LA PATRIE AU-DESSUS DES LOBBIES
Le nouveau Premier ministre et son équipe connaissent les attentes des Sénégalais puisqu’ils ne sont pas si nouveaux que cela en vérité. En dehors de la feuille de route de rupture, de changement, de transformation sociale, d’efficacité et de résultats sous peine d’être limogés par le peuple, Mahammed Dionne doit trouver des solutions et non pas nous abreuver de mirifiques discours stériles somme ses prédécesseurs.
La propagande, merci, on a déjà donné. Nous voulons des résultats, rien que des résultats : nous ne voulons pas d’explications ni de justifications. Assez de glose et de prose : de l’action, du résultat, de l’aboutissement !
Evidemment, c’est très impératif mais les Sénégalais ont assez attendu, assez espéré, assez patienté depuis le temps qu’ils avaient décidé de limoger le Parti Socialiste et d’essayer autre chose : Wade tout seul et Sall avec l’opposition de gauche maintenant.
Le Premier ministre est un homme du sérail et il sait ce qu’il peut faire avec les ressources techniques, humaines et financières qui sont mises à sa disposition pour réussir sa mission. S’il échouait, ce que la nation ne lui souhaite pas bien entendu, ce serait purement et simplement de sa faute d’abord avant que l’on invoque à sa décharge la fameuse « conjoncture internationale » pour expliquer ses déboires éventuels.
Ce serait également la faute du président de la République qui n’aurait pas su capitaliser cette dernière chance de pouvoir faire tandem avec un chef du Gouvernement acquis à sa cause et bien apprécié de l’opinion.
Ce serait la faute à un Macky Sall plus intéressé par un second mandat que par la bonne gouvernance de ce premier mandat, plus passionné de politique que par l’émergence de la nation sénégalaise dont il a la responsabilité suprême, plus captivé par les combinaisons que par le destin de cette belle et grande nation africaine qu’est le Sénégal.
Bref, ce serait entièrement de la faute du président Macky Sall s’il se comportait en politicien de la 4ème République française plutôt qu’en homme d’Etat.
Dans cette éventualité, nawon fawon rek : limogeage prématuré par les urnes un funeste dimanche de mars, calmement et sûrement, par un peuple mûr et conscient. Dans l’éventualité où le président Sall serait pris de la convoitise d’oublier son engagement de ramener la durée du mandat présidentiel au démocratique et raisonnable seuil de cinq ans, la séparation risquerait d’être moins consensuelle. Mais qu’en disent les Saltigués ?
Le président de la République et son Premier ministre ont toutes les cartes en main pour terrasser le chômage massif et la pauvreté dans la société sénégalaise, pour mettre la nation en orbite sur la voie de l’émergence, pour opérer les transformations sociales qui feront du citoyen sénégalais un agent social et économique de ce changement, avec les ressources dont le Sénégal dispose et les moyens du marché financier international et de la coopération multilatérale qu’ils peuvent mettre à profit judicieusement et efficacement.
Parce que notre pays possède ce qui peut faire défaut ailleurs : des ressources humaines bien formées, qualifiées et à haute valeur ajoutée dans beaucoup de domaines. Malheureusement, là où le bât blesse, la plupart de ces ressources sont mal utilisées, mal valorisées, voire combattues sinon exilées à l’étranger par la masse critique de médiocres qui nous dirigent.
Celles qui résistent sont marginalisées ou se marginalisent par leur droiture, tandis que d’autres perles rentrent dans le moule de médiocrité et deviennent des délinquants à col blanc, identifiés ou non par la justice.
Nous possédons tous les atouts de l’émergence et avons la capacité d’emprunter, nous sommes un pays africain au carrefour des idées, des flux de toutes sortes, des routes internationales, nous avons un riche passé glorieux, nous sommes un maillon important de la communauté internationale et du continent africain hier et aujourd’hui, ce qui nous manque c’est la bonne gouvernance, une fierté bien placée et le patriotisme.
La preuve, après la présidence et le gouvernement pourris de Wade, la police pourrie, la justice pourrie, la presse pourrie, voici maintenant la gendarmerie pourrie gâtée. Tout est pourri ! Il faut noter que ce pourrissement assorti d’un pillage sans nom a trouvé son plein épanouissement sous le magistère de Wade et qu’il n’avait pas été combattu.
C’est au magistère de Macky Sall que l’on doit la traque des pilleurs de biens publics, une exigence populaire unanime à l’époque. Cela reste d’ailleurs une des réussites pour le moment du bilan du Président : la fin de l’impunité dans l’enrichissement illicite, la loi sur la baisse des tarifs locatifs, la non-dépénalisation de l’homosexualité (que l’on peut pratiquer en toute discrétion toutefois).
Un bilan chétif au vu des attentes populaires principales : du travail, de l’eau, de l’électricité, de la santé, de la mobilité, et secondaires : des réformes institutionnelles consensuelles pour une séparation et une indépendance des pouvoirs, pour des critères de compétence et d’intégrité morale dans le recrutement public, pour un respect de la déontologie et de l’éthique dans l’administration, la police, la justice, la gendarmerie, l’éducation nationale et la presse. La liste n’est pas exhaustive.
Au niveau de l’économie et de la politique, les scandales à la Wade sont innombrables malgré la rupture annoncée : les marchés publics sont pris en otage par l’immixtion d’hommes d’affaires et d’industriels « amis » du régime, le cumul des mandats prospère allégrement, le gouvernement sert toujours de plateforme de recrutement pour chômeurs politiciens, les sanctions positives et négatives sont sélectives, les poursuites judiciaires sont à la tête du client, le recyclage des fossoyeurs de la nation sénégalaise et l’immixtion familiale dans l’Etat perdurent.
Après le Monsieur Frère (1) (avocat) de Wade, nous avons maintenant droit à deux Monsieur (beau)-Frère (ingénieur) et Frère (journaliste) de Macky Sall. Où est la rupture ?
Pire, la pitrerie institutionnelle persiste avec un « griot du Président » qui parle et agit à tort et à travers, inaugurant des palais et faisant nommer des ministres après consultation par le chef de l’Etat himself, et un incroyable communiqué de la présidence de la République, jamais vu de mémoire de citoyen, qui en rajoute au sacrilège républicain et à la pantalonnade en voulant remettre l’odieux cabotin à sa place !
Restons optimistes qu’après son séjour bénéfique sur les rives de la Seine, le président Sall reviendra avec la ferme intention de mettre la patrie au-dessus du Parti, des partis et des lobbies, s’il veut être encore suivi par ses compatriotes.