LA DÉLINQUANCE FINANCIÈRE S’ACCROÎT
RAPPORT CENTIF 2013
115 dossiers sur 123 déclarations de soupçons ont été traités par les services de la Centif en 2013. Soit une progression de 16 % comparé au précédent exercice. Une délinquance financière qui n’a de cesse de progresser au rythme de l’impunité.
La délinquance financière continue de grimper en flèche au Sénégal. D’après le rapport annuel de la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF), le nombre des déclarations reçues en 2013 a progressé de 16,67% par rapport à son niveau de l’année précédente où il s’était établi à 96 unités. Un chiffre qui n’avait jusque-là pas été égalé et qui confirme une tendance nettement à la hausse. Au total, les investigations pour l’exercice 2013 font état de 115 dossiers traités qui se rapportent à 123 déclarations de soupçons.
La progression des infractions liées aux différents types de délinquance financière (détournements, escroqueries, corruption, etc.) est particulièrement forte. En effet, les principaux indices ayant motivé les déclarations de soupçon portent sur l’escroquerie (58%), le faux et l’usage de faux (21%), le recyclage d’argent issu du trafic de drogue (4%), détournement de deniers publics (4%), la corruption (4%), etc.
Aussi, les types d’opérations sur lesquels portent les soupçons sont également en forte progression. Entre autres il y a les virements internationaux en entrée (63%), les transactions via les systèmes de transfert rapide d’argent (8%), les versements d’espèces (21%), les remises de chèques à l’encaissement (4%), les virements bancaires locaux (4%).
Illustration la plus manifeste : les investigations de la Centif ont permis de débusquer la très cocasse histoire d’une étudiante sénégalaise -dont l’identité n’a pas été révélée- et qui s’est retrouvée au bout de quatre mois avec un compte d’épargne bien garni d’un montant d’un milliard de francs CFA. Et ce, en temps record, via un système de transfert d’argent international, plusieurs versements en espèces de plus de 100 millions de FCFA, ont été effectuées par différentes personnes sur le compte de la jeune dame.
A l’origine de ces résultats, le concours indispensable des banques et autres institutions financières. Au cours de l’année 2013, la Cellule a ainsi reçu cent douze (112) déclarations de soupçon provenant des banques (94, soit 84% de l’ensemble), des systèmes financiers décentralisés (14, soit 13%), des notaires (1) et de diverses autres structures (3).
Les rapports s’empilent, l’impunité persiste
Sur les 115 dossiers traités par la Centif, 24 rapports ont été envoyés au Procureur de la République entre le 1er janvier et le 31 décembre 2013, conformément aux dispositions de l’article 29 de la loi n°2004-09, note ledit rapport.
En attendant de connaître un suivi «rigoureux», 87 autres dossiers ont fait l’objet de classement en l’absence d’éléments confirmant les soupçons ayant motivé la saisine de la CENTIF. Néanmoins, la reprise des investigations reste possible si des faits ou éclairages nouveaux les concernant venaient à être connus de la Cellule.
Mais, c’est compter sans les lenteurs administratives et le laxisme des autorités. Que n’a-t-on pas entendu sur les dépassements budgétaires, sur les rapports de l’Ige, de la Cour des comptes et, dernièrement, sur la traque des biens mal acquis. De beaux discours assurément, après la publication de chaque rapport. Seulement, les faits sont bien têtus. Les graves révélations de ces rapports sont rarement suivies de décisions à leur juste mesure. Encore que les pouvoirs publics actuels accordent une impunité croissante à la délinquance économique et financière.
Sur la période allant de 2005 à 2013, la Centif renseigne avoir reçu un volume cumulé des déclarations de soupçons qui s’établit à 673. Il est constitué, de manière prépondérante, des signalements faits par les banques dont la part représente 85%. Les autres déclarants sont les administrations financières (8%), les Systèmes Financiers Décentralisés SFD (4%), les notaires (2%), etc.
Au total, seuls cent huit (108) rapports ont été transmis à la justice depuis 2005, date de démarrage des activités de la CENTIF.
Sur la base des informations disponibles, quatre (4) dossiers émanant de la Cellule ont été jugés durant l’année écoulée et ont abouti à trois (3) décisions de condamnation et une de relaxe. Très insuffisant !
Les procédures judiciaires enclenchées depuis 2005 ont abouti, à la fin de l’année 2013, à treize (13) décisions de condamnation, huit (8) de non lieu, une (1) d’incompétence et deux (2) de relaxe. Au regard de ces résultats, le processus de pénalisation reste très long et plutôt inefficace. Force est donc de constater que, derrière les discours, la délinquance économique et financière est de moins en moins contrôlée et sanctionnée au Sénégal.
Par ailleurs, dans ce rapport 2013, la Centif précise que la qualification éventuelle des faits comme infraction est du ressort exclusif de l’autorité judiciaire.
En d’autres termes, l’Etat du Sénégal est donc invité à prendre toute la mesure des recommandations révisées du Groupe d’Action financière (GAFI) relatives à l’obligation, pour les Etats, d’évaluer et de maîtriser les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
Pour l’année 2014, les recommandations de la Centif prévoient de s’inscrire dans le cadre de la réalisation d’un plan d’actions annuel, lui-même élaboré sur la base du projet de Document de stratégie nationale de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme pour la période 2013-2017.
De même, dans le but d’amener tous les assujettis à remplir leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, la CENTIF envisage de poursuivre, en 2014, sa campagne de sensibilisation en direction de certaines catégories d’entre eux qui, jusqu’ici, ne lui communiquent pas d’informations.
Escroquerie, faux, usage de faux, complicité, etc.
Les cas traités par la Centif en 2013 ont été regroupés en 4 catégories sur la base de certains éléments communs. Il s’agit, entre autres, du faux et de l’usage de faux, en premier. Ensuite, de la participation ou la complicité de personnes politiquement exposées à la commission d’actes supposés délictueux, enfin des transactions financières avec l’étranger portant sur les sommes potentiellement illicites et l’escroquerie. Outre la troublante affaire de la «richissime» étudiante, la Centif fait état d’un certain nombre d’anomalies relatives à des transferts rapides d’argent en provenance de l’étranger.
Selon le rapport, l’analyse desdites opérations a révélé l’utilisation de documents d’identification portant les mêmes numéros et présentés par différents bénéficiaires. L’identité reprise dans les passeports utilisés à l’occasion du retrait des fonds a facilité la tâche à la Centif, qui n’a pas hésité à transmettre un rapport au procureur de la République.
L’usurpation de la propriété d’une œuvre d’art et le faux et usage de faux en écritures privés ou encore des détournements de fonds font également partie des manœuvres criminelles démasquées par la Centif en 2013. Il en est de même des détournements de derniers publics liés au partage d’actions par une société parapublique au profit de Personnes politiquement exposées (Ppe).