"LA DPC NE PEUT QU’ALERTER. IL APPARTIENT A L’AUTORITE DE FAIRE SUIVRE LES PRESCRIPTIONS"
CAPITAINE CHEIKH TINE, CHEF DE LA DIVISION DES ETUDES ET OPERATIONS A LA DIRECTION DE LA PROTECTION CIVILE
Dans cet entretien, le capitaine Cheikh Tine nous parle du travail abattu par ses services, les risques ça et là de même que les limites objectives l’état de la Protection civile.
Comment procédez-vous pour identifier les édifices qui présentent un danger ?
Nous menons des visites de prévention et de contrôle, dont la périodicité dépend de la nature de l’établissement et du niveau du risque. Pour les établissements recevant du public (Erp), nous avons, tous les mois, un plan de visite pour la prévention et le contrôle. Il peut arriver qu’on nous saisisse par voie de plainte ou dénonciation sur un fait qui peut générer une catastrophe.
Ensuite, nous transmettons le dossier au gouverneur ou à l’autorité territoriale de la localité (c’est suivant le secteur, ndlr) et ce dernier peut instruire le préfet, afin de diligenter la commission auxiliaire ou bien la commission régionale. Il peut arriver que nous fassions nous-mêmes ce travail, si vraiment le risque est très important. A l’issue, nous dressons un procès-verbal que nous adressons aux autorités compétentes. A titre indicatif, en 2012, nous avons effectué plus de 450 visites de prévention.
Alertez-vous les autorités en temps réel ?
Oui. Nous sommes d’abord un organe d’alerte. Si le risque est là, imminent, nous alertons par voie de rapport les autorités sur la nécessité de prendre des mesures immédiates. Par exemple, pour l’immeuble qui abritait l’APS c’est nous qui avons demandé l’évacuation d’urgence car le risque est grand.
Pour la plupart des accidents et autres effondrements, vos services avaient déjà établi des rapports indiquant le risque et l’urgence de vider les lieux ou de réhabiliter. La DPC n’est-elle donc pas en partie responsable ?
Je ne dirais pas responsable, dans la mesure où la Protection civile n’est pas un organe répressif. C’est un organe de prévention et de prévision des catastrophes. A notre niveau, ce qu’on peut faire c’est de procéder à une visite, de relever les anomalies et d’édicter des prescriptions. Maintenant, le PV est transmis à qui de droit. Il appartient à l’autorité de prendre les dispositions qui s’imposent, mais nous, nous ne sommes pas un organe répressif.
Pour l’accident de Magic Land (enfant de trois ans décédé après une chute de dix mètres de la grande roue, ndlr), on parle d’un rapport de 2004 qui avait listé les défaillances ayant causé l’accident ?
Pour le cas de Magic Land, je n’ai pas vu le rapport qui a été fait pour savoir si cela porte sur le dispositif ayant occasionné l’accident, ou non. En tous les cas, au niveau de la protection civile, les visites sont menées normalement et les rapports sont établis et transmis à qui de droit. Il appartient à l’autorité de faire suivre ces prescriptions.
Mais à quoi cela sert-il de faire des rapports qui ne seront jamais suivis d’effets ?
C’est même frustrant d’abattre un travail aussi technique, aussi difficile, et qu’en fin de compte cela ne serve à rien. L’idéal serait de valoriser ces rapports en faisant respecter les prescriptions édictées. Cela nous encourage, nous motive et contribue même au respect des normes de sécurité. C’est dommage.
Actuellement, même les édifices publics font l’objet d’une visite de prévention, comme ce fut le cas pour le Ministère de l’Intérieur, par exemple. Nous y avons fait des constats et édicté des prescriptions et le ministre est en train de mettre en œuvre tout cela. Donc, c’est un problème de culture de la prévention et, en Afrique, nous n’avons malheureusement pas cette culture préventive qui pourrait nous éviter beaucoup de dommages.
La DPC a-t-elle réellement les moyens des ses ambitions, aujourd’hui ?
Nous en sommes conscients, avec les catastrophes qui évoluent, et nous travaillons beaucoup pour doter la Brigade nationale des sapeurs pompiers (BNSP), de moyens lui permettant de faire face. C’est vrai que nous sommes confrontés à un problème de personnel, mais avec le nouveau programme qui est décliné nous pensons que les effectifs seront bientôt gonflés.
Il y a aujourd’hui des drames latents comme le Canal Fann - Hann, les pipelines de la Sar, le marché Sandaga… Pourquoi rien ne se fait depuis ?
La Dpc ne peut qu’alerter et c’est dans ce contexte qu’on avait monté un dossier par rapport aux risques énumérés (Fann - Hann, Sandaga, pipelines de Sar...). Nous sommes allés plus loin en évaluant même le coût des indemnisations, ce qui n’est même pas de notre ressort. C’était vraiment pour pousser les autorités à agir. Pour les pipelines de la Sar nous avons identifié le nombre de maisons, évalué le risque et fait un dossier. Idem pour le marché Sandaga qui constitue aujourd’hui une bombe en plein Dakar.
Actuellement, pour le seul cas de Sandaga, nous sommes au moins à six visites de prévention. Donc, il y a six rapports que l’on a déjà transmis. Nous allons vers un Conseil interministériel uniquement sur Sandaga. Nous avons fait des reportages, des films, et tout ce travail a été mis à la disposition des autorités. Malheureusement, notre travail s’arrête à cela et nous ne pouvons pas aller au-delà.
Est-ce qu’il ne serait pas temps aujourd’hui que la DPC soit vraiment autonome ?
Il y a une proposition de la Cedeao qui, à mon sens, pourrait régler beaucoup de problèmes. Il s’agit de demander aux Etats de se doter d’une agence unique de gestions de catastrophes. Cette agence sera autonome non seulement sur le plan financier, mais elle sera dotée de moyens conséquents et pourra intervenir à tout moment, sans attendre l’avis de qui que ce soit. Dans des pays comme le Ghana, c’est le Nadmo, au Nigéria le Nema, etc.
Ce sont des agences structurées, bien dotées et qui peuvent intervenir sans attendre l’aide de personne. Au Sénégal, quand on est en face d’une catastrophe d’une certaine ampleur, nous sommes obligés de demander l’aide extérieure. Mais en attendant, que peut-on faire ? C’est cela l’intérêt d’une telle agence, qui sera dotée de moyens autonomes et pourra agir sans attendre. C’est une recommandation phare de la Cedeao. Dans les pays où ces agences existent, les résultats sont probants…
Il y a beaucoup de bâtiments qui menacent de s’effondrer à Dakar. Que fait la DPC face à ce risque ?
Il faut saluer l’effort de l’Etat qui recense, depuis un certain, les bâtiments menaçant ruine. Presque 200 bâtiments menacent ruine à Dakar et nous n’avons pas fini le recensement pour donner le chiffre exact. Ce travail est en train d’être finalisé et la deuxième étape sera la démolition.