LA CSS ACCUSE DES FONCTIONNAIRES DE L'ADMINISTRATION MACKY SALL D'ÊTRE CORROMPUS
"Des fonctionnaires s’en sont mis plein les poches avec la complicité de commerçants. Raison pour laquelle, quand on parle de gouvernance sobre et vertueuse, moi j’ai envie de rire", Louis Lamotte
A la Compagnie sucrière sénégalaise (Css), les clignotants sont passés du vert au rouge. La société ne vend plus et se retrouve avec 46.000 tonnes de sucre produit et non vendu. Conseiller de Mimran, Louis Lamotte, qui tire la sonnette d’alarme, n’est pas du tout tendre avec les nouvelles autorités.
Les entreprises sénégalaises traversent une mauvaise passe. A la Compagnie sucrière sénégalaise (Css), l’optimisme a fini de céder la place au scepticisme le plus total. Depuis presque un an, la boîte est sur le fil du rasoir. A l’origine : une importation sauvage de sucre qui a fini par déréguler complètement le marché. C’est ce qui fait dire au conseiller de Jean Claude Mimran, Louis Lamotte, la mort dans l’âme, que la Compagnie sucrière sénégalaise est un géant aux pieds d’argile. Cette image n’a rien d’une plaisanterie.
«La Css est un géant aux pieds d’argile»
A la date d’aujourd’hui, la Css est à 46.000 tonnes de sucre produit et non vendu. Pire, d’avril 2012 à maintenant, le Sénégal a reçu deux fois plus de tonnage de sucre qu’il n’en a besoin à cause de l’ouverture à l’importation du sucre. Au total, ce sont 230.000 tonnes qui ont été importées. Et pourtant, les besoins annuels du Sénégal s’élèvent à 140.000 tonnes. Un surplus qu’on peine à expliquer. En réalité, les commerçants avaient anticipé sur une telle mesure et avaient fortement importé, si bien que malgré la suspension des importations, il y a un encours qui empêche la vente de la production locale. «Cela veut dire que compte tenu de la situation du marché, la Css peut rester une année sans travailler et il y aura du sucre en abondance. On travaille, on produit, mais on ne vend pas. La Css a un genou par terre», s’alarme Louis Lamotte tendu comme un arc. Malgré la suspension des importations par l’Etat, le ver est déjà dans le fruit.
«Quand on parle de gouvernance sobre et vertueuse, j’ai envie de rire»
Qu’est-ce qui a pu bien déréguler le marché ? A la Css, on pointe un doigt accusateur sur le manque de vigilance et le laxisme de l’administration, notamment du ministère du Commerce. «On a pensé de bonne foi qu’en multipliant les entrées et en assurant une offre à la demande, cela va jouer sur les prix qui iraient à la baisse. Ce sont de vieilles théories qui ont montré leurs limites». Selon Louis Lamotte, ces quantités faramineuses ont même surpris l’Etat. Aussi, s’en prend-il aux nouvelles autorités qui professent la bonne parole sans pour autant donner l’exemple. «C’est un crime ce qui a été fait, parce que des fonctionnaires s’en sont mis plein les poches avec la complicité de commerçants. Raison pour laquelle, quand on parle de gouvernance sobre et vertueuse, moi j’ai envie de rire. C’est le manque de vigilance ou la mal gouvernance qui est en train de mettre à terre le premier employeur du Sénégal», tacle Lamotte.
«Le Sénégal sera blacklisté dans le Doing Business»
Au regard des charges de la boîte, cela n’augure rien de bon. En effet, la Css a une masse salariale de 18 milliards Fcfa, des dépenses de carburant de l’ordre de 7 milliards Fcfa par an. Les banques aussi s’impatientent pour rentrer dans leurs fonds. Et n’eût été la solidité du groupe, indique Louis Lamotte, bon nombre d’entre elles auraient rompu le pacte qui les lie à la Css. «Rien que les découverts au début de l’année ont coûté à la boîte 2 milliards de FCfa. On a toujours eu des comptes déséquilibrés, mais nous n’avons jamais été au rouge au point d’inquiéter les banques», révèle Lamotte sur un ton alarmiste.
Le drame dans tout ça, c’est que la Css est en plein investissement pour atteindre l’autosuffisance en sucre avec son programme KT 150 de 70 milliards. Et la moitié de ce montant a été investi, soit 30 milliards. Plus de 50% sur fonds propres et l’autre partie est prêtée par les banques. A cela, il faut ajouter les tracasseries pour l’obtention de terres dans cette zone. «En 2013, nous devrons être normalement à 140.000 tonnes de sucre», dit Lamotte.
«Les options de ce gouvernement en matière économique, on ne peut pas les lire»
Pendant que le gouvernement travaille sur des schémas d’une nouvelle baisse, à la Css on entrevoit l’avenir avec d’autres prismes. Les initiatives de l’Etat visant une nouvelle réduction après le flop des mesures antérieures sont mal vues. Surtout les sorties intempestives de Moubarack Lô annonçant une baisse unilatérale. «Les options de ce gouvernement en matière économique, on ne peut pas les lire. C’est de mauvais signaux qu’on donne. Le Sénégal sera blacklisté dans le Doing Business», prévient le conseiller du groupe Mimran.
Estimant qu’on ne peut avoir l’énergie la plus chère au monde et un Code des impôts qui remonte les impôts de 25 à 30% et multiplier encore des choix économiques hasardeux. «Si au nom d’engagement de campagne électorale on en arrive à mettre les gens à genoux, je crois qu’on commence à perdre la raison», tacle Lamotte. «Quand Niasse dit que les prix on ne peut pas les baisser, il donne une part à la raison», ajoute-t-il.