LA FRÉNÉSIE DU GASPILLAGE
Le président Macky Sall n’est pas Birima, ce personnage chanté par Youssou Ndour, dont la parole est si mesurée qu’il ne fait de déclaration qu’une fois par an. Macky Sall est même l’antonyme de Birima. On l’entend partout et presque sur tout.
Sa charge l’y oblige mais il est nolens volens* obligé de frotter les oreilles des Sénégalais pour qu’ils comprennent ses messages. Des communications souvent placées sous le sceau de la redondance mais la répétition est pédagogique… Toujours répéter. Particulièrement quand vous êtes en face d’un peuple qui se laisse aisément gagner par la frénésie du gaspillage.
Le propre de nos compatriotes est, en effet, de n’estimer que ceux qui les chantent. Du miel à l’oreille, cela ils adorent. Mais quand vous leur crachez des vérités, ils se bouchent les oreilles et vous promettent l’enfer.
Vivre au dessus de ses moyens a toujours été le propre des Sénégalais. Dépenser sans compter est une pratique bien ancrée chez nous. Un culte de la personnalité, véritablement érigé en mode de vie, auquel on échappe difficilement. Tout est bon pour plonger dans les travers du m’as-tu-vu. Des pratiques superficielles qui plombent le mieux-être des uns et des autres.
Car le pire dans cette manière d’être est que l’on entraîne tout le monde dans ses dérives. Tabaski, Tamkharite, Korité, Noël, Jour de l’an, les célébrations familiales, religieuses, les anniversaires, les soirées artistiques…, tout est bon pour festoyer à grand renfort de dépenses faramineuses. Le coût est terrible pour les cellules familiales. De fil en aiguille on en vient à solliciter, puis à subir, le joug des usuriers et l’enchaînement devient infernal.
Macky Sall a dénoncé le gaspillage, exercice favori des Sénégalais. Une pratique tellement ancrée dans notre cher pays que la question résultant de ce constat est : que faire pour échapper à ce corset que nous impose une société dispendieuse ?
Si le niveau de vie de nos compatriotes le permettait, cela aurait pu être toléré mais à la vérité quand on se surdimensionne, gare à la bulle qui éclate. Classé à la 144e place sur 169 à l’indice de pauvreté, le Sénégal qui aspire à faire partie des nations émergentes continue à être tiré vers le bas par les mauvaises pratiques de ses fils qui gaspillent à tout-va et ne travaillent pas assez.
L’application laxiste de la loi sur le gaspillage a souvent été décriée. En 2011, une révision de la loi était envisagée. Le gaspillage de l’électricité, de l’eau mais surtout dans les cérémonies familiales, était au cœur de la problématique.
Benno bokk yaakaar la coalition des coalitions qui a porté Macky Sall et qui s’est retrouvée le week-end dernier pour être informée des réalisations et des chantiers du président de la République, doit s’approprier de la lutte contre le gaspillage. Le Plan Sénégal Emergent n’impactera que si les Sénégalais changent de mentalité.
Il est important que la centaine de leaders politiques qui accompagnent Macky Sall comprenne que le premier des combats est celui consistant non pas à bâtir une nouvelle citoyenneté mais à retrouver les meilleures valeurs qui ont forgé le Sénégal. Plus de 25 000 organisations féminines existent au Sénégal. Il s’agit également de les impliquer à l’image des "badianou gokh" pour porter le message du combat contre le gaspillage, qui est un phénomène nocif.
Au Sénégal ce fléau, subrepticement mais inexorablement, conduit nombre d’individus et moult familles, à des comportements innommables que la pudeur nous interdit d’évoquer dans ces colonnes. On nous permettra simplement d’évoquer la prostitution qui est devenue une véritable lame de fond dans la société sénégalaise.
Macky Sall a eu raison de soulever la question ; mais, M. le président de la République, il vous faudra vous impliquer davantage en révisant la loi sur le gaspillage et en la faisant appliquer dans toute sa rigueur. La balle est dans votre camp.
* Qu’il le veuille ou non