LA POLICE DANS LE VISEUR
Meurtre de Ndiaga Ndiaye

Ndiaga Ndiaye, qui aurait été tué par balle par le policier Cheikh Diop, a été inhumé à Touba. La cérémonie de levée du corps a eu lieu hier à la morgue de l'hôpital général de Grand-Yoff. La famille a décidé de porter plainte contre le policier après les résultats de l'enquête.
L'affaire prend une nouvelle ampleur attendue. La famille de Ndiaga Ndiaye ne compte pas laisser impunie la mort de son fils. Elle n'attend que les conclusions de l'enquête pour porter plainte contre la police.
"Nous allons porter plainte et laisser tout entre les mains de la justice. Le policier en question a reconnu les faits. Il est venu même ici avec le commissaire de Dieuppeul pour présenter les condoléances à la famille. Ils ont reconnu le meurtre. Ce qui nous intéresse ce n'est pas de l'argent. Ndiaga vaut mieux que l'argent, il était un soutien de famille", a dit Mamadou Baïlo Diallo, l'oncle de la victime. D'ailleurs à en croire ce dernier, les policiers avaient cherché à corrompre le jeune qui a ramassé la balle en lui proposant la somme de 60 mille francs. "Ils voulaient certainement faire disparaître les preuves, mais le jeune garçon était incorruptible", a-t-il ajouté.
La volonté de la famille de Ndiaga Ndiaye de traquer le présumé meurtrier a eu un écho favorable auprès de la police. L'enquête est confiée à la Dic qui a déjà entamé les investigations en entendant depuis samedi trois témoins. Elle entendra ce lundi Jean Mendy, le témoin oculaire de la bavure policière.
Selon ce dernier, les faits ne se sont pas produits tels qu'ils sont relatés.
"Les policiers n'avaient pas poursuivi un dealer. Ils procédaient à des rondes comme d'habitude. Ils m'ont d'ailleurs arrêté à deux reprises. Je connais bien ce policier. Mais ce jour, nous revenions des thiants. Arrivés à hauteur d'un coin de la rue, Ndiaga Ndiaye m'a dit qu'on lui a tiré une balle à la jambe. Quand j'ai vu du sang, je suis allé vers le policier pour lui dire qu'il a blessé Ndiaga. Mais il ne m'a pas écouté, et avec ses collègues, ils m'ont malmené en m'occasionnant des éraflures (qu'il a montrées sur le front et sur le flanc droit). Puis, ils m'ont conduit au commissariat de Dieuppeul en laissant sur place Ndiaga. Quand je suis arrivé au commissariat, j'ai dit aux policiers que leur camarade a tiré sur mon ami. Mais ils m'ont retenu jusqu'à 5 heures du matin. Et quand le policier est revenu dans le violon, je lui ai appelé pour lui dire que je ne lui voulais pas du mal, mais qu'il prenne en charge la victime. C'est ainsi qu'il a accepté de venir avec moi à l'hôpital. C'est grâce au policier que les médecins ont commencé à soigner Ndiaga. Après avoir été évacué par des amis, Ndiaga est resté de 1 heure jusqu'à 5 heures du matin sans recevoir de soins", a-t-il relaté.
Selon les déclarations de la grand-mère de la victime, son petit-fils lui a confié avant de rendre l'âme qu'il n'a rien fait à la police.
Pour rappel, l'incident s'est produit dans la nuit du jeudi à vendredi dans le quartier Arafat de GrandYoff. Le jeune Ndiaga Ndiaye, âgé de 30 ans, a été atteint d'une balle à la cuisse après que l'agent Cheikh Diop a ouvert le feu sur lui. Evacué à l'hôpital, il a rendu l'âme des suites d'une hémorragie interne et externe. Il a été inhumé hier au cimetière de Touba.
AU CŒUR DE L'ENQUÊTE
La police reconnait la bavure
La police a reconnu sans équivoques la mort de Matar Ndiaye (Ndlr : Il s'appelle Ndiaga Ndiaye) au cours d'une opération de police. Le bureau des Relations publiques de la Police nationale raconte le film de la bavure :
"Au cours de l'interpellation d'un trafiquant de drogue, les agents du commissariat de police de Dieuppeul, qui l'ont poursuivi jusqu'à Grand Yoff, ont rencontré une résistance et l'un d'eux a dû faire usage de son arme."
L'agent aux arrêts de rigueur
La police poursuit : "Il a malheureusement atteint le nommé Matar Ndiaye présent sur les lieux de l'opération de police. Ce dernier a rendu l'âme à l'hôpital général de Grand Yoff où il a été évacué." Par conséquent, la direction générale de la Police nationale regrette cette perte humaine et présente ses condoléances les plus attristées à la famille du défunt. Elle informe "qu'en rapport avec le Parquet, une enquête a été immédiatement ouverte pour faire la lumière sur cette affaire. L'enquête a été confiée à la Division des investigations criminelles (Dic)."
En service au commissariat de Dieuppeul, l'agent Cheikh Diop, identifié comme celui qui a tiré le coup mortel, est aux arrêts de rigueur.
POLICE DES POLICES
Dic d'impunité ?
Les derniers cas de bavures policières qui se sont soldées par mort d'homme ont été confiés par les autorités judiciaires à la Division des investigations criminelles (Dic), un démembrement de la police. Pour la plupart des dossiers judiciaires, les mis en cause ne reçoivent pas de condamnation de la part de la justice à la dimension des actes présumés pour lesquels ils sont poursuivis. D'où le sentiment pour les victimes d'assister à un règne de l'impunité.
De plus en plus, les enquêtes concernant des affaires de bavures policières se soldant par un ou des meurtres sont confiées à la police elle-même. Cette démarche a eu la particularité de susciter souvent chez les proches des victimes de la déception. Et dans la plupart des cas soulevés, leurs craintes ont été fondées, confirmées qu'elles étaient par les faits qui parlaient d'eux-mêmes. Aujourd'hui, l'opinion est informée du cas de mort d'homme concernant le jeune Ndiaga Ndiaye de Grand-Yoff.
L'affaire concernant ce jeune, victime d'une bavure policière, a été encore confiée pour les besoins d'une enquête à la Division des investigations criminelles (Dic). Un démembrement de la police dont les éléments vont encore enquêter et mener des investigations sur un fait qui met en cause directement un de leurs frères d'armes.
Le Parquet, qui est le chef de la police judiciaire, devait pour plus de transparence dans la gestion de ce nouveau dossier de meurtre s'en ouvrir à la Gendarmerie nationale. Afin que l'opinion soit édifiée sur les circonstances de la mort du jeune Ndiaga Ndiaye. Mais aussi sur les motivations réelles ayant poussé le policier, mis en cause dans cette affaire, à tirer sur le défunt.
Déjà le doute a commencé à gagner la famille du défunt, même si cette dernière compte déposer une plainte pour que cette affaire de mort d'homme soit tirée au clair. Les cris de désapprobation des défenseurs des droits humains n'y feront rien. Les relations exécrables entre les deux corps en charge de la sécurité des citoyens ne sauraient suffire comme argument pour que les enquêtes mettant en cause les éléments de l'une de ces entités ne soient confiées à la force non incriminée.
Plusieurs cas similaires avaient fait l'objet d'un pareil traitement. Il suffit juste de se rappeler l'affaire dite du meurtre de l'étudiant Bassirou Faye de Diourbel. Une affaire qui n'a pas encore livré tous ses secrets. Même si le Doyen des juges d'instruction, Mahawa Sémou Diouf, est parvenu à mettre au gnouf trois policiers :
Tombong Oualy, Saliou Ndao et Sidy Mouhamed Bougaled. Il demeure toujours que la justice n'arrive pas – ne serait-ce que pour éclairer la lanterne de l'opinion – à décliner de manière claire l'identité du policier qui aurait tiré la balle qui avait fauché le jeune étudiant Faye dans une enquête confiée encore à l'incontournable Dic.
L'on se rappelle également l'affaire de la mort par asphyxie de l'apprenti-chauffeur Ibrahima Samb à Mbacké. Ce dernier avait rendu l'âme pour avoir été oublié dans la malle arrière d'une voiture par le policier Thiendella Ndiaye jugé et condamné pour le meurtre de l'étudiant Balla Gaye alors qu'il était auxiliaire de police – et trois autres de ses frères d'armes : Almamy Touré, Mame Kor Ndong et Ousmane Ndao. L'enquête du dossier pour lequel ils sont incriminés était aussi confiée à leur propre corps, la police à travers encore la... Dic. Dans l'attente du sort qui leur sera réservé par la justice, ils sont toujours sous mandat de dépôt dans la capitale du Baol.
Les autorités judiciaires devraient travailler à ce que l'impunité ne puisse régner dans ce pays.
En évitant de tirer d'affaire les hommes de tenue mis en cause dans les bavures policières. Une mort d'homme étant toujours une perte de trop, le citoyen doit sentir à ses côtés la présence de la justice afin qu'il n'ait pas le sentiment d'être lésé dans de pareilles situations.
Dans d'autres circonstances, l'affaire Kambel-Kara dont des policiers de la Brigade d'intervention polyvalente (Bip) étaient à l'origine n'avait pas permis aux uns et aux autres d'entendre le témoignage du témoin-clé à charge. Au contraire, ce dernier n'a même pas reçu de convocation devant l'inviter à comparaître à la barre.
Alors que sa déposition aurait permis de comprendre combien la responsabilité de ces agents de police chargés de la protection des hautes personnalités était en cause dans les violences de l'époque dont furent l'objet les deux journalistes. Pour ce cas précis, l'acte posé par le Parquet n'avait pas permis la comparution du témoin-clé à charge contre les policiers de la Bip.