la plus “étonnante” à travers une interview accordée au Quotidien. Le constitutionnaliste y estime en effet que “la commission (Mbow) a outrepassé ses attributions”.
Citant l’article 3 du décret n°2013-730 du 28 mai 2013, il rappelle que “la CNRI est chargée de mener, selon une méthode inclusive et participative, la concertation nationale de réforme des institutions ; de formuler toutes les dispositions visant à améliorer le fonctionnement des institutions, à consolider la démocratie, à approfondir l’Etat de droit et moderniser le régime politique”.
A ce tire, “les réformes posées peuvent trouver leur traduction dans une modification de la Constitution, des lois organiques et des lois ordinaires”. L'avant-projet de constitution est donc “inopportun dans le contexte du Sénégal”.
“Il faut que Macky soit gentleman à la tête du pays...”
Un avis qui est loin d’être partagé par certains de ses collègues juristes qui se sont confiés à EnQuête sous le couvert de l’anonymat. “Les partisans du président vont chercher à taper sur la CNRI pour avoir une marge de manœuvre”, analyse l’un d’entre eux. Mais “c’est au président de savoir ce qu’il veut”, conseille notre interlocuteur.
Même si ce dernier reconnaît à Macky Sall “le droit d’inventaire”, c’est-à-dire de “choisir ce qu’il veut” dans le rapport, il dénonce tout de même cette “logique politicienne” qui a guidé la sortie des collaborateurs du chef de l’Etat. “Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il y a le temps de la réflexion et le temps de la politique. Ce qui m’intéresse, c’est l’analyse approfondie du document.”
A cet effet, un autre constitutionnaliste préfère convoquer les “termes de référence” de la CRNI avant d’apprécier. “Si on n’a pas chargé la CNRI de proposer une nouvelle constitution, les limites ont été franchies”, déclare- t-il. “Mais la commission est libre de faire les recommandations qu’elle estime devoir faire parce qu’on lui avait posé des conditions. Maintenant, la proposition peut ne pas agréer le président”, ajoute-t-il.
Parmi les points d’achoppements, il y a le cumul de fonctions chef de l’Etat-chef de parti. Une question que ces juristes qualifient “d’ avancée démocratique” même s’ils admettent “la constance’ du président de la République qui “avait émis des réserves” à ce sujet. “Objectivement, qu’on le veuille ou pas, le président aura toujours la mainmise sur son parti. Le président a dit “la patrie avant le parti”. Si tel est le cas, il doit quitter la tête de son parti.. Il faut qu’il soit gentleman à la tête du pays pour qu’on ne mélange pas l’institution et le parti”, dit un spécialiste du droit.
Quand Ismaël Madior Fall inspirait la loi Sada Ndiaye
Au-delà de cette polémique, c’est l’histoire qui semble bégayer. Car le Pr Ismaïla Madior Fall, on s'en rappelle, avait été accusé d’être l’inspirateur de la loi Sada Ndiaye qui coûta alors à Macky Sall, président de l’Assemblée nationale, son fauteuil du perchoir en 2008. Cette loi, créée de toutes pièces pour des raisons strictement politiciennes, ramena le mandat du président de l’Assemblée nationale de 5 à 1 ans. Un texte qui aurait été inspiré par le... Pr Fall en personne. Mais il s'en était défendu en soutenant avoir “juste donné un avis”. C’était à l’occasion d’un débat organisé par la convention des jeunes reporters au Cesti durant la même période...