"LA DICTATURE DE CEUX QUI NE SAVENT PAS"
Réplique du ministre de l'Agriculture à ceux qui remettent en cause l'objectif de l'autosuffisance en riz en 2017
Face de la commission Développement et Aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, vendredi dernier, le ministre de l’Agriculture et de l’Aménagement du territoire a dit ses vérités au sujet de l’autosuffisance en riz pour 2017 et du débat qui s’est installé autour de l’atteinte ou non de cet objectif depuis qu’il a été proclamé par le chef de l’Etat, lors de sa tournée dans la vallée du fleuve Sénégal, à la fin du mois d’octobre 2014. Il faut dire que le ministre a fait feu n’a pas été tendre avec ceux qui critiquent l’objectif, dans un compte-rendu fait par le site «dakaractu».
Rappelant que cet objectif d’autosuffisance en riz en 2017 ne date pas de la tournée du président de la République dans le Nord, mais a été avancé depuis la Dpg de Mimi Touré, Papa Abdoulaye Seck s’en est pris à ceux qui théorisent l’impossibilité d’atteindre cet objectif en dénonçant la «dictature de ceux qui ne savent pas et nous imposent leur point de vue». Selon lui, «ces personnes ne sont pas au courant de ce qui se passe à travers le monde».
COTE D’IVOIRE, NIGERIA, GAMBIE, RWANDA, MADAGASCAR VEULENT L’AUTOSUFFISANCE ENTRE 2015 ET 2017
Il explique que la Côte d’Ivoire veut atteindre l’autosuffisance en 2016 en produisant 1,9 million de tonnes de riz blanc (presque le double de l’objectif du Sénégal de1,080 million de tonnes) en multipliant par 4, 25 son niveau actuel. Mieux, elle vise 2, 1 millions de tonnes de riz blanc à l’horizon 2020. En Gambie, dit-il, le Président Jammeh a décidé l’arrêt des importations à partir de 2015, de multiplier par 7,72 sa production pour être autosuffisant en 2016. Au Nigeria, la production devra être multipliée par 4 au moins pour l’objectif d’autosuffisance en 2017-2018. Au Rwanda, c’est pour 2015 avec une production à multiplier par 1.55 alors que pour Madagascar, c’est une production à multiplier par 3. Autant d’exemples qui lui font dire que «ceux qui sont en train, aujourd’hui, de nous dire que l’autosuffisance est impossible parce qu’on doit faire un bond important avec un coefficient multiplicateur de 4 sont en déconnexion avec ce qui se passe à travers le monde. Et, ils sont en train de sousestimer les intelligences des Sénégalais».
EN VUE, «UNE CRISE RIZICOLE PROFONDE A PARTIR DE 2020»
Et pour le ministre de l’Agriculture, ceux qui savent prédisent «une crise rizicole profonde à partir de 2020», que l’Asie qui fait 77% des exportations de riz, commence à importer et «va être un continent importateur net de riz vers 2020», que la Chine entre en jeu et «ne serait-ce reste qu’avec 5% à importer, c’est toute la part de l’Afrique en matière d’importation que les Chinois vont prendre». Et ayant visiblement assez de tout ce qui se dit, le ministre tape sur la table : «monsieur le président on n'est jamais prophète chez soi, mais je pense que je dois être écouté. Je suis le premier chercheur au monde à avoir prédit la crise rizicole de 2008. C’est vérifiable dans le site de l’Académie mondiale des Sciences. C’est dire donc, qu’on parle de choses qu’on maîtrise. Nous allons vers une autre crise».
«L’AUTOSUFFISANCE EN RIZ, EN 2017, N’EST PAS UN CHOIX FORTUIT, C’EST UNE CONTRAINTE»
Ainsi, dit-il, «la tendance actuelle au niveau mondial, c’est de tout faire pour se nourrir sur une base endogène (…) Donc, l’option de créer l’autosuffisance en riz, en 2017, n’est pas un choix fortuit, c’est une contrainte. Il faut qu’on y aille». Ainsi s’interroget- il devant les députés : «ceux qui veulent que nous continuons de dépendre des importations, est-ce qu’ils ont suffisamment supposé un déficit en riz ou un manque de riz lié effectivement à la turbulence du marché international ?» Son appréhension est grande. «Ça va créer des émeutes», ditil en dénonçant «ceux qui aiment mal leur pays».
Selon Dr Seck, «aimer mal son pays, c’est penser que son pays n’a pas le droit au développement, au progrès en passant par son agriculture». Pis, s’insurge-t-il, «dans ce secteur, il y a beaucoup de clans, beaucoup de factions qui existent depuis l’indépendance.Ils mènent une dictature sur l’ensemble des filières agricoles de notre pays. C’est ça la réalité!» C’est pourquoi il en appelle au «soutien des députés pour casser ces clans, ces factions et ces lobbies qui sont des facteurs qui ne sont pas de nature à favoriser l’émergence de notre agriculture ».
UN DEPUTE PLAIDE POUR QUE TOUS LES ACTEURS JOUENT LE JEU
Au sortir de la rencontre avec le ministre, un député membre de la Commission a plaidé pour que tous les acteurs de la filière jouent le jeu. Selon lui, à travers la tournée du chef de l’Etat et les éclaircissements du ministre, l’engagement de l’Etat à jouer son rôle est clair. «Il faut aussi que les producteurs et les autres intervenants qui ont dit qu’ils vont jouer leur rôle le fassent. Parce qu’il est important d’insister sur le fait que ce n’est pas l’Etat qui produit le 1,6 million de tonnes de paddy qui vont donner 1,08 million de tonnes de riz blanc. L’Etat est en train de créer les conditions pour que les gens soient dans les conditions optimales pour produire et atteindre l’objectif». Ce député de la majorité rappelle qu’«on n’est pas dans une économie collectiviste avec des fermes d’Etat ou autres, on est dans le libéralisme. Et il est bon que les gens sachent qu’à l’heure du bilan, ce ne sera pas seulement le bilan de l’Etat, mais celui de tous les acteurs qui interviennent dans la filière. L’Etat n’étant qu’un acteur parmi les autres».