LA GRANDE CACOPHONIE
Grève des enseignants, suite ou fin ?
Avant-hier, le Grand cadre des enseignants a levé son mot d'ordre de grève, suite à un accord avec le gouvernement. Mais à la surprise générale, le syndicaliste Mamadou Lamine Dianté a annoncé hier la poursuite du mouvement. Ce qui a surpris certains de ses camarades comme Dame Mbodji. Le flou est donc réel. La sortie médiatique prévue aujourd'hui sera donc édifiante.
Larges sourires, poignées de main chaudes, des documents qui circulent d'une main à l'autre pour que des signatures y soient apposées. Le tout sous le crépitement des flashs des appareils photos. L'ambiance, finale du moins, a été joviale jeudi dernier à l'issue de la rencontre entre le Premier ministre et les enseignants. Le Grand cadre des syndicats d'enseignants a annoncé avant-hier la suspension de son mot d'ordre de grève, après quatre heures de négociations. On croyait que la raison avait donc fini par l'emporter sur la passion. Mais que nenni.
La joie sera de courte durée. En moins de 24h après avoir apposé leur cachet, le coordonnateur du Grand cadre prône un wax waxeet version enseignants. Motif : le gouvernement n'a pas respecté ses engagements sur la ponction des salaires. Ce qui était vu comme une victoire du Sénégal et de l'école sénégalaise par le ministre de la Fonction publique, Viviane Bampassy, est en train de se transformer en un cauchemar national. Joint par téléphone hier dans l'après-midi, Mamadou Lamine Dianté s'est limité à prendre date. "Demain, je fais une déclaration", annonce-t-il.
Il y a pourtant des membres du Grand cadre qui ne trouvent aucune logique dans la volte-face du coordonnateur Dianté. "La levée du mot d'ordre n'a rien à voir avec les ponctions. Elle découle de l'engagement pris par le gouvernement. Les ponctions ne nous gênent pas parce que c'est légal", rectifie Dame Mbodji, le secrétaire général de l'autre Cusems, membre du Grand cadre. Ses camarades Moussa Diène de l'Organisation des instituteurs du Sénégal (Ois) et Papa Madou Kane du Syndicat des enseignants libres du Sénégal (Sydels) sont aussi très remontés contre le patron du Grand cadre. Le flou est donc réel.
Afin sans doute d'harmoniser les positions, une plénière devait avoir lieu hier à partir de 17 h entre les secrétaires généraux membres du cadre unitaire. Une conférence de presse est prévue aujourd'hui à 10h, si l'on en croit Dame Mbodj. Le lieu devrait être déterminé au cours de cette rencontre. Mais en attendant, notre interlocuteur indique déjà la voie. "Nous ne pouvons pas signer hier et changer d'avis aujourd'hui. Le Pm a accepté la formulation des enseignants. Donc officiellement le mot d'ordre est levé."
Pourtant, cette fois-ci, les camarades de Mamadou Lamine Dianté ont estimé que le gouvernement a pris suffisamment d'engagements qui sont de nature à les ramener dans les classes. Précisons d'abord que tous les points avaient trouvé un accord auparavant, sauf la question des indemnités de logements qui était donc la pomme de discorde. Le Grand cadre affirme avoir voulu ce qu'il attendait du gouvernement. C'est-à-dire un engagement de sa part à prendre en compte cette question. Les deux parties ont donc retenu le principe de l'ouverture de négociations après la publication de l'étude sur le régime salariale et indemnitaire des fonctionnaires. Si l'on en croit le coordonnateur, le gouvernement a accepté de partager avec eux la table de négociations afin de discuter sur la base des résultats du travail confié à un cabinet. "Je rappelle que les enseignants n'ont jamais demandé qu'on leur donne de l'argent tout de suite. Mais plutôt qu'il y ait un accord de principe du gouvernement", précise M. Dianté.
Sauvetage de l'année : "2012 était plus compliqué"
Les lignes ont donc davantage bougé et cela a abouti à la signature d'un protocole d'accord qui, d'après le coordonnateur, a un avantage de taille sur celui du 17 février 2014. En effet, ici c'est le premier ministre Mahammed Dionne en personne qui s'est porté garant de la matérialisation des décisions arrêtés. Le protocole en question a pris en charge les cinq questions essentielles de la plate-forme revendicative des enseignants. Ainsi, pour la formation diplômante, les concernés vont pouvoir démarrer en 2015. A propos de la validation des années de volontariat et de contractualisation, l'ouverture des dépôts est prévue à partir du 15 mai 2015. Sur la question de l'habitat social, Dianté et ses camarades estiment avoir eu "d'avantages de précisions". Quant à la gestion démocratique du personnel, l'acquis traditionnel a été restitué. Le dernier point est l'indemnité de logement sur lequel un accord de principe a été trouvé.
A la sortie de la rencontre d'avant-hier, il ne restait donc que l'autre partie du Cusems dirigée par Abdoulaye Ndoye comme syndicat qui soit en grève. Contrairement aux autres formations qui exigent un relèvement des indemnités de logement, eux veulent un alignement sur les autres fonctionnaires. Le ministre de la Fonction publique les appelle à suivre la nouvelle dynamique. Elle a ajouté cependant qu'il y a une ligne que le gouvernement ne peut pas franchir. Mais si l'on se fie à Dame Mbodji, le rival de Ndoye, il n'y a pas de soucis à se faire. "La grève-là, c'est le Grand cadre en réalité. Vous allez voir sur le terrain. Le gouvernement a les informations et sait que c'est la grève du Grand cadre". Autrement dit, le Cusems n'a pas un poids pouvant perturber l'école publique.
Reste maintenant le rattrapage du temps perdu. La question n'a pas été abordée en plénière, d'après Dame Mbodj. C'est plutôt au ministre de tutelle de prendre les initiatives. "C'est à lui de convoquer pour qu'on discute des modalités de mise en œuvre", souligne-t-il. Dans tous les cas, les acteurs n'ont pas de crainte à ce niveau. Mamadou Lamine Dianté est convaincu qu'ils y arriveront. Sa conviction est fondée sur le fait que l'année 2012 a été plus compliquée et pourtant, les élèves ont pu terminer l'année. Mais à quel prix ?'
Salaires et demandes d'explications
Que de manœuvres pour casser le mouvement des enseignants ! Il nous revient que l'État n'a pas lésiné sur les moyens. Y compris en utilisant la bonne vieille arme de la division. "Diviser pour mieux régner", si les coupures ont en effet été opérées sur le salaire des enseignants grévistes qui n'ont pas fait cours, les responsables syndicats, on ne sait pour quelles raisons, ont curieusement été…épargnés par ces coupures. De quoi créer des problèmes et semer la division. "Pourquoi on nous coupe les salaires tout en préservant les vôtres ?", se sont interrogés les enseignants à la base qui se sont empressés de leur demander de revenir sur l'accord signé avec l'État. Le gouvernement a aussi joué sur les rétentions de notes qui n'avaient jamais connu de suites du temps de Wade. Cette fois des demandes d'explication ont été distribuées à la pelle. Craignant le pire, certains se sont empressés de débloquer la situation en déposant les notes à la bonne place. C'est dire que malgré les apparences, l'État a fait preuve de beaucoup…d'agressivité. Seulement, malgré tout, la situation reste encore tendue…
ACCORD ENTRE GOUVERNEMENT ET SYNDICATS
LES TERMES DU PROTOCOLE
L'accord entre le gouvernement et les syndicats consigné dans un PV ressemble à bien des égards à un moratoire. Sur plusieurs questions, des engagements ont été pris et leur effectivité bien datés. EnQuête vous offre un aperçu.
Jeudi dernier, le gouvernement a signé un accord avec les syndicats d'enseignants. EnQuête a pu entrer en possession du document et l'a parcouru. Sur la question de la validation aux 2/3 des années de validation et de volontariat, de vacation et de contractualisation, le dépôt des dossiers débute le 15 mai, après une réunion du comité ad hoc le 5 mai. A l'issue de la rencontre, la commission déterminera la composition du dossier et les procédures de dépôt. "Le comité ad hoc se réunira sans délai pour étudier le niveau, les modalités et les conditions de prise en charge de la revendication relative au paiement du rappel, en tenant compte de sa soutenabilité par les finances publiques. Il rendra ses conclusions au plus tard le 30 juin 2015", lit-on dans le document.
Concernant les lenteurs administratives, des mesures sont arrêtées pour la prise en charge diligente des actes de la Fonction publique. En plus, un dispositif au ministère de l'Economie et des Finances pour le chargement de tous les actes issus de l'opération coup de poing. "Le ministère de l'Economie, des Finances et du Plan procédera au paiement du reliquat des rappels d'intégration d'un montant d'un milliard six cents millions entre le 29 mai et le 31 juillet 2015", s'engage le gouvernement.
A propos de la formation diplômante, 21 678 instituteurs-adjoints en bénéficieront dès août-septembre 2015, "à partir d'une situation de référence établie par le ministère de l'Education nationale". Si les 200 millions ne suffissent pas, l'État s'est dit prêt à consentir à une rallonge et la formation se fera dans les lycées si les centres de formation régionaux ne sont pas disponibles.
Pour les diplômes spéciaux, la commission ad hoc devait se réunir pour la première fois le 15 avril dernier (sauf s'il y a erreur sur la date). Ses conclusions sont attendues un mois plus tard et seront partagées avec les syndicats d'enseignants.
Ces derniers veulent que la formation débute le 15 juillet prochain. Le gouvernement a promis de prendre les dispositions nécessaires pour que cette formation ait lieu durant cette année scolaire en cours.
La SONES et la SENELEC réunies le 15 mai
Sur l'habitat social, la commission sera convoquée le 15 mai pour travailler sur la question. Les différentes ZAC sont identifiées. Pour celle de Kounoune, le titre foncier est déjà établi. Les bénéficiaires peuvent aller signer leur bail au bureau des domaines de Rufisque. "Le gouvernement réunira la SONES et la SENELEC au plus tard le 15 mai pour rendre l'alimentation en eau et en électricité effective".
Pour les autres ZAC à Kaolack, Thiès, Saint-Louis, Louga, Richard Toll, Tivaouane, Ourossogui et Kolda, les 800 millions nécessaires seront inscrits à la prochaine loi de finance rectificative. Quant aux ZAC de Ziguinchor et Lac rose, elle demande respectivement une enveloppe de 2 milliards et 1,5 milliard. L'argent "sera programmé dès que possible sur la base d'un schéma d'aménagement qui sera proposé par le ministère en charge de l'Urbanisme. Enfin concernant le personnel enseignant, la commission gestion démocratique sera tout bonnement réactivée.