LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ORDONNE AU BURKINA DE REPRENDRE L’ENQUÊTE
AFFAIRE NORBERT ZONGO
Arusha (Tanzanie), 5 juin 2015 (AFP) - La Cour africaine des droits de l'Homme et des Peuples (CADHP) a ordonné vendredi à l'Etat burkinabè de "reprendre" l'enquête sur les meurtres en 1998 du journaliste Norbert Zongo et des trois personnes qui l'accompagnaient.
Dans leur décision, les juges ont ordonné aux autorités burkinabè "de reprendre les investigations en vue de rechercher, poursuivre et juger les auteurs des assassinats de Norbert Zongo et de ses trois compagnons".
Les juges ont également ordonné à l'Etat burkinabè de verser 25 millions de francs FCA (environ 38.000 euros) à chacun des conjoints, 15 millions à chacun des enfants et 10 millions à chacun des mères et pères de Zongo et ses compagnons.
La Cour demande également aux autorités du Burkina Faso de "lui soumettre, dans un délai de six mois (...) un rapport sur l'état d'exécution de l'ensemble des décisions prises dans le présent arrêt".
Le procureur du Faso a d'ores et déjà "pris en avril dernier une ordonnance de réouverture du dossier", a observé Me Prosper Farama, un avocat de la famille Zongo, qui souhaite désormais une "accélération" du dossier via "la reprise des enquêtes".
"Sur les indemnisations, nous allons avoir une rencontre avec les familles pour voir s'ils sont satisfaits. Mais ce qui les intéresse surtout, c'est le début des enquêtes", a-t-il insisté, interrogé par l'AFP.
En 1998, Norbert Zongo, journaliste d'investigation et directeur de publication de l'hebdomadaire L'Indépendant, avait été retrouvé mort calciné dans sa voiture avec trois compagnons à une centaine de kilomètres de Ouagadougou, la capitale.
Il enquêtait à l'époque sur la mort mystérieuse de David Ouédraogo, chauffeur de François Compaoré, frère cadet du président Blaise Compaoré, renversé fin octobre après 27 ans de règne.
La mort de Norbert Zongo avait suscité un scandale et d'importantes manifestations populaires au Burkina Faso. Elle avait eu un retentissement international.
Les avocats de la famille Zongo ont toujours soupçonné l'implication de François Compaoré dans l'assassinat du journaliste. Le frère de l'ex-président avait un temps été inculpé de "meurtre et recel de cadavre" dans le cadre de la mort de son chauffeur, avant que les poursuites ne s'arrêtent.
Six "suspects sérieux" avaient été identifiés par une Commission d'enquête indépendante mise en place par les autorités burkinabè, mais seul l'adjudant Marcel Kafando, ex-chef de la garde rapprochée du président Compaoré, avait été inculpé, avant de bénéficier d'un non-lieu.
En 2006, la justice burkinabè avait classé le dossier, officiellement pour manque de preuves. Le pillage de la maison de François Compaoré fin octobre a permis de retrouver de nombreux documents, dont des bordereaux paraissant indiquer qu'il avait payé les frais d'avocat de l'adjudant Kafando.
Dans une décision rendue le 28 mars 2014 - avant la chute du régime Compaoré - la CADHP avait déjà jugé que l'Etat burkinabé avait "failli à ses obligations" en ne traduisant pas en justice les meurtriers de Zongo.
La CADHP peut "ordonner" à un Etat toute "mesure appropriée" pour mettre fin à une violation des droits de l'Homme et/ou le versement de compensations ou de réparations financières.
Ses jugements, auxquels les Etats ayant ratifié le protocole créant la Cour s'engagent à se conformer, ne sont pas susceptibles d'appel.