LA DÉMARCHE RÉVOLUTIONNAIRE DU COLONEL AZIZ NDAW
Le livre d’Abdoulaye Aziz Ndaw Pour l’honneur de la Gendarmerie, (Tome 2) a jeté un vrai pavé dans la mare de nos mœurs et culture politiques. Et sans doute aura-t-il des répercussions innommables, pour l’heure même dans notre armature judiciaire et sociale. Les semi-révélations faites par l’ancien directeur de Cabinet Adjoint du Président Macky Sall, à l’émission «Grand Jury» de RFM, lèvent déjà un coin du voile sur les évolutions possibles de ce dossier ardent.
En apparence, les cercles de la Présidence de la République auraient eu connaissance de son contenu depuis 2013. Par quelles voies ? Pour quelles finalités ? Qu’en est-il du Président, lui-même ancien Premier ministre et ministre de l’intérieur ? Mystère et boule de gomme !
De toutes manières, la sortie publique du bouquin consacre la libération de la parole salvatrice au détriment de l’omerta, protectrice des intérêts particulier et au bout du compte, contre-productive. Une nouvelle forme de patriotisme, hors du classicisme institutionnel et dogmatique d’un ordre devenu ancien. C’est le chemin d’un nouvel ordre social et démocratique que le livre a réellement pris. Il vient fort à propos rappeler que les différents establishments peinards et pépères dans leur mode de gestion dans affaires publiques, ne pourront plus désormais dormir sur leurs deux oreilles, s’ils s’écartent des normes de gestion vertueuse.
Les managers des politiques publiques l’avaient déjà appris à travers des procès, avec les emprisonnements et autres sanctions pénales qui ponctuent la marche de la République.
Aujourd’hui, la hiérarchie militaire en fait la terrible découverte. Et ce quel que soit le sort qui sera réservé au téméraire Colonel dès qu’il foulera le sol sénégalais. Les graves accusations contre le Général Abdoulaye Fall ancien Chef d’Etat-Major Général des Armées, qu’il a osé imprimer dans le livre ne seront pas, à coup sûr, sans effet. Ni dans le landerneau politico-administratif encore moins dans les rangs de l’armée sénégalaise prise dans un grand tourbillon.
Cette Armée qu’on disait modèle et professionnelle, patriote et citoyenne a pris un sérieux coup au moral. Elle vient d’être ébranlée dans sa partie la plus sensible : la sécurité des Sénégalais face à un irrédentisme du MFDC abject et cynique. Les seuls soupçons de complicité au terrorisme à l’égard de cette grande institution, une fierté nationale suffit à atteindre son orgueil et installer le doute et la méfiance des Sénégalais. C’est sans doute, la seule faute qu’on peut imputer au courageux Colonel.
Mais est-ce vraiment que d’avoir choisi la légitimité populaire au détriment d’une légitimité politique et hiérarchique ? Si les incriminations contre le Général Abdoulaye Fall et les autres hauts gradés s’avèrent, il serait tout à fait superflu de faire valoir des procédures et principes réglementaires ou déontologiques, pour condamner un homme dont la démarche est en fin de compte prométhéen et révolutionnaire. A tout idéal, il faut un pionnier. Eh bien Aziz Ndaw est de ceux-là qui ont fendu l’armure et en remettant en cause ce que les militaires appellent, le commandement assuré.
Autrement dit l’inviolabilité du principe sacro-saint de la soumission à l’autorité dont la sacralité est privilégiée au détriment de l’intérêt supérieur de la nation. Notre sécurité n’est-elle pas plus sacrée que le respect formel des règles édictées par ceux-là qui ont tout intérêt à protéger leur situation ?
Nos deniers publics, nos richesses nationales ont été livrés aux terroristes du MFDC, pour favoriser les assassinats, viols et pillages dont ils sont l’auteur, ne sont-ils pas plus sacrés que l’honneur des généraux et la protection de leur statut.
Condamner Aziz Ndaw au nom du granitique principe de l’inviolabilité du secret professionnel, de l’insubordination, c’est marcher à contre-courant de l’histoire qui se déroule sous nos yeux. La justice militaire est une justice formelle professionnelle et forcément corporatiste. Elle s’inscrit dans la logique de l’armée. Et sa déontologie est strictement militaire. De même que sa prévalence ne trouve sa justification que dans le cadre restreint des pratiques militaires. Autrement dit, les dogmes attachés à cette culture.
Dans le cas d’espèce, il s’agit, si les accusations sont fondées, de prise illégale d’intérêt, de viol, de détournement, de concussion avec l’ennemi de la Nation et de trahison de serment militaire.
Dans une telle éventualité, la justice militaire seule ne saurait suffire à juger ces scandales d’une ampleur inouïe. Que cela implique l’obligation et la nécessité de l’audition de tous les responsables concernés et intéressés de près, c’est le prix à payer, pour sécuriser notre pays et extirper de nos institutions, ceux qui en fin de compte n’en sont que les faux garants. C’est une démarche cathartique et exorciste des maux qui gangrènent notre société.
C’est en cela qu’Aziz Ndaw, mérite, respect, protection et honneur, si la réalité de ses accusations est tangible. Et pour cela aucune piste ne doit être laissée au hasard pour arriver à la manifestation de la vérité. Notre démocratie a connu un basculement d’horizon, sans que nos dirigeants s’en rendent compte. Nous sommes en train d’évoluer d’une démocratie représentative formelle à une démocratie délibérative révolutionnaire, qui renvoie le pouvoir aux populations, dans une approche participative et non directive.
Toute entrave à ce changement de paradigme sera forcément surannée et coupable.