LA JUSTICE DOIT FAIRE LA LUMIERE SUR L’ARGENT INJECTE DANS L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
TROIS QUESTIONS A BIRAHIM SECK DU FORUM CIVIL
Dans cet entretien, Birahim Seck du Forum civil évoque la question de l’inefficacité des marchés publics soulevée par les autorités et affirme qu’il en est rien. Pour lui, l’Etat du Sénégal qui veut s’engager dans une reconstruction des routes coupées à Fatick va gaspiller les deniers publics en perdant des centaines de millions. Il exige aussi la lumière sur les rapports des universités qui épinglent les plus hautes autorités de l’Enseignement Supérieur.
L’As : L’inefficacité du code des marchés publics est soulevées par les autorités qui parlent de lourdeurs et de lenteurs, mais vous n’êtes pas d’accord pourquoi ?
Birahim Seck : Il s’agit d’une lourdeur imaginaire. Elle n’est pas objectivement prouvée. Si lourdeur il y a ce n’est du côté du code des marchés publics mais plutôt de celui des personnes responsables des marchés publics. En effet, ce sont les agents impliqués dans les évaluations des marchés publics qui ne respectent pas les délais prescrits par le code des marchés. En plus la plupart des ministres, les directeurs d’agences ou d’organismes publics, les directeurs d’établissements publics et parfois le Premier ministre ne approuvent très tardivement les marchés, et veulent l’imputer au code des marchés. Les rapports d’audit de la gestion 2011 de l’Autorité de Régulation des Marchés publics et ceux des gestions passées en donnent des exemples. Depuis que les autorités en parlent aucune preuve n’est apportée pour conforter la lourdeur qu’elles évoquent. Ce sont elles qui tardent dans l’évaluation des offres et dans les approbations des marchés. Pour faire passer leur gré à gré injustifié et néfaste pour le trésor public, elles ont tendance à incriminer la Direction Centrale des Marchés publics. Par exemple, que vaut un délai un délai de dix 10 jours, pour contrôler un dossier d’appel d’offre d’un marché d’un milliard, de 5 milliard ou de 10 milliard qui doit être exécuté sur deux trois ans ?
En plus, l’intelligence des marchés publics n’acceptent pas qu’on cumule, les délais prescrits dans le code pour dire que pour un marché il faut normalement 128 jours pour passer un marché. C’est méconnaitre les textes et les principes qui guident les marchés publics. En effet, si on donne à un ministre 30 jours pour approuver un marché ou une commission des marchés un délai de 15 jours pour évaluer un marché, la règlementation leurs interdit de consommer ces délais. Je renvoie aux personnes responsables des marchés au décret n°2005-576 du 22 juin 2005 portant Charte d’Ethique et de transparence en matière de matière de marchés publics. Ce texte dit une circulaire du Premier ministre serait nécessaire pour rappeler ce décret qui semble littéralement oubliés par les personnes responsables des marchés publics.
En réalité, ce sont les autorités qui doivent faire preuve de célérité dans le respect des délais prescrits par le code. En plus ce qui est inconcevable est que c’est qu’au Sénégal dans l’espace Uemoa qui est à ce niveau du débat sur les marchés publics, alors que le Burkina Faso qui table sur 7% de croissance a transposé les mêmes directives de l’Union Economique et Monétaire de l’Ouest Africaine au titre que le Sénégal. Mieux vaut former efficacement et de façon ciblée les agents opérationnels dans les procédures des passations que de se défausser sur le code des marchés publics.
Vous avez aussi critiqué les méthodes utilisées par l’Etat dans l’attribution du marché de la reconstruction des routes coupées de Fatick. Pourquoi exactement ?
Souvent les gouvernements profitent de ces situations comme la coupure des routes et des intempéries pour verser dans la violation de la réglementation des marchés publics. De ce fait, c’est le contribuable sénégalais qui va en pâtir et va voir ses deniers dilapider. Si l’on n’y prend pas garde, la réglementation des marchés ne sera pas respectée pour sauvegarder nos deniers. Tous les ingénieurs en génie civil sérieux sont d’accords que pour quand ces situations se présentent, il faut des mesures provisoires de rétablissement des routes coupées.
C’est valable pour Fatick, Djilass, Thiadiaye ou ailleurs. En toute objectivité, ces routes ne pourront pas être réfectionnées en moins de 5 mois. Donc pourquoi vouloir confier les travaux à des ciblées. Alors qu’une consultation entre des entreprises est belle et bien possible. De plus, à combien s’élève les montants que les autorités veulent payer aux entreprises qu’elles veulent confier l’exécution de ces travaux ? Quels sont les montants réels ? Ce sont ces pratiques mafieuses des exécutants qui finiront par tomber sur la tête du Président de la République ou de son Premier ministre. A ce rythme, le contribuable sénégalais perdra frauduleusement plusieurs centaines de millions.
Actuellement, la polémique fait rage entre le Saes et ministère de l’Enseignement Supérieur sur l’utilisation des milliards injectés dans l’enseignement privé pour l’orientation des bacheliers. Qu’est ce que cela vous inspire ?
Le Saes a tout à fait raison de demander des comptes au gouvernement sur l’argent injecté dans l’enseignement supérieur pour la prise en charge des bacheliers orientés dans les universités privées. Les dirigeant du Saes n’ont usé que des dispositions des articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et des peuples qui fait partie intégrante du préambule de notre constitution qui prône la bonne gouvernance et la transparence. Il ne devrait y avoir même pas de polémique. Les autorités devraient même rendre compte avant que le Saes ne le demande. Les étudiants également doivent demander des comptes parce que les services sont pour eux.
De plus, mon étonnement est plus grand sur le silence affiché par le gouvernement par rapport aux différents audits publiés sur l’enseignement supérieur qui intéressent les autorités de l’enseignement supérieur et au plus haut niveau. C’est grave et inquiétant au moment où nous dit que l’Etat veut injecter 302 milliards dans le domaine de l’enseignement supérieur.
La justice traque des citoyens sénégalais et quand on produit des audits qui intéressent les membres du gouvernement ou des administrateurs, l’Etat ferme les yeux. Ce sont ces pratiques que les Sénégalais ont combattues. La justice sénégalaise doit également faire la lumière sur l’argent injecté dans l’enseignement supérieur. Les rapports d’audit sont là. Cependant la Banque mondiale est également interpellée car il ne sera logique ni acceptable que de l’argent soit à nouveau injecté sans que la vérité ne soit connu sur les faits invoqués dans ces rapports d’audit sur l’enseignement supérieur. Le Saes est bien dans son rôle et il appartient à l’Etat d’éclairer les Sénégalais si on veut avoir un enseignement supérieur de qualité dans un espace de sérénité et de lumière.